Dans un monde dystopique où les usines crachent leur épaisse fumée, les pin-up des « Yeux Doux » veillent… Aucun délit n’échappe à leurs regards langoureux et menaçants depuis qu’une compagnie de surveillance a choisi ces femmes comme logo ! Au milieu des affiches de propagande, Anatole est rivé devant les écrans de surveillance. Employé modèle, sa vie bascule le jour où il repère une jeune voleuse qu’il dénonce sur-le-champ ! Mais pas un jour ne passe sans qu’il ne repense au joli visage de cette inconnue. Car Anatole vient, sans doute pour la première fois, de tomber amoureux ! Il se lance alors à la recherche d’Annabelle, déroge aux règlements et s’embarque dans une folle aventure qui va le mener à rejoindre un réseau de rebelles. Pendant que ses nouveaux compagnons l’accueillent « au jardin des bennes ! », Annabelle se retrouve à la rue avec son frère Arsène. Tout juste licencié, ce dernier est désormais invisible aux yeux de la Société. Mais le destin ne va pas tarder à réunir Annabelle et Anatole, engagés désormais pour une même cause : la révolution ! En abandonnant sa condition de chien de garde du système, Anatole ouvre les yeux sur la manipulation de masse. Se pourrait-il que cet homme jadis maillon fort des « Yeux Doux » devienne une figure-clé du mouvement ? Une poignée de citoyens libres réussiront-ils à renverser la donne ? L’amour a-t-il encore sa place dans ce monde esclavagiste ?
Personne n’échappe aux Yeux Doux, qu’on se le dise !
Bienvenue dans un monde où chacun est à sa place et où des pinups luminescentes, accrochées aux devantures des immeubles, vous surveillent. C’est comme ça qu’Arsène, le frère de la jolie Annabelle, perd son travail à l’usine. Rentré chez lui, il devient invisible… Pendant ce temps, Anatole est l’employé modèle des « Yeux Doux », toujours sur ses écrans à surveiller. Lorsqu’Annabelle vole quelque chose, il la dénonce. Mais Anatole pense tout le temps à elle, la voit partout : eh oui, on tombe encore amoureux dans ce monde. Alors il ment pour la sauver et la fait libérer. Mais son subterfuge est découvert et on le licencie. Anatole commence à errer et se retrouve bien sous la ville à aider des hors-la loi qui préparent rien d’autre que la Révolution. Et ça tombe bien car Annabelle se retrouve bientôt embarquée dans le même bateau que lui.
Une dystopie nostalgique
Si on connaît bien Eric Corbeyran, auteur du Chant des Stryges, Michel Colline est encore peu connu du grand public malgré des albums remarqués de la critique tel Aspicman ou Manitas. On sent dans son dessin l’influence de la ligne claire. Ici, le duo signe une œuvre critique de notre époque, décrivant un monde obsédé par la production, la consommation et le contrôle : pourquoi pas, même si la vision des usines dans cet album est un peu datée (il n’y a plus d’usines comme ça en France) et fait penser à un film comme Metropolis de Lang (ça c’est un compliment). On songe aussi à Dark City, un film méconnu d’Alex Proyas et bien sûr 1984 de Gilliam. Pas mal donc comme références pour un résultat très sympathique, nostalgique sans le vouloir d’une représentation défunte de la société. Le dessin de Michel Colline vaut le détour.
Sylvain Bonnet