Otakuland
Paru aux éditions Delcourt dans la collection Mirages et entièrement concocté par Walder du scénario aux dessins en passant par la mise en couleurs, Otakuland est un petit bijou étrange qui illustre la réaction de la société nippone vis-à-vis de ses otakus. Walder a déjà été publié par les Humanoïdes Associés avec le livre Maximum et Minimum.
Un otaku est une personne dont la vie sociale est très restreinte. Elle s’isole souvent le plus possible chez elle afin d’assouvir sa passion qui peut être les jeux vidéos, les mangas ou tout autre chose. Ce véritable phénomène de société au Japon inquiète et fascine à la fois : le terme otaku a une connotation assez péjorative au pays du soleil levant, au contraire de la France où ce mot désigne avant tout des passionnés, mais pas nécessairement des personnes qui ne vivent qu’à travers leur addiction.
Dans cette bande-dessinée, loin d’être un mal dont ils essayent de se guérir, nos trois personnages vont au contraire rejoindre leur monde et nous montrer par leurs yeux ce qu’est Otakuland : un monde merveilleux où tout est possible.
Trois parties pour trois personnages
Au fil des pages nous suivons trois hommes relativement ordinaires, bien qu’en marge de la société. Le premier se nomme Yota, le second Koi- il est livreur de films pornos- enfin le troisième s’appelle Jibun. Chacun a son procédé pour se rendre à Otakuland, qui leur permet de se protéger des moqueries des autres concernant leur statut d’otaku. La réaction de la société face à ses marginaux est d'ailleurs parfaitement illustrée par le proverbe japonais énoncé en quatrième de couverture : « Le clou qui dépasse se fait taper dessus ».
Ainsi nos personnages nous entraînent-ils dans un Tokyo aux allures oniriques et étranges où la frontière entre réel et imaginaire devient de plus en plus ténue… où quand vous verrez surgir de nulle part une chenille à grande queue fourchue en guise de bus, vous serez à peine surpris.
S'évader de la réalité
Alors que faire pour nos trois otakus, rentrer dans le moule ? Très peu pour eux. Au contraire, Yota, Koi et Jibun se plongent d’autant plus dans leur monde qu’ils sont harcelés. Car entrer en Otakuland, c’est leur façon de se sentir eux-mêmes, de ne pas être oppressés par cette dictature de la société qui nous pousse à être conformes, normalisés, avec les mêmes envies et désirs.
Parlons maintenant du dessin et de la patte très esthétique de Walder. Le trait est net, précis et très fouillé, faisant des planches de véritables merveilles graphiques. On peu ainsi passer de nombreuses minutes à regarder les détails qui fourmillent à chaque case. La particularité des personnages dessinés par Walder est qu’ils ont tous une tête de taille disproportionnée par rapport à leur corps : tout participe à la création d’un univers original et magnétique, envoûtant.
De quoi vous laisser transporter le temps d’un livre (il s’agit d’un one-shot) dans un monde qui nous fait oublier les tracas de la vie de tous les jours et nous ouvre les yeux sur une autre philosophie de vie. Alors oui, les personnages que l’on suit sont marginaux, et vivent à travers leur passions, parfois trop, mais au bout du compte, n’est-ce pas eux qui sont les plus heureux ? A vous de vous faire un avis sur la question…