Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lem

Message par Lem » ven. janv. 22, 2010 5:29 pm

Lensman a écrit :du fait de la variété, de la complexification de la production littéraire, on se retrouve avec des types de textes qui n'existaient pas tellement de l'époque où le terme de "speculative fiction" a été lancé.
C'est très possible. Je ne sais pas. Mais quoi qu'il en soit, si j'essaie d'être cohérent avec l'idée, ça m'oblige à remanier assez profondément ma position :

– ce qui m'intéresse et que j'essaie de comprendre, c'est la speculative fiction, pas spécifiquement la SF.
– c'est aussi ce que j'écris la plupart du temps (la Brigade n'est pas compatible avec notre monde, c'est de la fiction spéculative).
– je n'écrirai pas d'histoire de la SF en France car il faudrait sortir des collections spécialisées tout ce qui n'est pas strictement SF et une telle démarche ne m'intéresse pas (si tant est qu'elle soit possible, d'ailleurs). Et comme je ne me vois pas écrire une Histoire de la fiction spéculative en France, il est vraisemblable que je n'écrirai rien du tout sur le sujet. Ce sera à Oncle de faire le truc.
– je renonce à penser le problème du déni qui ne concerne que la SF au sens strict puisque l'étiquette spéculative fiction n'a joué aucun rôle dans le phénomène.

… et probablement d'autres trucs auxquels je ne pense pas encore.

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MF
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Message par MF » ven. janv. 22, 2010 6:17 pm

Lem a écrit :On lit, on joue, pour éprouver un certain plaisir. Là-dessus, nous sommes d'accord.
Non..
Ici tu affiches une attitude lectorale que je qualifierais de pur "gambler".
Je crois plus en un équilibre "game player"-"gambler", avec un dosage éminemment variable selon le lecteur.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Message par MF » ven. janv. 22, 2010 6:27 pm

Lem a écrit :Sur Chiang : OK, j'enregistre la façon dont il classe l'histoire.
Mais ce fait (que j'ignorais) n'est pas contradictoire avec cet autre fait : comme MF avec La saison de la sorcière, on peut lire L'Enfer… comme un texte de SF et ça n'a vraiment rien d'un scandale.
Tu peux et ça n'est évidement pas un scandale.
Simplement, j'ai expliqué ce qui m'avait conduit à intégrer La Saison à mon corpus SF (3 motifs internes ou externes au texte ou au lecteur).

Si j'ai mis la Saison de la Sorcière sur la table, c'est avec 2 motifs :
- donner à décortiquer un exemple dans la zone limite SFFF et expliquer comment je faisais ;
- le faire sous le regard de l'auteur, seul capable de me dire si je me plantais, non pas dans ma définition de la SF (reposant sur mon mode d'analyse) et l'absorption que je faisais de son texte, mais sur le contenu textuel lui-même. Parce que je suis forcément subjectif ; le SoW a fait son œuvre ; j'ai, potentiellement, mémoriellement, peuplé le texte d'éléments qui n'y sont pas.

C'est le reproche que je ferai à ta nouvelle approche (mais elle n'a, après tout, que deux jours) de l'effet-SF (qui me rappelle, sans plaisir aucun, l'effet science-fiction des 2 mutant-x) : elle ne repose sur aucun support disc(p)utable.
Tu restes sur du ressenti général, autour de termes dont la définition n'est pas forcément universelle (conflit épistémologique ?).

Question simple : pourquoi et comment ranges tu En remorquant Jéhovah dans ta SF ?
Qu'est ce qui, factuellement, dans le texte ou de par ton expérience de lecteur, te conduit à cette conclusion : "j'ai lu de la SF en lisant ce texte".

