Armageddon Rag
George R. R. Martin est un des maîtres de la fantasy contemporaine. Ecrivain né en 1948, il fut rendu internationalement et immensément célèbre par sa série de romans Le Trône de Fer (A Song of Ice and Fire) publié depuis 1998 en France et dont le prochain tome sortira à la fin du mois. Auteur prolifique, il est le créateur de romans, nouvelles ainsi que de scénarios de télévision. Il reçu de nombreuses fois les prix Nebula, Hugo et Locus. Armageddon Rag fut écrit en 1983 et sorti en France en 1985 pour la première fois. Nous en avons désormais une réédition, avec une nouvelle traduction de Jean-Pierre Pugi.
Résurrection du rock et de la révolution hippie
Jamie Lynch, imprésario d’un des plus grands groupes de rock des années soixante, les Nazgûls, est retrouvé assassiné dans sa demeure isolée. Ligoté à son bureau, il est étendu sur une affiche du groupe, son cœur arraché. Le romancier Sander Blair, ancien journaliste underground, est bloqué à la 37ème page de son dernier livre. Parce qu’il est fasciné par l’histoire et la musique des Nazgûls, il décide de mener sa propre enquête et de résoudre ce meurtre qui ressemble dangereusement à celui du chanteur du groupe, abattu en plein concert à West Mesa en 1971, dix ans auparavant. Sander se rendra rapidement compte que l’affaire est loin d’être similaire à celle de Charles Manson et se révèlera bien plus tortueuse, et bien pire.
Un thriller puissant en hommage aux années d’or du rock
La plupart d’entre nous connaissent George R. R. Martin au travers de son Trône de Fer. Si nous retrouvons ici sa maîtrise de l’écriture et du suspense, nous sommes toutefois extrêmement loin de l’ambiance médiévale et fantastique de sa série principale. Nous plongeons avec Armageddon Rag dans la période post-rock des années soixante, ayant perdu les illusions de cette période d’or et atterri avec brutalité sur le sol des réalités de la vie et du fonctionnement du monde.
La puissance de l’écriture de George R. R. Martin repose sur sa virtuosité des mots. Il attrape littéralement le lecteur aux tripes, ne le libère qu’aux dernières pages et le fait vibrer à volonté.
De plus, les évènements du récit, de plus en plus intenses, créent un crescendo dans le suspense et la tension, jusqu’au dénouement final sous forme d’une paix atteinte par les personnages. Ces derniers sont d’ailleurs merveilleusement bien construits. L’éventail de leurs personnalités et de leurs histoires reflètent ceux des jeunes des années 60-70 ayant pris part au mouvement hippie : la jeune fille libérée qui perd ses joies et sa spontanéité, le rebelle radical qui devient un capitaliste radical, le jeune homme de bonne famille qui sera repris en main par ladite famille… Le héros, Sandy Blair, ancien hippie devenu écrivain, rappelle avec un clin d’œil George R. R. Martin lui-même, qui pourrait avoir été un acteur anonyme de cette époque.
La mélancolie qui habite Sander Blair, dix ans après les années hippies et la révolution qu’ils voulaient mettre en place, les idéaux qui les habitaient, trouve un étrange écho tant dans le cœur de ceux ayant vécu cette époque comme dans celui des plus jeunes, qui voudraient maintenant changer le monde à leur tour.
Si George R. R. Martin définit son Trône de Fer comme un mur à bâtir, Armageddon Rag serait une chanson rock puissante et hypnotisante. Le nombre de références aux chansons rock de l’époque est d’ailleurs impressionnant et renforce la force musicale du roman qui transcende les âges.