systar a écrit :
A titre personnel, ton expression "jeu du futur" ou "manipulation du futur", avec double génitif, m'intéresse beaucoup.
Il faut voir si tous ceux qui participent au débat valident cela, à titre préliminaire, comme "clé de la SF", et si du coup on discute sur "jeu" et "manipulation".
Et si, par jeu, tu veux juste qu'on parle de l'aspect "récréatif", distrayant, ou si on pousse plus loin la notion (qui a toujours rapport à la "règle"...)
Mais quelque chose me dit que le "jeu" de la SF a tout à voir avec le vertige logique de Lem...
Bien évidemment que ça a à voir avec le vertige logique de Lem! Tout de même, on a lu les même BD ringardes avant toi!
Lem semble s'être placé dans la compréhension la plus vaste de la SF, celle de la "conjecture romanesque rationnelle" de Versins: toutes les conjectures "logiques", l'émerveillement né du résultat (fictif) de (ou du simple fait d'envisager) ces conjectures (ce n'est pas seulement cela que doit vouloir dire Lem, mais bon, pour le moment je préfère faire l'imbécile).
Or, bien que moi-même passionné par ce colossal corpus, je considère qu'en son sein, la science-fiction, sous sa forme "structurée", est une singularité qui a une autonomie forte. Un des "jeux", et à mon sens LE jeu fondamental de la SF, est celui du rapport au futur. Il n'y a pas d'absolu dans le monde, tout change tout le temps. C'est inquiétant et intéressant aussi. A quelle sauce va-t-on être mangé, mais aussi, peut-on influer sur la recette? La SF donne plein de réponses, toutes différentes et de préférence contradictoires, à cette (à ces, plutôt) grande devinette.
Je l'ai déjà dit, une grande partie du rejet de la SF par tout un public et la grande majorité de la culture "dominante", vient de là: c'est un jeu qui fait trop peur (car on doit de toute façon y participer de force, alors...) et ça ne fait que rarement des œuvres "immortelles" (Transu a répondu "et 1984"?, je me demande s'il a bien compris la question que je posais: je n'attendais pas un catalogue hélas rikiki de chefs-d'œuvre péniblement réunis, ou plutôt: disons que la liste rikiki aura tendance à montrer que la SF n'est pas vraiment de la "grande" littérature... ce qui ne me dérange pas).
Lem propose d'aller vers le monde de la "grande" littérature. C'est antinomique à la SF, la SF doit accepter le caractère "démodable" de ce qu'elle fait. C'est dur, pour les grands créateurs avides d'absolu, mais c'est comme ça.
Oncle Joe
PS: une chose que je tiens à préciser. Souvent dans les débats, on voit un participant, généralement un garçon ou une fille par ailleurs sympa et spirituel, qui dit: "Ah mais, qu'importe que ce soit de la SF ou pas, ce qui compte, c'est que ce soit un bon texte!" Eh bien, c'est terrible: j'ai une affection profonde pour beaucoup de SF ringarde. J'aime le genre, et pas seulement la collection des "grands" écrivains du genre. C'est comme ça que je ressens les choses (ce qui ne m'empêche pas de rigoler des daubes, comme tout le monde), et parfois je suis décontenancé de voir que ma vision affectueuse du genre n'est pas partagée par tous. Alors, je souffre...