Trafalgar

Angélica Gorodischer - Trafalgar

Une auteure argentine trop longtemps méconnue

Peu de gens en France connaissaient Angélica Gorodischer - quelques nouvelles étaient parues dans des anthologies ou des revues comme Phénix -jusqu’à ce que les éditions La Volte ne fassent paraître Kalpa impérial en 2017. A la fois recueil de nouvelles et roman, cet ouvrage se présentait comme la chronique d’un Empire. Trafalgar repose sur la même formule, chaque nouvelle s’enchâssant à la manière d’un roman autour des histoires du personnage.

Le grand conteur

En fait, les histoires présentées ici sont souvent des conversations de Trafalgar avec une narratrice qui est une image de l’auteure elle-même (il plaint d’ailleurs à un moment « Goro », son mari). Trafalgar (quel prénom !) Medrano est un voyageur de commerce (il vend du papier, du bois) qui se rend sur des planètes, des mondes étrangers et qui réside en Argentine. Le scepticisme de la narratrice sur ses histoires est avéré. On ne sait si Trafalgar est un menteur invétéré, un peu comme le personnage central de Big Fish de Tim Burton ou s’il visite réellement tous ces mondes. Au fond, peu importe tant ses histoires fascinent et amusent.

Anticipations sociales

L’intérêt de l’ouvrage est que Trafalgar présente les sociétés qu’il visite. Dans A la lumière de la chaste lune électronique, il présente un monde dominé par une aristocratie féminine et il couche d’ailleurs avec l’une d’entre elles, par erreur puisqu’elle le prend pour Mandrake (ces femmes immortelles ne couchent qu’avec des illusions). Il en aura une fille qu’on retrouve ensuite à la fin du roman. Dans Le meilleur jour de l’année, toute une planète est en proie périodiquement à des bouleversements temporels qui joue sur l’équilibre social. On a donc droit à des satires sociales savoureuses, en écho aux turpitudes de notre monde. Sans constituer un choc littéraire, Trafalgar peut séduire en tout cas un lecteur exigeant. Laissez-vous donc tenter.

Sylvain Bonnet