Emma Newman est une auteure britannique de science-fiction, mais aussi de romans noirs, fantastiques et urban fantasy. Elle anime un podcast et publie sa première collection de nouvelles en 2011. Planetfall est son premier roman, sorti en 2015 et traduit en français en 2017 aux éditions J’ai Lu. La version poche a fait suite en février 2018. Son second roman, After Atlas, également traduit en français, est une suite indépendante de Planetfall.
Après avoir été transformée par une vision divine, Lee Suh-Mi sélectionne scientifiques et experts pour la rejoindre à bord de l’Atlas et trouver la Cité de Dieu, sur une planète inconnue. Vingt-deux ans plus tard, Suh a disparu et les secrets de la Cité sont toujours aussi obscurs pour le reste des colons. Nous plongeons alors, à travers le regard de Renata, dans un récit intimiste alors qu’un réfugié inattendu débarque et que la vérité se dévoile…
De la science-fiction en huis clos
Puisque Planetfall met en scène une colonie de Terriens venus découvrir cette planète inconnue voici vingt-deux ans, on peut classer le roman dans le genre du planet opera. Cela dit, nous en découvrons finalement très peu sur la planète : le récit est centré sur la petite colonie installée au pied d’une mystérieuse Cité de Dieu, une étrange construction organique décrite comme une sorte de système digestif. Alors qu’un rescapé, issu d’un groupe de colons pensés morts depuis leur atterrissage, fait son entrée dans la colonie, leur fragile équilibre est mis à mal par un lourd secret.
À partir de là, nous suivons, à travers les yeux de la narratrice Renata Ghali, les conséquences de la découverte progressive d’un secret gardé depuis leur arrivée. Loin des grandes explorations ou aventures que l’on peut découvrir dans certains récits du genre, il s’agit plutôt là d’un récit humain et intimiste, centré sur les émotions de la narratrice et sur le délitement progressif de l’équilibre collectif.
Une volonté renforcée par une narration au présent et à la première personne, du point de vue d’une femme qui est à la fois bras droit du dirigeant de la colonie et amie de la meneuse initiale du voyage, disparue depuis leur arrivée.
Mystères et effondrement psychologique
Le concept de l’intrigue, c’est que Renata, la narratrice, est co-conspiratrice dans le terrible secret sur lequel la colonie est bâtie. Personne d’autre n’est au courant, et nous comprenons très vite que si le secret s’ébruitait, cela mènerait à la destruction de la colonie. Au fil de l’histoire, Renata se remémore des instants passés, de son enfance ou encore de la préparation du voyage, afin de faire nous faire comprendre, peu à peu, les enjeux de ce terrible secret.
Emma Newman nous emmène à travers la découverte de ce secret avec, en filigrane, un autre mystère bien réel : la nature même de la Cité de Dieu. Depuis vingt-deux ans, rien n’a été révélé aux colons, qui chaque année attendent un mot de leur Éclaireuse, Lee Suh-Mi, restée dans les entrailles de la Cité depuis leur arrivée sur la planète.
L’idée de base a beaucoup de potentiel : nous sommes guidées par deux mystères avec des enjeux majeurs sur l’équilibre de la colonie. Sauf que cela ne fonctionne pas. La narratrice connaît le secret qui nous tient en haleine, dès le début de l’histoire. Pour une narration en focalisation interne, c’est assez maladroit : si nous sommes dans sa tête, pourquoi ne pas nous révéler ce qu’elle sait immédiatement ? Résultat : une frustration grandissante à la lecture, alors que la narratrice semble nous faire de faux mystères en dissimulant aux lecteurs ce qu’elle sait.
L’autre souci qui m’a sortie de ma lecture, c’est que nous assistons, à mesure que la narratrice dévoile la nature du secret qu’elle garde depuis plus de vingt ans, à une découverte progressive d'une maladie mentale qui mène à son effondrement psychologique. Et c’est très pénible à la lecture de suivre en focalisation interne une narratrice qui se délite. Et vu que c’est le seul personnage bien construit de tout le roman, difficile de se rattacher au sort des autres personnages pour poursuivre la lecture.
Enfin, la résolution finale du mystère, qui devait porter les réponses tant attendues tout au long du récit au sujet de la Cité de Dieu en elle-même et ce qui a poussé les colons à venir en premier lieu, a été réglée si vite à la fin du roman que cela m’a malheureusement laissé une impression de « tout ça pour ça ? »
Si vous aimez les récits intimistes où l’on plonge dans les méandres d’un personnage à la psyché torturée, vous apprécierez peut-être la lecture de Planetfall. Renata Ghali est plutôt réussie et sa lente chute est globalement bien amenée. En revanche, si vous cherchez un récit pêchu et des mystères prenants, je ne suis pas sûre que cette lecture soit pour vous.