Pour que tout soit bien clair :
1) Mon corpus est d'une banalité parfaite : c'est toute la SF telle qu'on la connaît. Depuis Rosny-Wells jusqu'à Alastair Reynolds, et en y ajoutant quelques grands outsiders dont personne ne conteste le rattachement au genre (Huxley, le Borgès de
Tlon Uqbar…)
Je ne sais pas pourquoi Oncle s'acharne à revenir à Verne pour semi-ironiser sur ma position. J'ai déjà expliqué pourquoi je préférais ne pas me prononcer sur lui mais j'ai dit aussi que si on me posait la question, je rangeais dans la SF
Voyage au centre de la Terre, le dyptique lunaire,
Servadac, etc. Sans aucun problème.
Je ne sais pas non plus pourquoi Oncle est obsédé par
Ptah Hotep. Ce qui m'intéresse dans ce livre, comme dans certains Merritt, certains Jean Ray, certains Jack Vance, etc…, c'est qu'ils sont à la croisée des genres mais que leur publication sous l'étiquette les a fait classer dans la SF – donc a élargi la signification/la perception qu'on en a. Mais "à la croisée des genres" ne signifie pas "hors du genre". Ce n'est vraiment pas un scandale de dire que
La nef d'Ishtar ou
Malpertuis sont SF.
Je ne sais pas quand je reposterai ici mais ce serait bien de ne plus entendre "tu t'attaques à un corpus réduit" ou "tes idées empêchent tout débat" parce que ce n'est pas vrai.
2) Sur la SF (dont le corpus est décrit ci-dessus) comme phénomène esthétique, est-il possible de se coordonner, c'est à dire de vérifier que nous éprouvons la même émotion pour pouvoir nous intéresser ensuite à ce qui la produit ?
Je ne pensais vraiment pas que ce serait tout une affaire. C'est comme pour le corpus, en fait. Je ne réfère qu'à une chose parfaitement classique et que personne ne conteste quand c'est dit par quelqu'un d'autre :
Sadoul, à la fin de son [i]Histoire[/i] a écrit :Au début de ce livre, je parlais du premier roman de science-fiction qu'il m'avait été donné de lire, Métallopolis, paru en 1941 dans Robinson. J'écrivais : "Si mes souvenirs sont exacts, on y décrivait une cité métallique fabuleuse, peuplée de robots". J'ai eu la curiosité de recherche [ce livre] et la vérité m'oblige à dire qu'il n'y avait aucune cité métallique et pas le moindre robot. Il s'agissait bien d'un roman de SF mais mon jeune esprit, après-coup, avait imaginé les épisodes les plus fabuleux. On peut trouver là, je pense, l'un des éléments qui ont permis à la SF de se développer en genre autonome. Mieux que tout autre, elle permet à l'imagination des amateurs de recréer dans un rêve éveillé les merveilles qu'il lui a été donné de lire, de prolonger leur lecture au-delà même de ce que comportait le récit. C'est la le fameux sense of wonder dont parlent les fans d'Outre-Atlantique, qui caractérise le fan de SF et fait de lui plus qu'un véritable lecteur, une sorte de drogué qui se perd totalement dans les œuvres qu'il aime.
Tout le monde se souvient de la façon dont j'ai honteusement piégé Oncle en lui donnant à lire une phrase de Rosenzweig comme si elle était de Van Vogt. Qu'a-t-il vu dans cette phrase certes étrange, mais surtout courte et limpide ? Un exemple typique "de la quincaillerie" dont elle était pourtant dépourvue. Comme Sadoul avec
Métallopolis, c'est Oncle qui a ajouté les merveilles. Il était "en position SF", en proie au sense of wonder, à la sidération cognitive – appelez-ça comme vous voudrez – et a lu le texte
d'une certaine manière.
C'est cette position, cette manière, et les émotions associées qui m'intéressent. Relisez la description qu'en donne Sadoul : émerveillement, imagination créatrice, addiction, rêverie, visualisation, plaisir, interprétation littérale du texte et cascade consécutive d'associations (Métalloplis => cité de métal => robots). C'est cet état cognitif/esthétique et les émotions qui vont avec que j'appelle la science-fiction. C'est ça, le sense of wonder. C'est ce qui se produit en nous quand on réalise que "J'avais atteint l'âge de mille kilomètres" n'est pas une simple image, que c'est une réalité concrète dans le monde du texte.
On peut sans doute renommer cet état, le décrire autrement, être plus précis… mais il me semble que ça suffit pour se coordonner. Si votre expérience de la SF n'est pas du tout celle décrite ci-dessus, ce que je fais n'est pas pour vous.
Sinon, welcome.