Djinn City

Saad Z. Hossain - Djinn City

Saad Z. Hossain vit à Dacca au Bangladesh. Journaliste et romancier, il est l'auteur de Bagdad, la grande évasion (Agullo 2017). Djinn City, son deuxième roman a reçu le Prix Jacques Chambon de la traduction lors du Grand Prix de L'Imaginaire 2021.

"Quelle est la chose que nous avons apprise en trois cent ans ? Ne pas forniquer avec les djinns."

Indelbed, fils du Dr Kaikobad, un ivrogne notoire et le mouton noir du clan Khan Rahman ne sait qu'une chose de sa mère : elle est morte en lui donnant naissance. Lorsque son père tombe dans un étrange coma, il va alors découvrir le secret de ses origines et que le vrai métier de Kaikobad est émissaire auprès du mondes des Djinns. Ces êtres loufoques, terriblement procéduriers et surtout immortels. Il est alors embarqué malgré lui au centre d'une controverse qui pourrait avoir un impact considérable sur l'avenir de l'humanité.

Quand la fantasy urbaine croise la comédie noire et le roman d'aventure

Il y a des romans que l'on entame avec la certitude que, dès la première page, on sait que l'on passera un très bon moment. Djinn City en fait partie. Son ton totalement décalé surprend, on rit pas mal, et on y trouve également aussi des passages nettement plus émouvants, et d'autres baignés dans un ambiance sombre d'une horreur indicible et spectaculaire. Saad a réussi ce tour de force, à m'en apprendre davantage sur les djinns, mythologiques que je n'avais appréhendé qu'un tout petit peu grâce à American Gods de ce cher Gaiman, et aussi un peu avec Karim Berrouka.

J'ai donc été immergée dans une ambiance et une culture totalement étrangère, voyageant depuis mon canapé, et pour tout vous dire, je n'ai pas été déçue. Si le livre en impose, pas loin de 600 pages de folles aventures de Djinns exubérants, de personnages parfois grotesques, des situations absurdes et cocasses. On y trouvera forcément de temps en temps des moments plus pesants, mais compte tenu du pavé, il est normal de ne pas se taper des barres tout du long (en plus, on y risquerait de littéralement mourir de rire, ce qui serait ballot).

Je me suis rapidement attachée aux personnages, j'ai beaucoup apprécié leurs évolutions tout du long du roman. L'intrigue se déroule sur une temporalité assez longue, et de ce fait, on prend plaisir à voir la tournure que prennent certaines situations. Loin d'un récit qui va à 100 à l'heure, Djinn City pose son cadre et permet au lecteur d'appréhender les changements. J'admets avoir parfois été un peu perdue dans tous les personnages, dans ce cas, je fais comme avec de la littérature russe, je me demande "c'était qui lui ?" en haussant un sourcil et me rends compte que ce n'était fondamentalement pas nécessaire pour comprendre l'intrigue. Néanmoins je vous donnerais le conseil de bien vous concentrer, car tous les personnages ont leur rôle à jouer dans l'intrigue.

J'ai aussi aimé comment Saad a intégré les Djinns pour des réflexions qui parfois s'avèrent selon moi assez engagées, lorsqu'il parle des différents courants dans la communauté djinn en pointant les créationnistes évolutionnistes etc. Il est alors aisé de faire le lien avec le poids de la religion, qui toutefois n'est absolument pas évoquée directement dans l'ouvrage, mais suggérée via la figure des Djinns, c'est bien pensé et tout à fait pertinent mis dans ce cadre.

Et enfin, dernier point, mais non des moindres, Saad a enfin réussi à me réconcilier avec les récits de dragons actuels et je l'en remercie !