Un matin, dans un quartier miséreux de la zone 3 de Magnapole, un corps est retrouvé ouvert le long du sternum. Zem Sparak, “chien” de son état, est appelé sur les lieux rongés par les pluies acides. Placé sous la tutelle de Salia Malberg, une ambitieuse inspectrice de la zone 2, il se lance dans une investigation qui va rompre le renoncement dans lequel il s’est depuis longtemps retranché.
Pourtant, bien avant que la Grèce ne meure, avant qu’elle ne soit rachetée par le consortium GoldTex, Sparak y a connu l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahi.
Sous les ciels en furie d’une mégalopole privatisée, “Chien 51” se fait l’écho de notre monde inquiétant. Mais ce roman abrite aussi le souvenir ardent de ce qui fut, à transmettre pour demain, comme un dernier rempart à notre postmodernité.
Notre futur ?
Nous voici quelques décennies dans le futur, après que le rachat de la Grèce en faillite par une multinationale nommée GoldTex. Le pays a été réorganisé et ses habitants amenés dans des zones. Zem Sparak, ancien révolté devenu inspecteur dans la zone 3 de la ville de Magnapole, un « chien » selon la terminologie, y survit, hanté par le passé, par la femme qu’il a aimée, Lena, et le pays qu’il a perdu. Un cadavre est retrouvé dans la zone 3, un certain Malek Pamouk, le sternum ouvert parce qu’on lui a volé un implant médical. Un citoyen de la zone 2 qui nécessite que la police y envoie l’inspectrice Salia Malberg, Sparak devenant son chien, son limier. Leur enquête va les emmener dans les arcanes du pouvoir de GoldTex. Sparak y affrontera son passé. Personne n’en sortira indemne.
Une dystopie grinçante
Difficile de ne pas lire Chien 51, roman de Laurent Gaudé connu pour Le soleil des Scorta (prix Goncourt 2004), en ayant pas en tête le traitement infligé par l’Union Européenne à la Grèce lors de la crise financière qui a ravagé le pays. En lisant, on pénètre dans un univers régi par une multinationale, donc tout a une valeur marchande, même les sentiments. Pour apaiser la population, GoldTex a instauré le Love day où, en gros, tout le monde peut coucher avec tout le monde… et Laurent Gaudé ne donne pas de ce déferlement de sexe une peinture très joyeuse. Pas de sentiments, pas de spiritualité mais trahisons en tout genre et manipulations : ce roman dystopique et très réussi est effrayant.
Notons pour finir que Chien 51 est en cours d’adaptation au cinéma : à suivre
Sylvain Bonnet