Terminé Plaguers de Jeanne A Debats, paru chez l'Atalante.
Au début, on a l’impression qu’on va assister à un drame relationnel dans un refuge pour mutants adolescents… et on assiste effectivement à un drame relationnel dans un refuge pour mutants adolescents. Seulement, au lieu de s'en tenir à l’aspect pittoresque mais somme toute classique des chamailleries entre apprentis X Men que doit canaliser l’équipe des professeurs Xavier de service, l’histoire racontée par JAD va progressivement mettre l’accent sur la nature même des mutants en question, et la place qu’ils occupent dans le fonctionnement de l’univers, ou pour mieux dire, dans la trame même de l’univers. C’est cette double approche qui, par ses contrastes vertigineux, fait l’intérêt principal du roman (à mes yeux).
La conception du monde adoptée est celle du vitalisme, ou tout au moins d’une de ses variantes. On ne pas dire que ce soit la moins risquée (le New Age l'exploite jusqu'à l'écoeurement) , et pourtant JAD parvient à nous faire croire, le temps du récit, à sa plausibilité, ou à son caractère viable (si j’ose dire…), sans basculer dans la niaiserie. La fin, spectaculaire, évoque d’une certaine manière les visons de vieux maîtres comme John Taine ou Olaf Stapledon, avec une plongée dans un chaotique flot du temps en compagnie de faiseurs d’univers un rien inexpérimentés (ce qui ménage le suspense quand au sort réservé à la réalité…)
J’ai lu de ci de là, pour qualifier Plaguers, le terme d’ « optimisme » employé par quelques commentateurs. Sans doute s’explique-t-il par un choix idéaliste de l’auteur, sans doute accro à la vie et à son riche panel émotionnel et événementiel (chausse-trappes et râteaux compris). De fait, le ressenti du personnage principal – qui est aussi le narrateur – restera accessible au lecteur jusqu’aux ultimes métamorphoses, alors qu’on pourrait se dire qu’à ces niveaux, l’empathie avec l’homo sapiens de base n’est plus qu’anecdotique. Amour pour ses personnages, quand tu tiens leur concepteur…
La lecture de cette œuvre étonnante s’impose aux démoralisés de l’existence… ça ne les consolera qu’un moment, mais un moment, c’est déjà ça de pris !
Oncle Joe