- le  

Date de parution : 24/08/2025
voir l'oeuvre
Commenter

Le Maguistre

Pierre Grimbert
 
L’auteur français Pierre Grimbert signe son premier grand cycle de fantasy avec Le Secret de Ji, dont le premier tome, édité chez Mnémos, est couronné de plusieurs prix (prix Julia-Verlanger 1997, prix Ozone en 1997). Bibliothécaire, infographiste, il décide finalement de se consacrer à ses récits pour la jeunesse (comme Les Aventuriers du réel), eux-mêmes récompensés. En 2004, il fonde « les Editions d’Octobre » avec sa femme et écrivaine Audrey Françaix (Le cercle des Elfes, Le Cycle de la Chair, Monstre en cavale…).
 
Il travaille actuellement sur sa nouvelle saga « Gonelore », dont la première trilogie peut déjà se flatter d’un Prix Littéraire Jeunesse Somain 2013 et d’une nomination au Prix Imaginales 2014 meilleur Roman francophone. Le second tome de la deuxième saison, Crochenuit, est paru en mars 2017. Les romans sont édités en grand format aux éditions d’Octobre (les couvertures méritent le coup d’œil) et en poche aux éditions Mnémos, collection Hélios.
 
Une école sous le voile
 
L’école de Mageronce n’est pas sortie indemne de la terrible attaque des créatures du Voile. Tous les Arpenteurs, professeurs ou élèves, ont leurs morts à pleurer et certains rescapés garderont des cicatrices de l’attaque toute leur vie. Mais Mageronce ne peut pas se contenter de porter le voile : des traîtres se cachent toujours parmi les rangs des professeurs et leurs motivations demeurent pour le moins obscures. Que faut-il faire face à cette tragédie ? Retourner chez soi ? Unir ses forces ? Difficile d’être sûr de soi quand n’importe quel professeur peut vous tuer au détour d’un couloir ou sauter du haut d’un phare sur un coup de tête apparent. Difficile quand il manque un grand maître Arpenteur et que les mystères qu’il s’était promis d’affronter ne sont toujours pas élucidés. Vargaï et son apprenti Vohn sont toujours détenus par Tannakis, un Arpenteur dissident qui a fondé sa propre école, l’Enclave.
 
Jona, lui, tente avec peine de dissiper les brumes de son esprit. L’aide du Maguistre Denilius ne semble pas suffire. Sera-t-il un jour capable de connaître la vérité sur son passé et sur son lien avec les créatures du Voile ? Le jeune amnésique a beau se creuser la cervelle, il a plutôt l’impression de s’embrumer davantage…
 
Un récit efficace et habile
 
Un mot qui s’impose dès les premières pages du Maguistre : l’efficacité. Rien de plus efficace que de commencer directement après la fin mouvementée du tome précédent, à savoir une furieuse attaque de chiroptides contre l’école. La plume très dynamique de Pierre Grimbert parvient à faire oublier la succession des pages : une page lue n’équivaut plus à une feuille, mais trois, quatre, cinq, et pourquoi pas trente puisque l’on est si bien parti sur sa lancée. Les dialogues sont concis, efficaces et bien ciselés, tels que le discours du Maguistre après la bataille. Il n’est pas aisé de faire le compte-rendu désastreux de plus que quatre-vingts morts sans basculer dans un pathétique accablant ou dresser le froid rapport médical d’une situation qui dépasse les personnages. Surtout, sans plonger le reste du roman dans une affliction qui le paralyserait complètement. Non, car l’univers de Gonelore a beau être dur et sombre en arrière-plan, il reste un univers dynamique et enfantin, vécu par des apprentis à l’optimiste d’acier, qui n’hésitent pas à croiser le fer pour reprendre leur destin en main. Quitte à frapper un peu à l’aveuglette. C’est justement cette intrigue obscure et parfois sinueuse qui constitue le principal défaut de ce tome 2.
 
Une intrigue un peu confuse
 
On retrouve certes l’univers apprécié du premier tome mais l’intrigue semble ici surtout stagner. L’on retient moins les grandes avancées que de petits détails, comme une rivalité anecdotique entre deux jeunes filles et la garde de petits animaux interdits. L’absence de découpage par chapitres (simplement des fragments séparés par des étoiles) accroît le sentiment d’une intrigue fragmentaire. Elle n’est pas gênante en soi : l’unité ne se pense plus en chapitres mais en scènes, courtes, qui contribuent au rythme haletant du roman. Ces scènes font alterner des personnages peut-être un peu trop nombreux à vouloir accaparer le récit. Certains, très secondaires et que l’on peut confondre, ont droit à des scènes plus mémorisables que des personnages hiérarchiquement prioritaires. L’on regrette que des personnages marquants du premier tome, comme Radjaniel, Sohia et Jona ne soient pas davantage mis en avant. Le jeune amnésique, autour duquel tourne l’intrigue principale, ne progresse pas beaucoup. Jona est en effet cantonné à un rôle passif et échappe même aux scènes d’action. Le parcours personnel de ses camarades tels que Nobiane et Daelfine est plus intéressant.
 
Plus anecdotique : quelques descriptions du monde ou de la vie à Mageronce auraient été appréciées pour donner plus de vie à cet univers pourtant inventif. Les personnages manquent un peu de relief pour susciter une réelle empathie. De ce point de vue, le roman est paradoxalement trop efficace (un peu plus de détails, d’humour et de rêverie en auraient élargi la portée). Des notes de violence peu ragoûtante (mais très ponctuelle) sonnent également de façon curieuse dans un récit raconté de façon charmante et édulcorée.
 
La portée des découvertes finales sont assez obscures, les dernières pages abruptes. Le cliffhanger final fait moins écarquiller les yeux qu’hausser un sourcil circonspect.
 
Un univers toujours aussi plaisant
 
Un point commun avec le premier tome : c’est bien l’univers créé qui se démarque davantage que l’intrigue et le style d’écriture. Sans pour autant être très complexe et dépaysant, le monde de Gonelore est très incarné. L’auteur a su inventer un microcosme régi par ses propres lois, en particulier grâce à un vocabulaire spécifique qui sonne agréablement aux oreilles : des noms, des titres, des métiers, des objets, des créatures... Le glossaire donne l’illusion que l’histoire continue après sa fin et l’on ferme le livre sur les souvenirs d’un bestiaire plaisant.
 
Finalement, que ce tome soit une passerelle entre le premier et le troisième conduit au moins à une certitude : le troisième promet d’être riche en révélations ! La suite donc dans le dernier tome de la première trilogie : Les Chiffonniers !

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?