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La fille automate

Sara Doke (Traducteur), Paolo Bacigalupi ( Auteur), Billy & Hells (Illustrateur de couverture)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/03/13  -  Livre
ISBN : 9782290032664
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chloe   - le 31/10/2017

La fille automate

Paolo Bacigalupi a tout de suite connu un grand succès avec ce premier roman, La fille automate, multi-primé par les prix Hugo, Nebula, Locus et John W. Campbell.
 
Écrivain américain né en 1972, précédemment webmaster de High country news, magazine dédié à l’environnement, il a débuté dans l’écriture par quelques nouvelles, et a vite retenu l’attention des critiques du monde entier avec La fille automate.
 
Il a depuis repris la plume pour un second roman, Ferrailleurs des mers, qui a reçu le prix Locus du meilleur roman pour jeunes adultes en 2011. La sortie de son dernier ouvrage, Les Cités englouties, est prévue en langue française fin octobre 2013 aux éditions « Au Diable Vauvert ».
 
À la recherche du génome idéal
 
Bangkok, Thaïlande, un futur où les catastrophes écologiques ont transformé le monde et les rapports de force passés. Le temps du pétrole est révolu et des maladies - la rouille vésiculeuse et la cibiscose – , détruisent les aliments et infectent les hommes qui en sont victimes. Anderson Lake, un Américain travaillant pour AgriGen, une multinationale de l’agroalimentaire qui fabrique des souches de type OGM pour les vendre de par le monde, est à la recherche de nouvelles souches originales. Officiellement, il dirige une usine de piles énergétiques pour la société SpringLife, mais ce n’est qu’une couverture.
 
Il va croiser la route d’Emiko, une fille automate abandonnée par son précédent propriétaire japonais et contrainte de vendre son corps pour survivre, et celles de bien d’autres individus, comme Hock Seng, un Chinois réfugié de Malaisie qui travaille à l’usine, Jaidee Rojjanasuckchai, surnommé « Le Tigre de Bangkok » et son lieutenant Kanya Chirathivat, fonctionnaires du ministère de l’Environnement, ou encore celle de Gibbons, ce transgénieur américain qui a trahi son pays pour s’installer en Thaïlande.
 
Un univers original mais peu développé
 
L’univers que nous propose Paolo Bacigalupi est sombre, révélant la part d’ombre de l’être humain et ne permettant pas d’espérer mieux pour l’avenir. Suite à diverses catastrophes écologiques dont on ne saura pas grand-chose, le pétrole n’est plus utilisé et l’on a recours à des techniques plus anciennes : déplacements en ricksaw, transit des marchandises en montgolfière, les mastodontes – des pachydermes – font tourner les machines des usines, il faut pédaler pour fournir l’énergie nécessaire aux ordinateurs, on utilise des lampes à gaz pour s’éclairer, etc. Tout se monnaie en « calories » dépensées, et des manipulations génétiques ont permis de créer toutes sortes de plantes mais aussi d’êtres vivants, comme ces chats Cheshires, aberrations qui se reproduisent à tout va et viennent manger les charognes dès qu’il y a des morts, se rendant invisibles quand ils le souhaitent, sur le modèle du chat d’« Alice au Pays des Merveilles » qui les a inspirés.
 
Dès les premières pages du roman, le lecteur est tout de suite plongé dans cet univers, qui ne lui est pas expliqué, et qui ne le sera pas par la suite, à l’exception de quelques indices. Certes, cela présente l’avantage d’un dépaysement immédiat, mais le contexte aurait mérité plus d’explications. En effet on en sait tellement peu que l’on a l’impression que l’auteur lui-même ne connaît pas vraiment les détails de son univers, qu’il n’a pas eu le temps ni l’envie de le développer. Paolo Bacigalupi nous donne simplement à lire le destin de ses personnages, mais la trame globale et historique n’existe pas assez, du moins elle n’est pas aboutie. On entend parler d’une catastrophe écologique en Finlande par exemple, sans en savoir plus, et les relations complexes entre Asie et Amérique ne sont que survolées, sans que l’on comprenne bien les tenants et aboutissants, idem pour le développement des maladies et le nouveau mode de vie.
 
Des personnages forts
 
La fille automate est comparé, sur le 4e de couverture, à l’œuvre de Ian McDonald. Il est vrai qu’on retrouve de grandes similitudes entre ces deux auteurs, dans leur manière d’aborder un pays et un futur imaginé à l’instar d’un tableau dans lequel le lecteur est immergé, à travers le destin de plusieurs personnages qui finissent par tous se croiser et être liés à l’intrigue principale. Comme dans Le Fleuve des Dieux de Ian McDonald, qui se déroule en Inde, Paolo Bacigalupi s’attache à retransmettre l’ambiance particulière de la Thaïlande, en utilisant régulièrement un vocabulaire thaïlandais (« farang » pour « étranger », etc.), mais ici, à l’inverse du Fleuve des Dieux, pas de glossaire pour aider à maîtriser ces termes. Cela dit ce glossaire n’aurait pas forcément été indispensable à la compréhension du roman, car les mêmes termes sont souvent répétés, et on les comprend donc sans avoir forcément à rechercher leur traduction. Mais cet exemple est symptomatique de ce qui différencie notamment Ian McDonald de Paolo Bacigalupi : alors qu’avec le premier, on a l’impression que tout est travaillé, que les détails sont nombreux et constructeurs de l’univers, avec le second on reste constamment dans le flou artistique.
 
Au-delà de ces considérations, les personnages rencontrés restent marquants. Emiko, la fille automate, vient du Japon, où ses créateurs l’on voulue parfaite, répondant à tous les désirs des humains. À tel point qu’elle ne parvient pas à se rebeller car elle est conditionnée pour obéir aux ordres. Abandonnée sur place par son précédent propriétaire japonais, elle se retrouve à épancher tous les désirs sexuels des clients du tenancier qui l’a recueillie. Elle souffre beaucoup de la chaleur car les pores de sa peau, pour un satiné parfait, sont trop petits et ne permettent pas d’évacuer la chaleur par la transpiration : créée pour des salons climatisés, elle survit tant que bien mal dans la ville de Bangkok, où l’eau est un bien rare et cher. Il existe d’autres automates, qui se nomment eux-mêmes le « Nouveau Peuple », et le rêve d’Emiko est d’acquérir sa liberté.
 
Jaidee et Kanya quant à eux tentent de faire appliquer les lois environnementales, ce qui s’avère très difficile dans un monde extrêmement corrompu, où le ministère du Commerce fait pression inverse. Jaidee est un idéaliste qui devient gênant… Le parcours d’Hock Seng, réfugié « yellow card » chinois qui fait partie des parias est également intéressant, il tente de survivre tout simplement. Le transgénieur Gibbons, rongé par la maladie, est quant à lui plus ambigu, ses motivations sont multiples et il jouera un rôle décisif dans l’intrigue. Anderson Lake enfin est complètement bouleversé par sa rencontre avec Emiko, qui réveille bien des contradictions en lui…
 
Un premier roman réussi
 
La fille automate est un bon roman, même si le contexte décrit n’est pas assez développé. Paolo Bacigalupi a réussi le pari de proposer un univers original, qui n’appartient qu’à lui, et à nous intéresser au destin de ses personnages. Sur fond de thématique écologique, très actuelle, La fille automate s’inscrit dans la lignée des textes désabusés, présentant un futur très sombre pour l’Homme, qui se détruit lui-même sans s’en rendre compte et où la vie et la renaissance viennent finalement de là où ne l’attend pas.

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