Livre
Photo de Solène

Solène

Aux éditions : 
Date de parution : 31/07/11  -  Livre
ISBN : 9782864326540
Commenter
Lavadou   - le 31/10/2017

Solène

François Dominique est auteur et traducteur. Il a publié plusieurs romans (Romulphe, Parole donnée, La Musique des morts chez Mercure de France) ainsi que des recueils de poèmes (Petite Cassandre, Humanités, A Wonderful Day). Il a aussi créé, en 1987, les éditions Ulysse Fin de Siècle.
 
Une petite fille face à la fin du monde
 
Le récit se situe dans un futur indéterminé, dans la région de Lyon. Une catastrophe dont on sait peu de choses a dévasté l'humanité. Plusieurs années après, les quelques rescapés tentent tant bien que mal d'échapper à la mort. Entre les mutants agressifs, les animaux sauvages et, surtout, les mystérieuses ombres létales, qui rongent êtres et choses au crépuscule, la famille de Solène peine à survivre, barricadée dans une villa de campagne, protégée par un bouclier magnétique qui donne des signes de faiblesse. Solène, jeune fille aux pouvoirs étranges, raconte son quotidien avec ses parents et ses trois frères : les jeux pour s'occuper, la quête de nourriture toujours plus difficile, les peurs des uns et des autres, les mots qui lui viennent d'elle ne sait où et qui blessent. Et ce qui se cache peut-être dans la chambre blanche, dans le grenier, que les parents ont interdit d'accès aux enfants.
 
Un contexte SF peu convaincant
 
À la découverte de ce livre, on est à la fois enthousiasmé, car les éditions Verdier ont publié quelques excellents livres (les romans de Pierre Michon, par exemple, ou le magnifique Éloges des voyages insensés de Vassili Golovanov), mais également un peu dubitatif, car les incursions des auteurs de littérature dite générale dans le domaine de l'anticipation et de la science-fiction ne sont pas toujours de franches réussites. Mais on a trop souvent pesté contre certains fans purs et durs de SF, qui rejettent a priori ce type de textes au prétexte qu'ils ne font que recycler des thématiques classiques du genre, pour tomber dans le piège des préjugés. C'est donc avec l'esprit le plus ouvert possible que l'on aborde ce court roman dont le texte de quatrième de couverture est plus qu'intrigant.
 
Force est de constater que, côté SF et anticipation, les travers que l'on redoutait se confirment. Ce n'est pas tant le contexte post-apocalyptique assez classique qui pose problème, qu'une utilisation souvent artificielle des éléments technologiques. La façon dont François Dominique apporte des informations sur ces aspects semble forcée, comme s'il s'obligeait à les intégrer au récit parce qu'il se déroule dans le futur. Le bouclier magnétique entourant la villa, par exemple, est certes indispensable au développement de l'histoire, mais semble posé là sans que l'on sache vraiment ce qui le matérialise. De même, la puce enregistreuse implantée dans le cortex de Solène est un artifice pour justifier le récit à la première personne et la narration qui suit le fil des pensées de la jeune fille, mais ne sert pas à grand chose au final. Et quand Solène s'adresse à "nous", prétendus humains du futur ayant découvert et déchiffré cette puce, on se demande où l'auteur veut en venir (même si l'on se doute que cela a à voir avec la transmission par les mots, mais cet aspect est au final peu approfondi).
 
Heureusement, ces éléments sont suffisamment annexes pour ne pas trop alourdir un récit qui se suffit nettement à lui-même.
 
Un roman touchant, avec une vraie voix
 
Car au-delà de ces défauts dont seul un lecteur averti de SF pourrait se sentir gêné, Solène est un joli texte intimiste qui présente de très belles idées "étranges". Ces ombres létales, par exemple, dont on ne saura finalement pas grand-chose, sont parfaitement mises en scène, François Dominique ne cherchant pas à les expliquer. De même, les dons télépathiques de Solène ont une saveur particulière liée l'extrême sensibilité de la jeune fille, pour qui l'ouïe, la vue, le toucher sont exacerbés. C'est là véritablement que l'auteur excelle : dans la description intime de ces sensations, dans la peinture de tableaux perceptifs immobiles, racontés d'une voix crédible de jeune fille, rappelant en cela par moment May le monde de Michel Jeury.
 
La façon dont Solène s'exprime a son importance : dans ce monde en déréliction, où l'innocence est le dernier bastion de l'espoir, les mots semblent avoir acquis un vrai pouvoir. La mère de Solène a peur des mots qui viennent à la bouche de sa fille contre sa volonté, car ils pourraient déclencher une tempête de "mots crevards" destructeurs. Pourtant, les mots sont pour Solène les pièces d'un puzzle, d'un jeu, autant que les vecteurs de transmission d'une expérience personnelle.
 
Si l'on sait donc faire abstraction des défauts liés aux artifices technologiques, Solène s'avère être un roman touchant, avec de belles idées plus proches du fantastique que de la SF.
Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?