Un couple créatif
Yves et Ada Remy était un couple de créatifs (et ce jusqu’à la mort du premier en avril 2022) qui s’est d’abord concentré sur le tournage de films institutionnels, pour l’armée ou de grandes entreprises par exemple. Mais le duo a commencé à écrire dans les années 60 et 70, d’abord avec le recueil Les soldats de la mer puis avec La maison du cygne, paru chez Ailleurs et Demain, qui remporta le Grand Prix de l’Imaginaire en 1978. Puis le duo jusqu’à un retour dans les années 2010 avec Le prophète et le vizir, paru chez Dystopia en 2012, constitué d’une novella et d’une nouvelle.
Deux histoires en une
On commence tout d’abord avec L'Ensemenceur où on fait connaissance, au VIIIe siècle de l’Hégire, avec Kamel bin Taïmour, un pêcheur de perles du Bahrein doté de six doigts et décidément pas comme les autres : il a reçu d’Allah le don de voyance. L’émir local le fait enlever, Kamel a des visions du futur, voit les états du Golfe devenir riches grâce au Naphte (=pétrole), voit des vaisseaux (des avions) dans le ciel. Mais à quoi servent ces visions d’un futur lointain là on lui demande de deviner un avenir proche ? Kamel parcourt la Méditerranée, séjourne dans les royaumes chrétiens du Nord mais se trouve confronté au même problème : il voit l’avenir très lointain (dont la grande épidémie de Peste de 1348) mais n’est d’aucune utilité pour deviner ce qui se passe le lendemain…
Cependant son don finit par s’affaiblir, il voit désormais un avenir presque immédiat parce que sa mort se rapproche. Il prédit ainsi au vizir Fares la mort de ses huit enfants. Kamel est alors mis à mort… Vient ensuite Les huit enfants du vizir Fares Ibn Meïmoun qui décrit les efforts du potentat pour sauver ses enfants : il se bat là contre le destin !
Entre parabole et conte
Avec des deux récits, Yves et Ada Rémy livrent deux histoires très belles, ancrées dans la culture islamique. On découvre le parcours de plus en plus fascinant de Kamel, ce prophète qui ne rend aucun service à ses protecteurs car l’avenir qu’il prédit est trop lointain. On découvre aussi les efforts de Fares pour sauver ses enfants… Il y a ici de la poésie et de la grâce : on ne saurait trop vous recommander la lecture de ces deux histoires.
Sylvain Bonnet