Avengers : la promise d'Ultron
Disons-le tout de suite pour les retardataires : le succès actuel des films de la franchise Marvel n’est pas surgi du néant. Pendant quarante ans, scénaristes et dessinateurs (et encreurs) se sont succédé sur les personnages créés par Stan Lee et (surtout) Jack Kirby, avec bonheur et aussi pas mal de ratés… L’album ici proposé revient en partie sur le personnage d’Ultron, pour d’évidentes raisons commerciales (ça tombe bien, c’est le grand méchant du film Avengers 2).
C’est l’occasion idéale de parler d’artistes qui ont marqué les comics. Il faut toujours célébrer l’art, quel qu’il soit…
Super héros au bord de la crise de nerfs
L’équipe des Avengers traverse une période de doute : le chevalier noir se dresse contre eux, suivi de l’homme fourmi. Ce dernier est manipulé en sous-main par le robot Ultron (qu’il a créé) qui profite de son état dépressif pour en faire son allié. Les Avengers doivent bientôt faire face au moissonneur qui désire savoir qui de Vision ou de Wonderman est son frère… Et voici que débarque le comte Néfaria, sorte d’espion mafieux qui finit par acquérir des pouvoirs ioniques impressionnants. L’équipe des Avengers ne risque pas de s’ennuyer !
Marvel, en veux-tu, en voilà
Cet album est typique de l’univers Marvel, roman-feuilleton permanent où le lecteur s’intéresse autant aux séquences de « baston » qu’aux états d’âmes des héros et La promise d’Ultron en est plein : tous les personnages doutent d’eux-mêmes et de leurs pouvoirs, chacun se demande en quoi il peut être utile à l’équipe. Certains traversent même des drames identitaires comme Vision et Wonderman qui partagent le même schéma cérébral : lorsque le second était mort – rappelons que la mort est un état transitoire chez Marvel – son esprit a été copié et a servi de modèle pour créer Vision (c’est compliqué de résumer des années de « continuité » Marvel).
Le scénariste Jim Shooter (à qui on devra la saga Secret Wars et qui deviendra le patron de Marvel durant les années 80) livre ici des histoires bien dosées, utilisant des thèmes classiques de la science-fiction comme l’intelligence artificielle dévoyée. L’ensemble tient le coup à la relecture, près de quarante ans après (mon dieu que le temps passe…). Notons cependant que la partie graphique est inégale, de vieux routiers comme Don Heck et Sal Buscema sont loin de susciter l’enthousiasme en début d’album. On a droit à une succession d’expressions outrées, desservies par des couleurs un peu criardes : c’était ça aussi Marvel ! Heureusement, le meilleur reste à venir.
Deux dessinateurs géniaux
Tout change lorsque George Pérez reprend le dessin à partir de la page 76. Héritier de Kirby pour le dynamisme graphique, Pérez s’impose aussi comme le maître des pages avec le plus grand nombre de personnages. Connu pour le soin donné aux visages, correctement encré par Pablo Marcos, Pérez livre là une prestation remarquable. Il est à l’époque un des espoirs de Marvel et œuvrera surtout sur les séries Avengers (qu’il retrouvera dans les années quatre vingt dix) et Fantastic Four, avant de partir chez DC où il rencontrera un grand succès avec les séries Teen Titans, Crisis on Infinite Earth et Wonder Woman.
Il laisse la place à la page 130 (après un intermède insipide avec George Tuska au dessin) à John Byrne, le futur dessinateur des X-Men (les histoires qu’il a dessiné ont grandement inspiré les films de Bryan Singer). Dessinateur plein de génie, héritier de Jack Kirby (lui aussi) et du grand Neal Adams, John Byrne livre une prestation inspirée (sur le combat Thor/Nefaria par exemple), pleine de promesses quant à son avenir…
Tout cela rend l’amateur (et le critique) nostalgique car les comics actuels sont loin de receler autant de magie, celle qui imprègne le môme mal dans sa peau pour qui la Vision était un frère… A lire et à relire, même si la sécurité sociale ne le rembourse pas. Et quel talent ce Pérez !