Alain Damasio s’est fait connaître avec La zone du dehors et surtout La horde du contrevent, lauréat du Grand Prix de l’imaginaire en 2006, gros succès de librairie. Damasio s’intéresse beaucoup aux sociétés de contrôle, inspirés par Gilles Deleuze et Michel Foucault : on trouve trace de ces influences dans Les furtifs (La Volte, 2019) qui a également reçu un accueil enthousiaste. Vallée du silicium regroupe sept chroniques basés sur son expérience de visiteur de la Silicon Valley.
La dystopie en marche
Et on peut dire qu’il tape fort sur ce qu’il voit. Que cela soit en visitant le siège d’Apple ou des quartiers de San Francisco dévastés par la drogue (le Fentanyl et l’héroïne ne sont pas loin), Alain Damasio voit dans le développement de l’IA ou les voitures autonomes une forme de déshumanisation en marche. Et on ne peut pas dire qu’il ait tort. Les patrons de la Silicon Valley développent une vision utilitariste de l’homme. L’empathie ou le progrès social, c’est clairement pas leur truc, c’est entendu. Et Damasio ne cache pas sa tristesse et sa volonté de résistance devant le chemin que prend cette humanité attirée par le Trans-humanisme et d’autres billevesées.
Une nouvelle de notre temps
Le recueil se termine par une nouvelle, Lavée du silicium, qui décrit une famille prise dans une catastrophe climatique à San Francisco : un ouragan gigantesque y sévit plusieurs jours. Il n’y a plus d’eau courante, de moins en moins à manger et l’IA, bien programmée par le père, isole pour leur bien les trois occupants dans une pièce. La petite fille, fruit d’une hybridation entre les gènes de ses parents et la machine, survivra tandis qu’on apprendra que cet ouragan est le signe d’une nouvelle forme de vie. C’est une réussite, preuve que Damasio a encore bien des histoires à nous donner.
Sylvain Bonnet