Si tu pouvais structurer ta réponse en quelques arguments simples, je serais preneur. J'ai décroché à l'effet-SF ^^
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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » ven. janv. 22, 2010 6:56 pm

MF a écrit :Si j'ai mis la Saison de la Sorcière sur la table, c'est avec 2 motifs :
- donner à décortiquer un exemple dans la zone limite SFFF et expliquer comment je faisais ;
- le faire sous le regard de l'auteur, seul capable de me dire si je me plantais, non pas dans ma définition de la SF (reposant sur mon mode d'analyse) et l'absorption que je faisais de son texte, mais sur le contenu textuel lui-même. Parce que je suis forcément subjectif ; le SoW a fait son œuvre ; j'ai, potentiellement, mémoriellement, peuplé le texte d'éléments qui n'y sont pas.
En plus, tu as même réussi à me convaincre que c'était de la science-fiction alors que j'avais choisi que son appartenance à un genre précis soit indécidable. (Bon, d'un autre côté, je l'avais oublié, méat coule pas et toussa.)
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silramil
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Message par silramil » ven. janv. 22, 2010 6:59 pm

MF a écrit :@ Sil' : y'a pas de piège, j'essaye juste de comprendre ta méthode ; comment fait tu pour rendre cohérentes les 3 affirmations suivantes:
silramil a écrit :on ne peut décider du statut exact de La Saison de la sorcière. On peut simplement avoir plusieurs regards à son sujet.
silramil a écrit :Dans le cas de Terremer, la magie est un principe actif, impossible à comprendre, mais qu'on peut diriger. Ceci faisant partie de ce qui est fourni par le texte, n'importe quel lecteur peut s'appuyer là-dessus pour déterminer que c'est un monde magique.
silramil a écrit :La fantasy consiste à matérialiser la magie et à donner forme à des objets impossibles.
La première citation signifie : "comme il n'y a pas assez d'informations objectives dans La Saison de la sorcière, plusieurs lectures sont licites en ce qui concerne la nature de son monde" (sachant, par ailleurs, que déterminer la nature du monde de cette fiction n'est pas primordial, par rapport à l'action).

La deuxième signifie "le fait que la magie existe de manière concrète est une information objective dans le texte, donc le monde de Terremer est un univers magique/de fantasy". Corollaire : une lecture faisant de ce monde un monde réaliste ou de science-fiction se heurte aux informations fournies par le texte, donc cela me semble difficile à soutenir.

La troisième signifie : "selon ma délimitation, le critère de distinction permettant de séparer fantasy des autres types de récits réaliste est la nature magique du monde, manifestée par la présence concrète de magie ou d'objets généralement impossibles, c'est-à-dire qui ne fournissent même pas l'apparence d'une explication rationnelle".

Je ne vois pas où tu situes une éventuelle contradiction. Une lecture est forcément fondée sur un texte ; si le texte fournit des infos objectives, cela oriente la lecture, si ces infos manquent ou sont insuffisantes, plusieurs lectures restent possibles ; je procède à une généralisation (qui est sans doute contestable et en tout cas qui n'épuise pas tout ce qu'il y a à dire sur la fantasy) qui me permet de délimiter 3 catégories de mondes fictionnels dans la littérature matérialiste (terre-à-terre, alternatif, irrationnel).
Pour autant que cette approche ne soit pas sans défaut, ni exhaustive, elle me semble cohérente.

Lem

Message par Lem » ven. janv. 22, 2010 7:09 pm

MF a écrit :pourquoi et comment ranges tu En remorquant Jéhovah dans ta SF ?
Qu'est ce qui, factuellement, dans le texte ou de par ton expérience de lecteur, te conduit à cette conclusion : "j'ai lu de la SF en lisant ce texte".
Si je me laisse convaincre par le recours à la speculative fiction, ce n'en est pas et le sujet est clos. A soi seul, c'est presque un argument. Chose encore plus étrange : l'idée suffit pratiquement à éteindre mon besoin de théorisation. Tant que je me perçois comme un écrivain de SF, un critique ou un historien de la SF, je me sens en demeure de neutraliser les mauvaises perceptions de l'étiquette et du genre, de justifier son élasticité, de nuancer sa perception "american only", etc. Mais si je me place dans le champ de la fiction spéculative, tout ça disparaît. Un domaine aussi vaste n'a aucun besoin d'être expliqué, justifié, historicisé ou rétabli. Et c'est aussi un argument.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » ven. janv. 22, 2010 7:09 pm

silramil a écrit :La première citation signifie : "comme il n'y a pas assez d'informations objectives dans La Saison de la sorcière, plusieurs lectures sont licites en ce qui concerne la nature de son monde" (sachant, par ailleurs, que déterminer la nature du monde de cette fiction n'est pas primordial, par rapport à l'action).
Par association d'idées, j'en arrive à Il est parmi nous, où l'idécidabilité naît non de l'absence d'informations mais au contraire de leur présence.

