Impulsion

La sonde spatiale New Horizons est en route vers la ceinture de Kuiper. En 2015, elle devrait survoler Pluton, le planétoïde découvert par Clyde William Tombaugh, dont elle emporte les cendres. En hommage à ce périple de neuf ans, Bernard Henninger, cameraman à France 3 Centre, signe en 2014 la biographie d'une sonde en route vers Pluton, ou plutôt celle de "l'ingénieuZe", qui a conçu la créature et qui en supervise de très loin le périple. 

 

Auteur de plusieurs romans Le souffle du rêve (2000 et 2009), Le censeur (2006) et Ombres du fleuve (2006) aux éditions Souffle du rêve, Bernard Henninger s'essaie à la science-fiction et à la cinématique spatiale, qu'il avait découverte lors d'un stage à Toulouse. 

 

Bénédicte, "ingénieure" en l'on ne sait pas trop quoi, décide de répondre, comme ça, sur un coup de tête à un concours lancé par une fondation américaine, la Vestiboran, pour l'envoi d'une sonde sur Pluton. Ne sachant pas où aller, ni quoi faire de sa vie, elle défend son projet devant un jury d'Albuquerque à l'Astronomic Foundation et tombe amoureuse du mathématicien indien concurrent qui lui permettra d'affiner sa trajectoire... 

 

Une fois impulsée, la sonde Clyde vit son petit bonhomme de chemin et Bénédicte suivra le sien. Rudra, le matheux indien meurt et tandis qu'elle erre en France à la recherche d'emplois plus incongrus les uns que les autres, elle retourne régulièrement au Nouveau-Mexique pour suivre la course de Clyde. 

  

 

 

Attention, férus d'Asimov, de Silverberg, d'Egan ou de Baxter, ce livre n'est pas un roman de science-fiction. C'est une fiction biographique qui se déroule au rythme très lent du voyage d'une sonde spatiale qui atteindra son but en plusieurs décennies. La seule once d'imaginaire et d'anticipation est parsemée dans les dernières lignes du roman. Et l'on se dit que l'auteur aurait dû, pour écrire un vrai roman de SF, tout simplement commencer par la fin.

 

Côté roman, ce n'est pas folichon. La vie de Bénédicte est plutôt vide. Sa seule raison de vivre est sa sonde. Elle est solitaire et son parcours personnel n'est pas très bling bling. De cancer en cancer, d'AVC en crise d'arthrite, elle vieillit sans jamais trouver sa voie. Ses jobs dans l'audit, dans l'enseignement ou dans la production viticole sont purement alimentaires. Et dans cet océan de morosité, la seule balise qui éclaire son quotidien insipide est la sonde qu'elle suit régulièrement de planète en planète.

 

L'univers scientifique évoqué dans le livre est peu stimulant, il se limite à des calculs de trajectoire et à des enseignements élémentaires. L'être le plus intéressant finalement est la sonde qui vieillit, elle aussi, et qu'il faut rafistoler à distance. Sauf que la sonde est plutôt évoquée "en creux" entre deux rendez-vous sur Jupiter, Saturne, Neptune. 

 

Ce livre n'est pas mal écrit, mais son écriture est lénifiante et peu stimulante : une litanie de faits, d'actes quotidiens, de réflexions banales et de parcimonieuses métaphores spatiales. On attend vainement l'événement qui romprait la monotonie d'une vie sans relief. Le livre manque d'ailleurs cruellement d'humour. L'auteur le sait et le reproche parfois lucidement à son héroïne.

 

Bref, si c'est un roman de SF, c'est un roman raté. Si c'est une fiction biographique sur la vie d'une personnalité scientifique en marge de la science de son temps, c'est plutôt fade et triste.

 

L'ouvrage est sans doute né d'une impulsion (la trajectoire de la sonde comme symbole de l'existence, une vie consacrée à son périple), mais l'impulsion ne suffit pas, il aurait fallu faire vivre et maîtriser la trajectoire.