Bonjour. Pourriez-vous vous présentez, s'il vous plait ?
Bonjour. Je suis Elisa Gorusuk, professeur d’anglais depuis trois ans. J’exerce actuellement à Annecy en Haute-Savoie. La littérature de la sphère anglophone a donc toujours fait partie de mon cheminement scolaire, personnel et professionnel. Je me suis plus particulièrement reposée sur des auteurs d’épouvante, de science-fiction et de gothique.
J’ai découvert Lovecraft pendant mes études qui m’ont d’ailleurs mené en 2013 à l’écriture d’un mémoire de recherche sur cet auteur et sa relation avec la mythologie et les sciences. C’est donc avec plaisir que j’ai accepté de faire partie de ce projet sur un auteur qui continue de fasciner.
Quand on pense à HP Lovecraft, on l'associe rarement spontanément avec la science. Avait-il une formation ou un intérêt particulier pour ce qui touche au scientifique ?
L’association de Lovecraft avec les sciences peut effectivement paraître surprenante au premier abord. Toutefois, lorsque l’on s’attarde sur ses personnages, leurs modes de pensée et l’infinie impuissance de l’homme rationnel que l’auteur tente de peindre au lecteur, il est possible de constater à quel point la science devient un point d’appui crucial pour la construction de l’effet d’épouvante. C’est précisément cet ingrédient scientifique qui permet au lecteur de déterminer la profondeur abyssale de la fragilité de l’homme dans l’Univers.
Lorsque l’on envisage l’ensemble de l’œuvre de Lovecraft, il devient évident que l’auteur ne pouvait pas être totalement ignorant des faits scientifiques de son temps. Sa vision philosophique de l’Univers est marquée par un réalisme scientifique qu’il associe également avec un goût archaïque. C’est ce profil hybride qui a forgé sa cosmogonie si particulière.
Lovecraft a également consacré une partie de son écriture à des articles scientifiques qu’il a notamment publiés mais il n’a pas reçu de formation particulière si ce n’est celle qu’il s’est lui-même construite, témoignant ainsi de son génie en tant qu’autodidacte.
Dans votre article dans la monographie HP Lovecraft : Aux cœur du cauchemar aux éditions ActuSF, comment abordez-vous le lien entre l'auteur et la science ? Est-ce du point de vue de son époque seulement, ou de nos sciences modernes également ? Quels domaines scientifiques sont abordés ? (Astronomie ...)
J’ai fait le choix d’aborder la question sous plusieurs angles, notamment avec en premier lieu celui d’une quête au nom de la connaissance. En effet, l’intérêt de Lovecraft pour la science ne s’est pas concentré sur un domaine mais plusieurs, d’où ma volonté de l’expliquer dans sa globalité sous forme d’une quête. Toutefois, je m’attarde davantage sur ses travaux en lien avec l’astronomie et la cosmologie puisque ces deux domaines ont profondément marqué ses récits en ce qui concerne sa vision de l’Univers et des êtres qui le peuplent. Mais d’autres domaines tels que la météorologie, la chimie, l’anthropologie et l’archéologie ont influencé la création de ses œuvres.
Par ailleurs, des scientifiques de son époque ont bouleversé la vision que Lovecraft pouvait avoir. Ce bouleversement a grandement favorisé l’ancrage de son univers dans l’horreur cosmique. Ainsi, j’évoque également l’impact métaphysique de son écriture et l’importance que l’auteur accorde aux sciences du passé.
En ce qui concerne nos sciences modernes, au début du 20ème siècle, la physique a connu deux révolutions avec la physique quantique et la physique relativiste. Lovecraft a eu le privilège de vivre lors d’une période qui a inauguré un nouveau chapitre scientifique dans lequel nous sommes encore. Il devient donc possible de considérer du point de cette dimension scientifique, que Lovecraft est moderne encore aujourd’hui.