Il me semble en effet que l'une des grandes forces de ce roman est justement que plusieurs lecture sont licites, non seulement au sujet de l'appartenance ou de la non-appartenance à un genre donné, mais aussi au sujet de la nature de l'intrigue et des événements qui la composent.

La question qu'on peut se poser à la fin, c'est : "Que s'est-il passé ?"

Et les réponses sont multiples.

J'imagine d'ailleurs que c'est cette multiplicité des interprétations et l'impossibilité de ranger le livre dans une case précise qui a déstabilisé les auteurs de critiques négatives (et parfois basses de plafond) du livre : ils n'ont pas compris que de multiples compréhensions étaient possibles.
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Message par silramil » ven. janv. 22, 2010 7:16 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :du fait de la variété, de la complexification de la production littéraire, on se retrouve avec des types de textes qui n'existaient pas tellement de l'époque où le terme de "speculative fiction" a été lancé.
C'est très possible. Je ne sais pas. Mais quoi qu'il en soit, si j'essaie d'être cohérent avec l'idée, ça m'oblige à remanier assez profondément ma position :

– ce qui m'intéresse et que j'essaie de comprendre, c'est la speculative fiction, pas spécifiquement la SF.
– c'est aussi ce que j'écris la plupart du temps (la Brigade n'est pas compatible avec notre monde, c'est de la fiction spéculative).
– je n'écrirai pas d'histoire de la SF en France car il faudrait sortir des collections spécialisées tout ce qui n'est pas strictement SF et une telle démarche ne m'intéresse pas (si tant est qu'elle soit possible, d'ailleurs). Et comme je ne me vois pas écrire une Histoire de la fiction spéculative en France, il est vraisemblable que je n'écrirai rien du tout sur le sujet. Ce sera à Oncle de faire le truc.
– je renonce à penser le problème du déni qui ne concerne que la SF au sens strict puisque l'étiquette spéculative fiction n'a joué aucun rôle dans le phénomène.

… et probablement d'autres trucs auxquels je ne pense pas encore.
Hum. Il y a quand même des éléments de ton intuition initiale qui me paraissent à conserver :

- le rapport de la SF à la métaphysique me semble indéniable, même si les débats ont bien montré que l'équation SF = fiction métaphysique n'a aucun sens. Le jeu avec l'espace-temps et les cadres de la connaissance rationnelle impliqué par la plupart des sujets de SF, même les plus juvéniles, est lié à sa racine à une interrogation métaphysique (sauf que c'est plus fun, la SF!)
- de là, la question de la métaphysique comme facteur dans le rejet me paraît intéressante à évoquer et étudier - pas de manière radicale dans une relation de cause à effet, mais comme élément significatif dans un contexte très 20e siècle (penser un autre monde = évasion = mauvais, aussi bien chez les bourgeois que chez les communistes).
- Ce type de questionnement ontologique/éthique plutôt que psychologiste et vériste peut être observé ailleurs qu'en SF, et rapprocher des textes de SF de stricte obédience de ces textes au fonctionnement similaire peut permettre de mieux comprendre la façon dont un texte de SF produit ses effets.

Il doit y avoir d'autres choses, mais rien que ces quelques éléments me semblent avoir justifié la discussion jusque-là.

Je pense en revanche que le terme de "fiction spéculative" est trop connoté, de plein de manières différentes et que l'adopter ne te faciliterait pas la vie. Je te suggère de revenir à "fiction analogique", quitte à la redéfinir en fonction de tes nouvelles intuitions.

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Message par silramil » ven. janv. 22, 2010 7:19 pm

Roland C. Wagner a écrit :
silramil a écrit :La première citation signifie : "comme il n'y a pas assez d'informations objectives dans La Saison de la sorcière, plusieurs lectures sont licites en ce qui concerne la nature de son monde" (sachant, par ailleurs, que déterminer la nature du monde de cette fiction n'est pas primordial, par rapport à l'action).
Par association d'idées, j'en arrive à Il est parmi nous, où l'idécidabilité naît non de l'absence d'informations mais au contraire de leur présence.

