ActuSF : Peux-tu nous dire de quand date ce projet et son historique ?
Etienne Barillier : Le projet remonte à loin. En 2010, Ridley Scott devait produire une mini-série de quatre épisodes pour la chaîne anglaise BBC1. Cela devait être une stricte adaptation du roman. Puis on n’en a plus entendu parler. En 2013, le projet a refait surface, et on a commencé à en apprendre plus. Il était toujours question d’une mini-série de quatre épisodes. Elle devait être produite par Ridley Scott avec en charge Frank Spotnitz, qui a travaillé notamment sur X-Files et Millenium.
Puis, encore une fois, silence radio.
Ce n’est qu’en juillet 2014 que l’on a découvert le tournage d’un pilote pour une série cette fois, avec toujours la même équipe créative, mais pour le compte d’Amazon Studios.
ActuSF : Quel rôle joue Ridley Scott dans cette entreprise ?
Etienne Barillier : On retrouve Ridley Scott à travers sa compagnie Scott Free Production. Il est la garantie du projet. Il n’est certainement pas impliqué dans le travail de création de la série, mais en supervise probablement toutes les étapes.
ActuSF : Le pilote a été dévoilé. Franchement, à quoi doivent s’attendre ceux qui ont lu le livre ?
Etienne Barillier : Tout d’abord c’est une adaptation et une série. Le livre sert de matrice, mais il ne faut pas attendre une adaptation littérale. La série fonctionne sur un temps long, de plusieurs dizaines d’épisodes enchaînés. Le pilote laisse de côté certaines thématiques dickiennes qui pourront être développées ou non par la suite. Est-ce que nous aurons les mêmes univers imbriqués ? Au final, c’est une bonne adaptation qui comporte ce qu’il faut d’infidélité pour faire de la bonne télévision.
Ce qui frappe c’est la qualité de l’uchronie. Le travail purement visuel est magnifique, dans la création de ces États-Unis occupés pour une moitié par les nazis et pour l’autre par les Japonais. Les décors, le souci du détail sont bluffants. Le scénario s’éloigne du roman bien évidemment, des personnages sont ajoutés, d’autres ont été modifiées. La zone occupée par les nazis n’est qu’évoquée, par le biais de rumeurs, dans le livre. Le pilote, au contraire, y passe un temps conséquent. Faire du livre Le poids de la sauterelle (dans la version originale, le titre est The Grasshopper Lies Heavy) un film est une idée brillante, au sujet de laquelle j’avais des doutes, mais qui fonctionne parfaitement à l’image.
ActuSF : Amazon a lancé la production de la série. Est-ce qu’on a une idée de la trame, du nombre d’épisodes et des dates de diffusion ?
Etienne Barillier : Les films et séries d’Amazon Studios sont disponibles en streaming pour les abonnés au service, un peu comme Netflix. Amazon Studios valide une série en fonction du vote des spectateurs. Depuis que le service existe, The Man in the High Castle a été le pilote qui a été le plus regardé… et qui a eu même un retentissement international, la presse française en faisant écho, même si la chaîne n’est pas disponible en France ! Amazon Studios est disponible par exemple aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni.
Amazon Studios est une chaîne qui se monte encore et qui avait besoin d’une série de prestige. Celle que tout le monde connaît même si tout le monde ne la regardera pas. Elle voulait son House of Cards et c’est exactement ce que lui offre The Man in the High Castle.
Amazon a commandé une saison complète, je pense que cela peut faire une vingtaine d’épisodes. Ils devraient être diffusés à partir de fin 2015, début 2016.
ActuSF : Que pense de tout ça le grand spécialiste de Dick que tu es ? Quel regard portes-tu sur cette adaptation ? Bonne ou mauvaise chose ?
Etienne Barillier : Dans le pire des cas, la série reste tombe dans le récit de la brave résistance américaine. On peut craindre aussi que les scénaristes n’aient pas de vision à long terme de ce qu’ils veulent raconter. Le potentiel de la série est considérable. L’uchronie peut servir comme une très belle métaphore de notre temps. Le roman conserve de nombreux passages dickiens qui sont parfaitement transposables à l’écran. Nous retrouvons, par exemple, la fabrication de fausses antiquités, monsieur Tagomi et quelques autres. Je me demande aussi dans quelle mesure Le Livre des transformations ou Yi King qui a une telle importance dans le roman va être exploité dans la série. J’aimerai que la série explore aussi la mise en abîme que permet l’intrigue du roman.
En tout cas c’est certainement plus prometteur et jouissif que la future série TV, produite par Spielberg, adaptant Minority Report…
