Une interview d'Elisabeth Vonarburg

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Elisabeth Vonarburg a mis une interview d'elle sur son site. Elle date de 1996 et avait été faite par un certain Stéphane Boillot...

Extrait : (je ne mets que le début de la réponse d'Elisabeth Vonarburg)

SB. : Pourrait-on finalement considérer Voyageurs comme un roman mystique ? Où vous situez-vous par rapport au mysticisme, à cette foi pluraliste qui anime vos personnages ?
EV. : Hmmm, " foi pluraliste des personnages ". Voulez-vous parler de religion organisée ? Et dans ce cas, chez quels personnages ? Tous les principaux personnages sont soit des athées fervents ( ! ), soit des agnostiques. Un seul " croyant ", je pense, Charles-Henri, et d’une croyance fort peu rigide. La protagoniste, en tout cas, (qu’on peut considérer ici comme ma porte-parole à 98%, allez, j’avoue), croit... en l’au-delà du réel, mais c’est plutôt quelque chose... d’esthétique chez elle — pensez à son attrait pour la poésie, et le rôle que celle-ci joue dans l’histoire. (Même chose, incidemment, pour les considérations pseudo-psychanalytiques : la psychanalyse, freudienne et/ou jungienne lui fournit surtout un système esthétique secondaire intéressant...) Elle croit surtout en la curiosité, au désir de connaître. Elle croit en un effort constant pour être honnête vis-à-vis de soi-même. Elle croit en un effort constant pour être consciente. Elle croit, accessoirement, en la solidarité et en la justice. C’est une bonne petite humaniste, en quelque sorte, ahem !

Ceci dit, dénudons notre âme : JE me décris souvent comme une mystique refoulée. J’aime le mystère, parce qu’il n’a pas de fin (et c’est pourquoi je m’entends très bien avec la démarche scientifique ouverte). Je trouve une vision spirituelle de l’univers plus intéressante esthétiquement qu’une vision uniquement (dichotomiquement) rationalisto-matérialiste. Et donc plus satisfaisante affectivement. Je citerais volontiers, si je me la rappelais par coeur, la phrase de Breton sur la convergence au-delà du rêve et de la réalité, et tout ça, bref, le point oméga d’où les contradictions se résolvent en complémentarité. À seize ans, j’aimais bien, et j’aime encore maintenant, le concept du père Teilhard de Chardin, ce grand élan de l’esprit à travers la matière vers un surcroît de conscience (ou du moins c’est ainsi que je l’interprète encore) — et si je ne me trompe, il est encore pas mal en vie, ce concept (" cet univers existe parce que c’est celui que nous pouvons connaître, ses paramètres et ceux de nos sens sont co-dépendants ", ou quelque chose de ce genre). Quant à quelque chose de plus classiquement — institutionnellement — religieux... J’ai quelque chose contre les institutions, comme je l’ai déjà dit. Et ne pas confondre Églises et religiosité, foi, élan spirituel. " L’être humain ne vit pas que de pain " et toute cette sorte de choses. Il me semble que le grand refoulé aujourd’hui dans les civilisations occidentales et/ou occidentalisées, ce n’est plus le sexe, ou l’argent, mais bien la religiosité, c’est-à-dire le besoin humain de transcendance. Et qu’à la source des symptômes pathologiques développés par nos sociétés depuis au moins trois siècles, il y a le déséquilibre entre nos triomphes matériels (tout relatifs, entendons-nous bien, ce qui m’est un constant scandale : dépendant de la classe sociale et de la partie du monde où l’on vit, du sexe et de l’âge) et notre vacuité ou notre confusion spirituelle et éthique ; mais je crois que le déséquilibre vient de bien plus loin, pour nous occidentaux, en tout cas : des religions du Livre... D’où surdétermination de l’apparition de la religion et de la foi dans Voyageurs, je suppose, et effort (pas assez poussé, mais ça aurait complètement fini de déséquilibrer le roman ! ) pour imaginer une autre sorte de religion de départ...
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