Il me semble en effet que l'une des grandes forces de ce roman est justement que plusieurs lecture sont licites, non seulement au sujet de l'appartenance ou de la non-appartenance à un genre donné, mais aussi au sujet de la nature de l'intrigue et des événements qui la composent.

La question qu'on peut se poser à la fin, c'est : "Que s'est-il passé ?"

Et les réponses sont multiples.

J'imagine d'ailleurs que c'est cette multiplicité des interprétations et l'impossibilité de ranger le livre dans une case précise qui a déstabilisé les auteurs de critiques négatives (et parfois basses de plafond) du livre : ils n'ont pas compris que de multiples compréhensions étaient possibles.
Oui, en effet. Il y a à la fois saturation d'information (Ralf revendique d'être tout ce qu'on voudrait qu'il soit, en particulier) et frustration quand on se rend compte que rien n'est certain. (J'y travaille, j'y travaille...)

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Message par MF » ven. janv. 22, 2010 7:20 pm

silramil a écrit :Je ne vois pas où tu situes une éventuelle contradiction.
Dans les deux phrases suivantes
silramil a écrit :La première citation signifie : "comme il n'y a pas assez d'informations objectives dans La Saison de la sorcière, plusieurs lectures sont licites en ce qui concerne la nature de son monde" ...
...
La deuxième signifie "le fait que la magie existe de manière concrète est une information objective dans le texte, donc le monde de Terremer est un univers magique/de fantasy".
Qu'est ce qu'une "information objective" dans un texte de fiction ?
A partir de quand considères tu qu'il y a "assez" d'information objectives ?
Parce que, vu de ma lecture, il n'y a ni plus, ni moins, d'informations objctives relatives à l'existence concrète de la magie (ce qu'on est pas obligé d'écrire, quand même) dans l'un et dans l'autre.

Je crois qu'une des caractéristiques des "informations objectives", c'est... être ou ne pas être. Non ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par MF » ven. janv. 22, 2010 7:32 pm

Lem a écrit :Tant que je me perçois comme un écrivain de SF, un critique ou un historien de la SF, je me sens en demeure de neutraliser les mauvaises perceptions de l'étiquette et du genre, de justifier son élasticité, de nuancer sa perception "american only", etc.
Est-ce que ça veut dire que tu n'y arrives pas en tant que lecteur ?
Parce que c'est bien cela que je te demandais : ton analyse de ta perception de lecteur.
Ce qui fais que tu considéres que L'Enfer quand Dieu n'est pas présent ou En remorquant Jéhovah sont de la SF (et, au passage, je suis d'accord avec toi pour le premier).
Ce qui me permettrait de comprendre ce que tu entends par "effet SF". Quels ressorts ont joués...
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Message par silramil » ven. janv. 22, 2010 7:34 pm

MF a écrit :
silramil a écrit :Je ne vois pas où tu situes une éventuelle contradiction.
Dans les deux phrases suivantes
silramil a écrit :La première citation signifie : "comme il n'y a pas assez d'informations objectives dans La Saison de la sorcière, plusieurs lectures sont licites en ce qui concerne la nature de son monde" ...
...
La deuxième signifie "le fait que la magie existe de manière concrète est une information objective dans le texte, donc le monde de Terremer est un univers magique/de fantasy".
Qu'est ce qu'une "information objective" dans un texte de fiction ?
A partir de quand considères tu qu'il y a "assez" d'information objectives ?
Parce que, vu de ma lecture, il n'y a ni plus, ni moins, d'informations objctives relatives à l'existence concrète de la magie (ce qu'on est pas obligé d'écrire, quand même) dans l'un et dans l'autre.

