La création est un acte délicat. Elle l’est plus encore lorsqu'il s'agit de donner une nouvelle vie à un personnage aussi mythique que Peter Pan ! Il a fallu 14 ans à Régis Loisel pour terminer cette série d’une beauté et d’une expressivité affolantes, à la fois poétique et dramatique. À travers une série entretiens réalisés en 2005, alors que Régis Loisel venait d'achever son magnum opus, ce livre-témoignage nous plonge dans les coulisses de cette œuvre unique. L'artiste se dévoile avec une sincérité parfois désarmante, revient sur son enfance, sa carrière, ses influences, sa passion, et nous offre au final un portrait intime. Au fil de ces pages, une question s’impose à nous : quel enfant était l’auteur, pour être l’homme qu’il est devenu ? À travers cinq chapitres, nous découvrons également l’essence de son travail, sa " petite musique ", mais aussi sa détermination et son génie. Cette nouvelle édition revue et augmentée bénéficie d'une iconographie entièrement repensée, sur la base des originaux et archives de l'auteur. Grand Prix de la ville d'Angoulême 2003, Régis Loisel s’est imposé comme un auteur majeur. Toujours dans la collection des « Cahiers de la Bande Dessinée », Christelle Pissavy-Yvernault nous propose un ouvrage riche et captivant pour quiconque s’intéresse à de la bande dessinée et à l’œuvre de ce maître incontesté du Neuvième Art.
Le choix d’un créateur
On connaît d’abord Régis Loisel pour sa série La Quête de l’oiseau du temps, scénarisée par Serge Le Tendre. Puis, au début des années quatre-vingt-dix, il s’est lancé dans une nouvelle série consacrée au personnage de Peter Pan. Il ne s’est cependant pas contenté d’adapter le roman de James Barrie mais a voulu trouver une histoire racontant les origines du personnage, son destin aussi. En 2005, il s’était livré dans une longue interview sur la genèse de cette série avec Christelle Pissary-Yvernault, rééditée en novembre 2024 dans la collection « Les cahiers de la bande dessinée » aux éditions Glénat.
Un entretien passionnant
Régis Loisel se livre finalement assez facilement sur son parcours. Fils de militaire, il grandit en lisant des bandes dessinées, fasciné par Disney et commence à dessiner très jeune. Ses parents ne semblent pas s’être opposés violemment à sa passion. Plus tard, il suit des conférences et des cours donnés par Mézières et publie ses premières histoires dans Pilote ou Métal Hurlant. On en apprend beaucoup sur ses techniques de dessin, sur la difficulté à dessiner les mains (ce qui m’a rappelé un jour avoir lu combien Seron avait copié Franquin sur sa technique de dessiner les mains). Pourquoi Peter Pan ? Loisel adore la période de l’enfance, la sienne semble l’avoir marqué. Tout part aussi d’une discussion avec Pierre Dubois où ce dernier lui avait assené que Peter Pan, au fond, c’est Jack l’éventreur ! Partant de ce postulat apparemment iconoclaste, sa série décrit alternativement le monde de Peter Pan avec la fée clochette, bien potelée (et très jalouse) et le monde réel, le Londres victorien. La série a marqué et cet album, richement illustré (cela permet de rappeler que Loisel est un excellent dessinateur), est une clef pour la comprendre.
Un bel ouvrage !
Sylvain Bonnet