Les Abîmes d'Autremer ressortent en intégrale dans la collection Naos. Cette série a reçu Grand Prix de l'Imaginaire 2002. Aujourd'hui, des extraits sont présents dans des manuels scolaires. Qu'est-ce qui fait selon vous que cette série connait un tel engouement et une telle reconnaissance ?
L’action se situe dans le futur mais sans que les technologies envisagées soient très éloignées de ce que nous connaissons. Il est question de chaînes de cosmovision, de caméras antigravitation, de nanotechnologies et de biotechnologies… rien qui ne soit pas compréhensible par les lecteurs contemporains. Je ne fais que pousser le bouchon un peu plus loin si j’ose dire en bonne Bourguignonne que je suis ! Je me suis toujours servie de la science-fiction comme d’une loupe pour grossir des problèmes d’aujourd’hui en les projetant dans l’avenir. Je pense sincèrement que l’enseignante que je fus pendant plus de trente-sept ans est toujours présente en embuscade derrière l’auteure de SF. Je ne cherche pas à donner de leçon mais ça me colle tellement à la peau que mon inspiration s’en nourrit. Et cette vertu « pédagogique » non militante, juste lanceuse d’alerte suivant la terminologie actuelle, touche le public, ou plutôt les publics en l’occurrence car avant d’être lus par les élèves les manuels scolaires sont l’œuvre d’adultes qui ont donc apprécié la série des Abîmes.
ActuSF : Les couvertures de la première édition étaient de Manchu, cette intégrale est illustrée par Jessica Rossier. Vous avez un visuel très précis de cet univers ?
Danielle Martinigol : Oui, mais ce qui va paraître sans doute paradoxal, c’est que je ne vois pas vraiment mes décors ou les visages de mes personnages. Je les reconnais ! Je suis une arracheuse de pages de magazines dans les salles d’attente. J’ai même pris en photo certaines vitrines de magasin où sur des posters représentants des décors ou des mannequins j’étais frappée de voir « pour de vrai » ce que j’avais confusément dans la tête. Ainsi l’île Creuse d’Autremer, propriété de Madery Maguelonne, existe. Après avoir écrit le roman, je suis tombée par hasard sur la photo d’une île volcanique qui était mon île Creuse. Jessica Rossier l’a représentée sur la couv de l’intégrale. Manchu avait su saisir l’ambiance autour des Abîmes dans ses illustrations. Ma préférée est celle de l’Appel des Abîmes. L’Abîme Noir est aussi imposant que je le rêvais au-dessus de l’astroport d’Agora, la planète capitale de la Confédération Humaine.
ActuSF : Pouvez-vous nous présenter la confédération des Cent Mondes s'il vous plaît ?
Danielle Martinigol : Dans les Cent Mondes, l’Humanité a colonisé des planètes sans jamais y rencontrer d’êtres pensants. Mais afin de protéger la faune et la flore locale, une loi universelle, la Prime Directive a été instaurée, interdisant l’exploitation du vivant extraterrien à des fins personnelles et mercantiles.
Au début du roman, Autremer est colonisée depuis deux siècles. Mais il s’y passe des choses étranges que la population locale ne tient pas à ébruiter… En fait mes livres se suivent sans jamais vraiment être des suites. Dans les Soleils de Bali, l’homme va s’installer sur Mars. Dans l’Or bleu, les humains occupent tout le système solaire. Dans les Oubliés de Vulcain, ils ont colonisé trente mondes, dont Vulcain la planète poubelle. Dans les Abîmes, l’expansion continue, cent mondes dans la Voie Lactée, puis Primor dans le Nuage de Magellan, la galaxie satellite de la nôtre, puis les planètes des Ksis dans la galaxie spirale d’Andromède, la jumelle de la Voie Lactée. Je suis fascinée par l’astronomie, je ne suis absolument pas scientifique mais les étoiles je connais un petit peu.
ActuSF : On va y suivre Sandiane Ravna. Qui est-elle ? Et qu'est-ce qui va déclencher le début de ses aventures ?
Danielle Martinigol : Toute l’histoire de Sandiane, l’héroïne reporter, va découler du naufrage d’une vaisseau spatial lors de sa croisière inaugurale. En fait, c’est le Titanic dans l’espace. À bord avec son père grand reporter, Sandiane filme l’agonie des passagers. Elle est sans cœur, avide de scoops, prête à tout pour des images sensationnelles. Miraculeusement sauvés par un vaisseau venu de la planète Autremer, un de ces fameux Abîmes dont personne n’a jamais pu filmer un pilote en action, elle se met au défi d’y parvenir. En chemin, elle rencontre Mel Maguelonne dont la famille est composée d’illustres pilotes d’Abîmes. Le choc entre les deux va être… assez détonnant.
ActuSF : On entend souvent dire que le space opera n'est pas assez représenté en France. Cependant Scrineo lance une collection dédiée, les Abîmes d'Autremer ressort… Est-ce qu'il y a un renouveau selon vous du genre ? Ou est-ce juste un effet de mode ?
Danielle Martinigol : Il y a toujours eu des amateurs de space opera. Moi en particulier. Mais comme beaucoup d’autres lecteurs de SF que je connais, je me décourage vite si l’auteur m’entraîne dans des détours quantiques auquel je ne comprends pas grand-chose comme la hard science le fait souvent. Je reste une romantique. Il me faut une bonne histoire, qui me dépayse, me pousse à m’interroger sur le futur, les richesses de l’Univers, le contact avec l’Autre. Attention, il ne s’agit pas d’être bisounours. Il faut simplement distraire, interpeler, surprendre et permettre au lecteur de sortir du livre en se posant des questions, avec juste ce qu’il faut de déstabilisation pour garder au creux de soi de petites vagues de plaisir étonné.
Un bon space opera vous fait lever le nez en direction du ciel étoilé. Et il y a tant de questions sur l’Humain et la vie dans ce simple geste…
ActuSF : Reviendrez-vous un jour dans cet univers ?
Danielle Martinigol : J’y suis déjà retournée avec mes Sondeurs des sables qui se déroulent après la trilogie dans un univers parallèle. Des descendants des Maguelonne se sont perdus et on fait souche dans une autre brane du Multivers. Je devais faire une trilogie. Hachette m’a obligée à compresser mon travail en deux tomes. J’aimerais écrire un « pont » entres les Abîmes et les Sondeurs qui sont aussi introuvables que l’étaient les Abîmes avant la présente réédition.
ActuSF : Quelles sont vos autres projets en cours ?
Danielle Martinigol : Je suis plongée dans les tomes 3 et 4 des Aventures à Guédelon, romans pour 9-12 ans qui se déroulent sur le chantier médiéval d’un château fort en construction au nord de la Bourgogne. À paraître au printemps. Pour compléter les deux premiers sur la pierre et le bois, ceux-ci sont sur la forge et les couleurs.
ActuSF : Où pourra-t-on vous trouver en dédicace ?
Danielle Martinigol : Aux Oniriques à Meyzieu, à Livre-Paris, à Nice fictions, à Épinal aux Imaginales…