Je crois qu'une des caractéristiques des "informations objectives", c'est... être ou ne pas être. Non ?
Si je me fonde sur l'argument énoncé par toi-même au début de cette discussion parallèle, la narration joue à plein, ici. Dans un cas (La Saison de la sorcière) nous sommes confrontés à des personnages qui interprètent comme magie l'énergie qu'ils suscitent : si nous nous rallions à eux, c'est de la fantasy urbaine ; si nous remarquons que la nature de cette énergie n'est pas nette, et que ce sont ses résultats qui importent dans le récit, nous pouvons nous permettre de supposer que les personnages donnent simplement le nom de magie à une énergie qui n'a rien de transcendant ni d'inexplicable (comme des gens qui seraient persuadés qu'un paratonnerre est magique, tant qu'ils n'ont pas compris ce qu'est la foudre).
Dans ce cas, la "magie" pourrait n'être qu'un nom, et rien ne permet de trancher dans le texte. D'où, manque d'infos objectives (ce qui n'est pas un défaut).

Dans l'autre (Terremer), des éléments narratifs qui ne dépendent pas d'une subjectivité nous informent que des magiciens existent et qu'ils dominent certains aspects du monde rien qu'en les nommant. Tout le monde appelle cette force "magie", et elle est inexplicable, fluctuante, suscitée simplement par des "dons" innés et un rapport chamanique aux mots comme équivalents du monde. Même s'il reste possible de suivre un raisonnement similaire à celui du premier cas (et si ces magiciens étaient des mutants capables de percevoir le monde et de le modeler à leur guise grâce à une énergie explicable?) cela entraîne si loin des éléments donnés dans le texte qu'une telle lecture implique de faire fi de données objectives.

Objectif s'oppose simplement ici à subjectif : si notre source d'information est un seul personnage susceptible d'être mal informé, ses infos sont plutôt subjectives, donc susceptibles d'être invalidées, soit par le texte, soit par une interprétation subtile ; si nos infos viennent d'un faisceau convergent de déclarations du narrateur, d'événements se produisant dans le texte et de croyances fondées sur l'observation de ce monde, alors nous sommes en présence d'infos objectives.
Mais bien sûr, la distinction objectif/subjectif peut toujours être balayée par la mention du fait que ces univers sont des créations et ne renvoient à rien d'objectif ni de subjectif. Ce n'est qu'une impression suscitée par le texte.

Encore une fois, je suis ici le principe du moindre effort.

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Message par Roland C. Wagner » ven. janv. 22, 2010 7:47 pm

silramil a écrit :Si je me fonde sur l'argument énoncé par toi-même au début de cette discussion parallèle, la narration joue à plein, ici. Dans un cas (La Saison de la sorcière) nous sommes confrontés à des personnages qui interprètent comme magie l'énergie qu'ils suscitent : si nous nous rallions à eux, c'est de la fantasy urbaine ; si nous remarquons que la nature de cette énergie n'est pas nette, et que ce sont ses résultats qui importent dans le récit, nous pouvons nous permettre de supposer que les personnages donnent simplement le nom de magie à une énergie qui n'a rien de transcendant ni d'inexplicable (comme des gens qui seraient persuadés qu'un paratonnerre est magique, tant qu'ils n'ont pas compris ce qu'est la foudre).
Dans ce cas, la "magie" pourrait n'être qu'un nom, et rien ne permet de trancher dans le texte. D'où, manque d'infos objectives (ce qui n'est pas un défaut).
Je suis d'accord avec ça. C'est un excellent résumé de ce que j'avais l'intention de faire.

Bravo.
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Message par MF » ven. janv. 22, 2010 7:53 pm

silramil a écrit :Si je me fonde sur l'argument énoncé par toi-même au début de cette discussion parallèle, la narration joue à plein, ici. Dans un cas (La Saison de la sorcière) nous sommes confrontés à des personnages qui interprètent comme magie l'énergie qu'ils suscitent
Non. Ce n'est pas ce que j'ai écrit dans mon post, ni ce que j'ai lu dans le texte de Roland.
Relis moi : c'est moi (lecteur) qui ait rapporté la notion d'énergie.
Les personnages expose l'aspect concret, surnaturel et totalement irrationnel de la magie.
Et Roland a utilisé, à mon avis volontairement, les termes "surnaturel" et "irrationnel" pour jouer l'indécidabilité. Il n'a pas utilisé le terme "énergie".
: si nous nous rallions à eux, c'est de la fantasy urbaine
Je ne me rallie pas à eux pour deux raisons déjà indiqué : 1°) je sais combien les auteurs de SF sont retors, donc j'ai forcément un doute sur l'objectivité des informations rapportées par un narrateur ; 2°) j'ai connaissance de théories scientifiques susceptibles de rationnaliser la magie exposée, qui ne sont pas déniés par la narration. C'est cette faille que j'exploite.

