Pop et Kok
Julien Péluchon est né à Brest en 1978. Eclectique, il peint, fait de la vidéo, et écrit sur divers sujets. Pop et Kok est son deuxième roman au Seuil, après l'osé Formications en 2006.
Après l'Apocalypse, tout finira mal
C'est au milieu des ruines de Rouen que l'intrigue de Pop et Kok s'installe. La civilisation a sombré et la science n'existe plus. Depuis l'arrivée du Souffle, vieilles carcasses de camion, épaves en tout genre, champs de gravats et crevasses jonchent la ville. Le monde vert et luxuriant que nous connaissons encore prend brutalement fin après le passage d'un gros nuage de poussière bleue, emportant toutes les âmes pour faire place à des cadavres fumants qui sentent l'œuf. C'est l'éclosion du phénomène zombie. Personne ne sait quelle est la cause de tout ça, ni quel est le responsable. Le Souffle est ce vent venu briser des liens que l'humain croyait alors sans fin.
Plusieurs années après, alors que des centrales stockent les zombies errants afin qu'ils deviennent des générateurs électriques, des survivants tentent de reconstruire un semblant de civilisation : une poignée de braves sans illusion, dont font partie Pop et Kok, souhaitent travailler et retrouver la paix face à des barbares violents. Il leur arrive alors de discuter du monde d'autrefois qu'a connu Kok, dans l'espoir de faire revivre une nostalgique merveille. Avec eux, une lueur persiste.
C'est sans compter sur les aurivergistes qui célèbrent, dans ce nouveau monde dévasté, la Verge d'Or, en qui ils tirent de leur foi un optimisme sans frein. Grâce à l'irréductible joie des croyants et à leurs impressionnantes maîtrises techniques, ils installent aujourd'hui le berceau de la nouvelle civilisation française. Les aurivergistes sont ceux qui mettent « des mots, de l'art, du jeu, là où les barbares n'ont que violence brute », créant un monde à part. Néanmoins une question se pose : où est désormais le sens de la civilisation ?
Pok et Kok ou Comment réussir sa vie après la fin du monde ?
Rapidement, dans ce monde de misère où travailler est le seul remède, Pop et Kok se démarquent par leur volonté de devenir les entrepreneurs de demain. Ils veulent être de cette sorte de gens qui peuvent redonner au pays le sens du progrès, sans avoir besoin d'en appeler « à la religion idiote d'un dieu grotesque ». Ils seront des entrepreneurs laïques. L'attitude optimiste qu'ils adoptent avec force et conviction a pour but d'améliorer leur état psychique autant que d'agir dans ce monde en ruine. Il s'agit alors d'expérimenter une nouvelle manière de vivre : la réalité ne convient pas, et les actes d'entrepreneurs sont là le moyen qu'ils ont trouvé pour y échapper, pour se sauver.
Malgré une dépression violente qui n’épargnera pas nos héros, malgré diverses tentatives de suicide, toujours, la vie reprend. Pop et Kok sont persuadés que la nature renaît et l'homme avec.
Et l'amour dans tout ça ? Alors que les deux héros veulent continuer à aimer, ils mènent une vie sentimentale désastreuse : Pop se marie avec une femme qu'il n'aime pas tandis que celle de Kok part pour une autre. Malgré tout, ils parviendront à se ménager un semblant de sexualité, que ce soit auprès d'une aurivergiste manipulatrice célébrant l'amour libre ou de conquêtes venues d'après annonce « baiser » pour un soir. Car sans elles, la vie est pitoyable, il ne reste rien.
Un livre noir et drôle
Le roman balance avec brio entre un narrateur extérieur qui apporte une réflexion sarcastique sur les tentatives vaines des héros, par le biais d'un regard mouvant, à la fois dur et noir, empreint d'un humour grinçant sur cette société à la dérive, et entre le récit introspectif de Pop qui écrit à la demande de son « chamane » et psychanalyste, Mr. Zin, sur un cahier rouge trouvé dans les bras d'un squelette de l'ère ancienne.
Là où la vie humaine n'a plus la valeur qu'on lui accordait autrefois, Julien Péluchon sait ménager un semblant de fraternité entre deux hommes qui resteront ensemble jusqu'au bout. Un ouvrage où les héros restent des non-héros, et où le futur est sans rémission.