Forum : Blake & Mortimer et la SF (archaïque ?)

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Je termine la lecture l’essai « Jacobs, la marque du fantastique », de René Nouailhat (Mosquito, CRDP Franche-Comté, 2004).
Comme son titre le laisse deviner, il est consacré à la série Blake & Mortimer d’Edgar P. Jacobs, qu’il est inutile de présenter, avec en sus quelques réflexions sur les « suites » qui ont été données à cette BD mythique (les deux premières, d’ailleurs les deux seules à peu près réussies, à mon sens, en tout cas).
Je recommande vivement la lecture de cet essai, même si, par ailleurs, je suis assez en désaccord sur certaines analyses et conclusions de l’auteur.
En passant, René Nouailhat rappelle quelques remarques de Jacobs sur la science-fiction, tirées de « Un opéra de papier » (les « mémoires » de Jacobs, une lecture obligatoire pour tout amateur) :
« Personnellement, je ne me sens guère tenté par le western spatial du « space opéra » ou par les extravagances de l’« heroïc fantasy ». Ma préférence va plutôt à des sujets qui, tout en appartenant nettement à la science-fiction, repose sur des données moins aventurées ou du moins plus plausibles. C’est-à-dire situées dans ce que j’appellerais « l’inexplicable présent », cette vaste zone à peine explorée où tant de phénomènes dits surnaturels ou paranormaux, attendent d’être décryptés comme le furent, avant eux, l’électricité, le magnétisme, la radioactivité… Je vois plutôt la science-fiction comme un jeu spéculatif, une anticipation romancée des réalisations et des découvertes de demain ou d’après-demain. Tout l’art consistant à extrapoler le sujet choisi jusqu’à ses conséquences les plus extrêmes, à mi chemin entre le réel et l’insolite ».
Plusieurs questions se posent pour moi à la lecture de ces remarques de Jacobs sur la SF (datant de 1981, il faut le préciser). D’abord, ses propres œuvres correspondent-elles si bien que cela à la description qu’il fait de sa conception de la science-fiction ? (cf. par exemple « L’énigme de l’Atlantide », dont les spéculations, même à l’époque de l’aventure, semblent pour le moins…. datées, et peu liées à des découvertes scientifiques du temps (ou alors, il faut s’interroger fortement, et ça me semble nécessaire, sur la conception que Jacobs avait de la science…)). Ensuite, qu’est-ce que Jacobs essayait d’exprimer à propos de ses réticences quant au « space opera » (c’est quoi, le « space opera », selon Jacobs ?) et l’ « heroïc fantasy » (que vient-elle faire, celle-là, dans son discours, où personne ne l’attendait ?)
Bref, je me demande si, dans cette pratique de la bande dessinée telle que la défend Jacobs, ne s’exprime pas une certaine science-fiction … qui n’est pas vraiment ce que l’on aurait tendance à appeler la science-fiction « moderne » (en tout cas, la SF « américaine » que l’on découvre dès l’après-guerre, moment où Jacobs publie « Le secret de l’Espadon »). Cette BD serait-elle la survivance d’une forme « archaïque » de SF ? Plus généralement, la « BD de SF franco-belge » (notez les guillemets) des années 1950-70, disons, aurait-elle, quelque part, une guerre de retard sur l’évolution de la SF ?
Ces graves questions peuplent mes songeries actuelles, avant de m’endormir (et de vous endormir…)

Votre Oncle Joe
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