La Glace et le Sel
José Luis Zárate, né en 1966 au Mexique, est l'un des écrivains les plus renommés dans son pays natal, principalement pour ses œuvres de fantastique et de science-fiction. Il a rédigé de nombreux essais, poèmes et récits qui ont donné un nouvel élan à la littérature mexicaine du XXe siècle, en la rendant universelle et cosmopolite. Sa trilogie Las fases del mito (2001) fait partie de ses œuvres les plus connues. Il a remporté de nombreux prix nationaux et internationaux.
Un voyage en mer, en plein fantastique, qui tourne au cauchemar
Je vous présente toutes mes excuses par avance car je ne peux pas chroniquer ce singulier et fascinant roman sans faire de spoilers.
La glace et le sel, éléments éponymes de l'ouvrage, caractérisent le début de l'histoire, sur la route maritime commerciale que suit le Déméter, un bateau commandé par un capitaine qui raconte ce récit très particulier. Très vite, ce capitaine se met à raconter ses peurs, ses espoirs, ses fantasmes, qui plongent le lecteur dans un homo-érotisme si prononcé que l'un des principaux événements de l'histoire – des caisses de terre, embarquées en Roumanie à destination de l'Angleterre – pourrait presque passer inaperçu.
Entre rêves, cauchemars, fantasmes, réalité incompréhensible, les marins du Déméter et leur capitaine vont alors se retrouver confrontés à des rats albinos, des disparitions inexplicables, une créature cauchemardesque, et enfin, un dilemme fatal pour le capitaine.
La mer, le sel, les rêves, la réalité, le fantastique
Ce court roman cache bien son jeu. Sous des dehors de voyages maritimes se cachent une véritable introspection et une philosophie poétique du bateau, de la mer, de la solitude, des corps abîmés par les épreuves et de la toute-puissance des appétits charnels.
Le capitaine du Déméter est un homme sociable, sensuel et homosexuel, rêveur et esthète, qui doit combattre son véritable caractère pour survivre dans son rôle solitaire de commandant de vaisseau et conserver son autorité sur ses marins, des hommes frustes et homophobes, superstitieux face aux événements anormaux qui frappent leur bateau.
Et c'est là qu'agit la magie du roman : pour qui connaît l'œuvre de Stocker, adaptée avec talent au cinéma par Coppola, on comprend que c'est sur une micro-partie du roman Dracula que La Glace et le Sel vient se greffer ; c'est sur ce trajet en mer, de la Roumanie à l'Angleterre, dans des caisses en bois pleines de terre, dans une atmosphère de tempêtes et de marins disparus, que José Luis Zarate explore avec une rare poésie les thèmes du monstre, de l'incompréhensible, de la sensualité, du fantasmagorique, de la culpabilité, de la mort.
Un sentiment de perte de repères dans un roman séduisant et poétique
Le déroulé factuel de ce roman est parfois difficile à suivre : on est un peu perdu entre les événements passés, présents, réels, rêvés, fantasmés. Mais cela contribue aussi au charme du roman, qui est un vrai petit chef-d'œuvre de poésie, de fantasmatique et de sensualité. À goûter avec délices.