Les cités rebelles

Les cités rebelles : monstres de papier et cités volantes

Qu'est-ce qu'un morceau de papier face à un empire? Tout et rien à la fois.

C'est ce que va découvrir la jeune Kurara, petite pliomage orpheline et presque condamnée à passer le reste de sa vie comme servante dans un palace volant sans utiliser ses pouvoirs pour autre chose que pour amuser Haru, la seule personne qui lui reste de son passé flou.

Kurara n'a jamais connu d'autre vie que celle de servante au Midori, un immense hôtel flottant dans le ciel. Un jour, pourtant, le gigantesque vaisseau est attaqué et abattu par un shikigami, un de ces redoutables monstres de papier qui, de temps à autre, perdent la raison et sèment la destruction au sein de l'empire. Par chance, la jeune fille parvient à en réchapper, ce qui n'est pas le cas de son meilleur ami, grièvement blessé. Sa survie, elle ne la doit qu'à Himura. Pliomage comme elle – quoique plus bourru dans son genre –, il est capable de donner forme et vie à ses créations de papier et a choisi de mettre ses talents au service d'un équipage de chasseurs de shikigami.

Un nouveau chapitre s'ouvre alors dans la vie de l'adolescente. Désormais passagère de l'Orihime, la voilà partie pour écumer le ciel, direction la cité céleste de Sola-Il. Son objectif ? Implorer l'aide de la princesse Tsukimi, seule capable de soigner son compagnon de toujours. Mais pour que cette dernière accepte de la recevoir, il va lui falloir devenir la meilleure pliomage de tout l'empire – rien que ça...

Un système de magie enchanteur

L'origami (折り紙, de oru, « plier », et kami, « papier ») est un art populaire né en Chine au VIe siècle puis propagé à travers tous les pays asiatiques puis en occident où il est souvent utilisé comme symbole de la culture notamment japonaise. Et c'est de là que l'autrice de cet incroyable roman puise son inspiration pour créer les shikigami, des monstres de papier aussi grands et destructeurs que des Kaijū, d'un blanc immaculé de papier.

"C'était une créature si fabuleuse ! J'aurais aimé qu'elle survive."

Des créatures fabuleuses et mythiques créées par des pliomages, des êtres dotés de la faculté de contrôler et manipuler le papier à leur guise, il y a des milliers d'années. Mais le nombre de shikigami diminue de jour en jour, car les pliomages d'aujourd'hui ne savent plus comment en créer de nouveaux. En effet, il leur est facile de créer de petits animaux de papier, des armes ou toute autre structure. Mais la rendre vivante et capable de compréhension comme les shikigami ? Cet art reste aujourd'hui un mystère. Un mystère lié à Haru, le meilleur ami de Kurara, petite pliomage au caractère bien trempé, qui va tenter coûte que coûte de le sauver en découvrant les secrets de la pliomagie.

Un univers doux et rêveur

En plus de ce système de magie original et complexe qui vous plongera dans un univers sans pareil, Mikoshima, le monde de Kurara, est également inspiré d'autres paysages et traditions japonaises ou japonisantes. Difficile bien sûr de ne pas évoquer les couleurs et les formes douces des films des studios Ghibli quand la jeune fille parcours les couloirs du palace volant dans lequel elle travaille comme Chihiro (Le voyage de Chihiro, 2001), quand elle visite une ville grouillante de peuples et de magie comme dans Le Château ambulant (2004), ou quand elle se bat pour le droit de vivre des shikigami comme la féroce Mononoké (Princesse Mononoké, 1997) se bat pour la vit des animaux.

Croyez-moi : mettez-vous une playliste de musiques des films Ghibli en arrière-plan avant d'ouvrir ce roman, vous ne serez pas déçus !

"Était-il possible d'être tout à la fois terrorisée et émerveillée ?"

Mais comme vous le savez, l'aspect contemplatif de ces films auxquels j'ai comparé Les cités rebelles ne sont pas les seuls caractéristiques qui les représentent. Car sous la beauté du monde dans les nuages que découvre Kurara, se cache aussi la violence des hommes qui attaquent les shikigami sous prétexte de sauver des villes et vendent leur cœur au plus offrant, notamment la princesse Tsukimi, une jeune fille obsédée par l'idée de recréer des shikigami qui aime mettre les pliomages à son service de manière cruelle.

Le monde créé par Ann Sei Lin est à la fois merveilleux et terrorisant en effet, car il nous emporte dans les nuages à travers les yeux pleins d'espoir de Kurara qui tombera vite dans la désillusion face à a réalité de la nature humaine, quel que soit le peuple à qui elle est confrontée.

Des personnages attachants et ambivalents

Le papier, ça brûle, et ça brûle vite. En quelques secondes, tout peut être réduit en cendre ou réincarné en une nouvelle forme de papier plié. C'est à ce genre de dilemmes auxquels est constamment confrontée Kurara. Un choix mal placé et tout peut s'effondrer pour elle comme pour sa société, même si elle n'en a pas toujours conscience. Elle grandira devant nos yeux jusqu'à devenir une pliomage incroyable :

"Ce n'était pas lui qui était contraint de se cacher, de se faire tout petit, de se replier sur lui-même comme un origami, pour satisfaire les autres."

Héroïne à la fois sûre d'elle et perdue dans un monde qu'elle ne connait pas et qu'elle n'a pas demandé à rejoindre, Kurara est avant tout très empathique et agit pour le bien des gens autour d'elle avant tout autre chose. Face à cela, on retrouve l'ambivalent Himura que le lecteur aimera car il sauve plusieurs fois Kurara, qu'il s'impose comme une figure de grand frère et de professeur qui ouvre la jeune fille à tout un monde de magie, mais qu'il détestera aussi pour sa tendance à la trahison... Tout comme vous vous demanderez vous aussi s'il est bon de chasser les shikigami !

En quelques chapitres à peine, Kurara nous emporte dans son monde et met le lecteur de son côté. Elle n'est pas plate et simple, au contraire ! Elle est humaine, plus que beaucoup d'autres personnages du roman qui ne voient que leur propre intérêt, et c'est ce qui pourrait bien la mener à sa perte. Surtout avec ce passé inconnu qui la hante et qui se dévoile doucement...

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Le tome 2 de ce roman envoutant arrivera en anglais en juillet prochain, en attendant l'annonce de sa traduction en français !