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Photo de Le Vampyre - John William Polidori

Le Vampyre - John William Polidori

Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 01/02/19  -  Livre
ISBN : 9782373050554
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Anaelle   - le 22/01/2020

Polidori : Le Vampyre

Deux romans en un

Cette édition contient deux romans : Le Vampyre de John Polidori, et Lord Ruthwen ou Les Vampires de Cyprien Bérard, qui est une suite développée du premier.

Aubrey est un jeune aristocrate orphelin et livré à lui-même, empli de lectures et d'une vision très romanesque et naïve de la vie. Lorsqu'il fait son entrée dans le monde, il ne peut s'empêcher de remarquer celui que tout le monde remarque : lord Ruthwen, un homme fascinant, séduisant, mystérieux, impossible à cerner. Aubrey va tenter de se l'attacher, et contrairement aux autres, va y parvenir. Les deux hommes se lancent alors dans un tour d'Europe artistique, mais Aubrey est de plus en plus surpris et choqué par le comportement immoral de son compagnon de voyage, qu'il finit par quitter.

L'horreur commence peu après. Aubrey arrive en Grèce et se lie avec une jeune fille de toute beauté, victime peu de temps après d'un horrible monstre. Ses parents parlent d'un "Vampyre"... Plus tard en Italie, Aubrey retrouve lord Ruthwen, qui meurt sous ses yeux après lui avoir arraché la promesse de ne dévoiler son décès à quiconque "durant un an et un jour"... Choqué, Aubrey retourne chez lui et, lié par sa promesse, voit sa raison disparaître en assistant aux fiançailles de sa sœur et de cet être décédé.

On retrouve Aubrey et lord Ruthwen dans le roman de Cyprien Bérard, qui reprend toutes les idées de Polidori pour en écrire la suite.

La vie d'Aubrey est brisée, lord Ruthwen continue ses méfaits. Les lieux changent, les récits sont les mêmes : Bettina et Léonti à Venise ; Nadour-Héli et Cymodore en Grèce, en Arabie, en Italie ; Kaled et Phaloé à Bagdad ; Éléonore et Albini à Modène ; toutes ces histoires, enchâssées les unes dans les autres au point qu'on a du mal à s'y retrouver, racontent la même chose : deux jeunes amants s'aiment innocemment, mais un étranger parvient par la ruse à les séparer et à se faire promettre la jeune fille en mariage - qui finit en bain de sang. On aura reconnu ce qu'ont vécu Aubrey et sa sœur. Et d'autres récits viennent encore compliquer les choses : l'histoire morave d'Elzine, Athalise, Oscar et Thélémy (belle histoire mais dont on ne comprend pas le rapport avec le reste du roman), plus des histoires de dame blanche et de revenants. Bref, ce roman répétitif, long et poétique met perpétuellement en avant des qualités féminines - beauté, jeunesse, grâce, innocence - aimées par un jeune homme honorable qui vont être capturées et tuées par ce lord Ruthwen qui apparaît partout sous plusieurs identités différentes. Aubrey, Léonti, Nadour-Héli et Albini n'auront alors de cesse de retrouver cet individu pour le tuer définitivement.

Une genèse mouvementée

Les amateurs et amatrices du fantastique connaissent les circonstances de la création du Vampyre de Polidori : une nuit de mai 1816 sur le lac Léman, cinq jeunes gens (Mary Godwin, Percy Shelley, Claire Clairmont, lord Byron et John William Polidori), aristocrates lettrés, s'ennuient à cause de la météo défavorable et se lancent un défi : écrire une histoire qui fait peur. C'est là que la future Mary Shelley écrit Frankenstein. C'est là aussi que lord Byron écrit quelques notes éparses, dans l'intention finalement avortée d'en faire un roman.

John Polidori est le médecin personnel, secrétaire et ami de lord Byron. Lors d'une dispute entre eux, Byron s'en va et Polidori décide de récupérer ses notes et d'en faire un roman - assez éloigné en fait de l'idée de départ. C'est ce roman qui passe à la postérité sous le titre Le Vampyre, d'abord sous le nom célèbre de lord Byron, puis sous celui de son véritable créateur.

Le Vampyre, un roman fondateur

La postface nous donne une des clés de cette œuvre : Polidori a voulu se venger de lord Byron, en transformant le lord Ruthwen original, monstrueux, en un aristocrate imbu de sa personne, aussi beau que malfaisant, qui manipule son entourage et en aspire la vie - l'image de lord Byron aux yeux de son ancien ami. Et cette vengeance personnelle littéraire a créé le prototype du vampire aristocratique pour les œuvres à venir.

Ce roman est court, avare en dialogues et en scènes, plus prompt à résumer les actions et à décrire les émotions d'Aubrey. C'est parfois plus une sorte de résumé détaillé qu'un roman construit. Mais il cible l'essence même du vampire aux yeux de la société victorienne : le mal absolu, l'immoralité, l'immortalité, la sensualité. Lord Ruthwen s'attaque aux jeunes filles belles et innocentes, et transforme leur mariage en un autre rituel de sang et de chair, s'en prenant ainsi à un fondement de la société du XIXe siècle. Et il manipule suffisamment bien les autres pour pouvoir continuer ses méfaits en toute impunité.

Une édition enrichie

Cette édition des Forges de Vulcain contient aussi une préface de Charles Nodier, qui précise bien à quel point la poésie et l'imitation de l'Antiquité sont supérieures au roman moderne, et à quel point les scènes de terreur ne sont pas de bon goût : c'est une déclaration pas très sympathique, et un peu curieuse venant de lui qui a écrit Le Vampire et des contes fantastiques (Smarra ou les démons de la nuit, Trilby, La fée aux miettes, etc)... Il y a enfin une postface qui explique quelques clés de l’œuvre, à mon sens indispensables pour bien comprendre la genèse et la portée de ce roman fondateur.

C'est donc une publication solide qui nous plonge avec délices dans les premiers temps du vampire aristocratique moderne !

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