Divad a écrit: |
D'où la question suivante, n'y a t-il pas selon toi une médiocrité massive de la société? Il y a dans ma question une grande part de désespoir quant à l'avenir d'une société toujours plus léthargique. Son réveil ne pourra ainsi avoir lieu qu'après des évènements de grandes ampleurs (écologique, identitaire...) et à mon avis violents. La démocratie fascisante nous dirigeant n'est que le reflet d'une société toujours plus replié sur elle même. Et voici ma dernière question: comment vois-tu l'avenir? Local, global? Penses-tu qu'une minorité puisse renverser la majorité en place ou voulant la place?! |
Salut Divad,
Parfois je partage ton intuition, à savoir qu'aucun sursaut n'est à attendre face à la léthargie rampante sans une guerre, une catastrophe climatique, un choc ultra-violent.
Et parfois, le plus souvent, j'essaie d'être attentif aux bruissements, aux frémissements des alternatives et à la façon dont, individuellement ou collectivement, la nouvelle génération parvient à se ménager des vacuoles de liberté et à déployer une vie intense, riche.
Nous traversons, comme l'avait dit Guattari, des années d'hiver depuis 1980, après la très belle période des 30 glorieuses et la vitalité magnifique des années soixante et soixante-dix qui se lit au dynamisme politique, à la fréquence des expérimentations, à la qualité de la production littéraire ou musicale, etc. C'est en tout cas ce que je ressens.
J'ai la chance de vivre dans un milieu assez militant et artiste (ma femme est syndicaliste, toute ma belle-famille milite au NPA, à la Ligue des droits de l'homme, mes amis du Vercors sont des activistes engagés) et forcément, mon regard est différent parce que je vois beaucoup de luttes se faire et d'expérimentations artistiques très intéressantes se mettre en place, se déployer. Je pense que l'avenir, en occident, se jouera sur la capacité des mouvements de fond (écologie, art engagé, alternatives urbaines et rurales, décroissance, errorisme, boboisme pourquoi pas…) à contaminer la société.
Je ne crois pas que ça passera par un événement violent parce que le pacifisme est très ancré — en tout cas pas par un événement violent endogène (que j'appelle pourtant dans la Volte). Je crois que ce sera viral, alternatif, à côté, en dessous ou en dehors des réseaux de pouvoir. La nouvelle génération militante est très intelligente, elle est née dans le capitalisme et elle le connaît du dedans. Elle connaît son pouvoir extraordinaire de récupération. Elle saura un jour faire un trou de taupe dedans, s'en libérer et revenir à l'échange non-marchand, au pari de la générosité sur la réussite individuelle. Ça se fait déjà, ça et là.
Quand au système global, l'enjeu n'est pas le pouvoir, de le prendre ou de le remplacer : l'enjeu est de se libérer du pouvoir, et de libérer les forces de vie partout où elles sont emprisonnées, contraintes, édulcorées, anesthésiées. Il y a de grandes chances que ça se passe hors des systèmes politiques et hors du jeu électoral, par des créations à part. Le Tiqqun dirait des Communes, oui, pourquoi pas, c'est-à-dire des associations libres de gens portant des valeurs et des rêves communs.
En gros, je suis assez optimiste parce que toutes les conditions sont là pour la liberté. Ma grande angoisse est qu'on ne perçoive pas à quel point cette liberté est menacée par nos propres peurs endogènes et par une demande frénétique de contrôle et de gestion qui vient, en partie, de l'incapacité des gens à acter et à agir ces conditions de la liberté. C'est cette demande de contrôle, d'autocontrôle, qui appelle un tel développement de l'enveloppe techno autour de nous et favorise une anesthésie générale. Le peuple est liberticide, parfois…