Serge Lehman critique de Dome de S. King

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L'engagement à gauche de King étant notoire, on reconnaît vite, sous la trajectoire de Big Jim Rennie et de son gang, les grandes étapes de la marche nazie vers le pouvoir ; Chester's Mill connaît ainsi, tour à tour, son incendie du Reichstag, sa "nuit de cristal", sa "nuit des longs-couteaux", etc. Jusqu'au bunker hitlérien terminal. Le dôme est un instrument d'optique narrative qui transforme la petite ville en microcosme et que King utilise pour faire apparaître la haine et le désir de revanche de l'Amérique ultraconservatrice, ultrareligieuse, traumatisée par la victoire d'Obama - l'Amérique du Tea Party.
"Il priait aussi, sans se rendre compte que ses prières étaient avant tout une série d'exigences et de justifications : faites que tout ça s'arrête, rien de ce qui est arrivé n'a été de ma faute, faites-moi sortir d'ici, j'ai fait du mieux que j'ai pu, remettez tout comme c'était avant. (...) "Par la grâce de Jésus, amen", dit-il. Le son de sa voix le fit frissonner plus qu'il ne le rassura. On aurait dit des ossements s'entrechoquant dans une tombe."
Malheureusement, cette distribution des rôles est si manichéenne qu'elle ôte toute valeur à la démonstration. On suit l'histoire comme elle se donne - une empoignade de saints et de monstres de série B -, sans jamais s'inquiéter de sa coïncidence avec le réel. C'est préférable car, une fois délesté de ses pesanteurs politiques, le roman se révèle pour ce qu'il est : un excellent divertissement dont le tempo semble calqué sur celui des séries télé américaines de la dernière génération, une apocalypse sous globe traversée par des dizaines de personnages et de grands prodiges.
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