C'est sans doute pas si simple.dracosolis a écrit :sfistes = tarés qui tiennent pour vraies des métaphores
ça vous va comme def ?
Tu aurais écrit "sfistes = tarés qui acceptent, provisoirement, et parfois par pur plaisir -ou perversion ?- pour vraies, des métaphores" j'aurais sans doute adhéré.
Pour revenir sur le fond, je vais prendre pour tenter d'illustrer ce que je perçois derrière tout cela (SoW, imprégnation, SVI...) deux romans dont nous avons déjà largement parlé sur ce fil, écrit l'un et l'autre par un auteur de SF de la période fin XXe - début XXIe (un certain Roland C. Wagner qui aurait, paraît-il, connu à cette époque un non négligeable succès d'estime) : L.G.M. et La Saison de la Sorcière.
Du premier, l'auteur nous dit que c'est un texte de SF et du second que c'est un texte d'Urban-Fantasy. Peux-on le croire et quelle est l'attitude du lecteur que je suis face à ces deux romans ?
L.G.M.
Tant que l'auteur ne me décrit pas son martien comme mesurant trois mètres de haut, d'une couleur jaune fluo avec des zébrures roses et doté des 8 pseudopodes, de 2 bouches cornées et de 3 yeux, dont 1 au milieu du thorax, je SAIS que c'est un petit homme vert rigolard, avec des oreilles décollées, et une tendance naturelle à m'apparaître inopinément sur l'épaule en s'écriant "Salut Toto !".
Que cette capacité marsienne à apparaître n'importe où, à se déplacer sans contingence temporelle, soit dû à un usage particulier de la physique quantique, aux propriétés pour nous inconnues de l'hyperespace, à la capacité des martiens à distordre l'espace-temps, à l'existence de trou de ver seulement perceptibles par l.g.m., je (en tant que lecteur) m'en contrefiche.
A partir du moment où j'accepte le petit homme vert, sans doute parce que je l'ai accepté précédemment (effet de rémanence ?), j'embarque dans ma crédulité provisoire tout ce qui ne m'éjecte pas du récit.
La Saison de la Sorcière
Le texte repose sur le fait que la magie existe, qu'elle est complètement surnaturelle, sans aucune explication rationnelle. Ce ne serait donc pas de la SF. Dans le meilleur des cas du Fantastique, dans le pire de la Fantasy.
L'auteur croit-il à la magie et diffuse-t-il sa croyance à travers son récit ? L'auteur ne serait-il qu'un de ces affreux hétéroclites au passage desquels nous ne pouvons nous empêcher de lever deux doigts en un cornuto protecteur ou un verre de bière en signe de ralliement ?
Peut-être... sauf que ce n'est pas l'auteur qui assène l'existence de la magie pure, irrationnelle, mais un de ses narrateurs.
Ce narrateur qui, confronté à des situations pour lui inexplicables, et ne trouvant pas d'explication rationnelle, se raccroche, naïf qu'il est, à l'irrationnel.
Puis-je, moi lecteur, le croire ? Bien sûr que non et pour au moins 3 motifs :
- à force de lire Brown, Sheckley, Lem, Dick, Gibbson... je SAIS que je ne peux pas faire confiance à un narrateur ; que la réalité alternative, ce n'est pas moi qui la vit mais le narrateur et, partant, que son "témoignage" doit être sujet à caution ;
- je sais qu'il existe une théorie scientifique postulant que 3/4 de la densité énergétique de l'univers serait constitué d'énergie sombre (ou noire comme la magie du même nom) ; et que la mobilisation de cette énergie pourrait expliquer des phénomènes autrement inexplicables :
- l'auteur donne le moyen technologique de mobilisation et d'usage de cette "magie" : le réseau internet.
Moyennant ces 3 motifs, ma suspension volontaire d'incrédulité peut être maintenue puisque je peux apporter, lors de ma lecture, des facteurs de crédibilité temporaire complémentaires ; je comble les trous avec des éléments liés à mon "merveilleux".
Je mobilise donc mon SoW pour ranger ce texte dans mon corpus SF et conclure que si ce texte est bien de la SF, l'auteur n'est pas un hétéroclite.
Ce qui, évidemment, nécessitera que je lui offre une bière à la première occasion.