Tout en poésie et finesse, l'auteur nous conte une légende des plus oniriques. Entre rêve et réalité, le voyage du jeune Guilio et du bûcheron Ozgur ne va pas être de tout repos. Bien des péripéties vont agrémenter une route qui semble s'étirer sans fin. Le récit alterne au gré des pages les haltes dans des oasis et les épreuves. Les deux amis vont devoir faire appel à toute leur ingéniosité pour parvenir au bout de leur quête. J'aime beaucoup le personnage très attachant de Guilio : il semble ne jamais être vraiment pessimiste, il s'amuse de tout et même quand cela est très mal engagé il arrive encore à rire. Quant à son compagnon Ozgur, là c'est plutôt la sagesse tranquille qui avance à son rythme et que rien ne peut arrêter.
Ce voyage au cœur de cette forêt avaleuse d'homme se déroule dans un univers original et décalé. Les arbres semblent prendre vie, tantôt gigantesques et lugubres, tantôt majestueux et lumineux. Le périple est difficile et le lecteur aura une impression de malaise jusqu'à la fin, avec le sentiment d'étouffer généré par le manque d'horizon, et la sensation d'être observé à chaque pas ou page tournée. C'est en tout cas une belle ode à la nature qui peut être aussi belle et fascinante que sombre et dangereuse.
Samuel Epié a relevé avec brio le défi d'une nouvelle colorisation de la série. Il utilise toute une gamme de couleurs en fonction des peurs et des joies des personnages, et réussit à donner un autre regard à cet album tourné vers l'imaginaire et le rêve. Il n'hésite pas à jouer sur les tons pour amener un peu de tension, et faire ressentir le côté étouffant de cette forêt tentaculaire et carnivore, où le lecteur se perd avec les personnages. Cela laisse présager une suite des plus intéressantes. Il suffit parfois d'un petit rien pour entamer l'aventure de sa vie. Guilio vous invite à le suivre, n'hésitez pas...