Hell
Né en 1934 à Osaka, Yasutaka Tsutsui est l’une des voix majeures de la science-fiction et du fantastique japonais. Il débute à la fin des années 1960 par des textes où l’on décèle les influences de Philip K. Dick et de J. G. Ballard. Son oeuvre imposante a été couronnée de nombreux prix, dont le prix Kawabata, le prix Tanizaki et le prix Izumi Kyôka. Trois de ses livres ont été traduits : Les Cours particuliers du professeur Tadano, le Censeur des rêves et la Traversée du Temps. Il est aussi l’auteur du roman Paprika, dont l’adaptation en dessin animé par Satoshi Kon en 2006 a connu un succès international.
Une galerie de personnages d’horizons divers
Un yakuza assassiné par un clan rival, un bel infirme carriériste et séducteur, un homme marié fou amoureux d’une jeune starlette, un fringant acteur de kabuki qui suscite les jalousies, un couple de sans-abris morts de froid dans un parc : tous ces personnages, qui un jour se sont croisés dans leur vie, se retrouvent en Enfer, où ils reviennent sur leurs passés respectifs.
Une vie en Enfer
Récit astucieux, l’auteur nous fait découvrir plusieurs personnages à travers de nombreux flashback. On découvre au fur et à mesure le passé des différents protagonistes, et les liens qui les unissent. Car en enfer, si les masques que la société nous oblige à porter tombent, les liens que l’on crée ne disparaissent jamais tout à fait. Les différents narrateurs se muent en simples spectateurs de leur propre vie, et à travers eux, c’est la société japonaise que Tsutsui Yasutaka met en scène, avec une acuité toute personnelle.
Mené de main de maître, Hell est traité à l’inverse d’une pièce de théâtre japonais : l’une des caractéristiques de bon nombre de pièces de Nô est ainsi de mettre en scène des fantômes qui reviennent hanter les vivants, incapables de se débarrasser de leur attachement au monde. Au contraire, l’auteur met ici en scène des morts qui ont perdu tout désir superflu, ce qui permet de montrer un monde débarrassé des masques que l’on a coutume de porter pour vivre en société. La relation aux autres n’est-elle pas l’un de ces masques, le plus difficile à retirer ? C’est l’une des nombreuses questions que pose l’auteur dans cet ouvrage fascinant.