Après des retours aussi positifs sur le dernier roman adulte de Fabrice COLIN, difficile de ne pas plonger dans ce Big Fan. Adonc, c'est chose faite. Et je rejoins l'acclamation. Big Fan est bon. Il se lit très vite. Dans le format adulte, Fabrice COLIN se lâche niveau prose, et ça donne vraiment des passages magnifiques. Le roman est la parfaite illustration de la pathologie dont souffre l’écrivain – comme beaucoup d’autres… – : une hypertrophie de l’imagination. On sent, sous le trio narratif qui brode la trame du roman (Cf. : la chro de Pat) les différents couches sédimenteuses qui se sont accumulées au fil du travail d’écriture : une tentative (ratée) d’écrire une biographie par trop formelle et convenue sur le groupe Radiohead, et l’imagination qui prend rapidement le dessus, qui malaxe le réel pour ouvrir la voie d’un roman passionnant sur le phénomène d’adoration, avec un personnage principal taillé XXL dans tous les sens du terme. Bill MADLOCK (j’adore son nom…) est trop gros, trop fort, et trop intelligent. En bon différent, il est rejeté par les autres. Son seul univers se résume à trois soleils : son iguane, sa copine, et la musique d’un groupe : Radiohead. Son adoration exclusive et les coups durs que lui envoie l’existence vont progressivement le conduire au point de non-retour, aiguisant sa paranoïa, et le convaincant que Thom YORKE – leader charismatique du groupe oxfordien, hypersensible à tendance autiste avec sa paupière gauche trop lourde qui tombe sur le réel – est le chantre d’une fin du monde, dénonciateur involontaire d’un complot d’envergure mondial sur fond d’univers parallèles. Bien entendu, cette théorie complètement fumeuse, résultat branlant d’une psyché en déliquescence, étayée par des tentatives numérologiques et symboliques absconses, ne fait qu’ajouter au gros point fort du roman : la justesse implacable de ce personnage central hurlant de vérité, dont la sueur, les vibrations de la chair, les pulsations du cœur, la souffrance intériorisée et jamais dite, suintent au travers de chaque ligne et page du bouquin (attention, vous allez avoir les doigts sales). Fabrice COLIN croque les mécanismes de l’âme avec une justesse rare, et tranche dans le vif la conscience torturée de Bill – et par corollaire, de la figure du Fan – pour mieux la soumettre à la lumière. Sa prose et son imagination nous renvoient ici à une réalité sale, inquiétante, dérangeante, où la folie de l’excroissance humaine recrachée par la masse anonyme se veut la dénonciation d’un monde où la communication n’existe plus, où seule la musique paraît encore pouvoir transmettre des messages et susciter des émotions / sentiments / envies d’exister.
A écouter, évidemment, avec du Radiohead pas loin. Et à fond.
PS : l’autre grande qualité du roman est que si vous n’aimez pas Radiohead, le bouquin vous plaira quand même. Et si vous ne connaissez pas le groupe, vous serez forcé d’y jeter une oreille après lecture…
Goldeneyes