Dans l'autre (Terremer), des éléments narratifs qui ne dépendent pas d'une subjectivité nous informent que des magiciens existent et qu'ils dominent certains aspects du monde rien qu'en les nommant.
Le narrateur omniscient comme source d'objectivité ? Je comprends mieux nos divergences à propos d'Ubik ^^

Objectif s'oppose simplement ici à subjectif : si notre source d'information est un seul personnage susceptible d'être mal informé, ses infos sont plutôt subjectives, donc susceptibles d'être invalidées, soit par le texte, soit par une interprétation subtile ; si nos infos viennent d'un faisceau convergent de déclarations du narrateur, d'événements se produisant dans le texte et de croyances fondées sur l'observation de ce monde, alors nous sommes en présence d'infos objectives.
Et bien relis La Saison. Tous les personnages, tous les événements, tous les témoignages convergent : c'est de la magie et rien d'autre. Ce sont donc d'après ta définition des informations objectives. Et pourtant, ça ne colle pas.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Message par silramil » ven. janv. 22, 2010 8:12 pm

MF a écrit :
silramil a écrit :Si je me fonde sur l'argument énoncé par toi-même au début de cette discussion parallèle, la narration joue à plein, ici. Dans un cas (La Saison de la sorcière) nous sommes confrontés à des personnages qui interprètent comme magie l'énergie qu'ils suscitent
Non. Ce n'est pas ce que j'ai écrit dans mon post, ni ce que j'ai lu dans le texte de Roland.
Relis moi : c'est moi (lecteur) qui ait rapporté la notion d'énergie.
Les personnages expose l'aspect concret, surnaturel et totalement irrationnel de la magie.
Et Roland a utilisé, à mon avis volontairement, les termes "surnaturel" et "irrationnel" pour jouer l'indécidabilité. Il n'a pas utilisé le terme "énergie".
hum. je ne parlais pas d'énergie, quand je disais "ton argument", mais de ceci
ce n'est pas l'auteur qui assène l'existence de la magie pure, irrationnelle, mais un de ses narrateurs.
Ce narrateur qui, confronté à des situations pour lui inexplicables, et ne trouvant pas d'explication rationnelle, se raccroche, naïf qu'il est, à l'irrationnel.
La source d'information est, à tes yeux, trop peu crédible, trop subjective, pour que tu lui accordes une entière confiance.
: si nous nous rallions à eux, c'est de la fantasy urbaine
Je ne me rallie pas à eux pour deux raisons déjà indiqué : 1°) je sais combien les auteurs de SF sont retors, donc j'ai forcément un doute sur l'objectivité des informations rapportées par un narrateur ; 2°) j'ai connaissance de théories scientifiques susceptibles de rationnaliser la magie exposée, qui ne sont pas déniés par la narration. C'est cette faille que j'exploite.
ce n'est pas une "faille", c'est un vide narratif. Et tu n'exploites rien (car tu ne produis rien sinon un discours parallèle à l'oeuvre), tu remplis à ta guise les blancs du texte, ce qui est une activité passionnante, mais infinie et sans impact sur le texte lui-même.
Dans l'autre (Terremer), des éléments narratifs qui ne dépendent pas d'une subjectivité nous informent que des magiciens existent et qu'ils dominent certains aspects du monde rien qu'en les nommant.
Le narrateur omniscient comme source d'objectivité ? Je comprends mieux nos divergences à propos d'Ubik ^^
Moui. enfin, l'objectivité totale n'existe pas, simplement des degrés d'interprétation possible. La rouerie du narrateur peut entrer en ligne de compte et c'est au lecteur d'être vigilant. Sans aller jusqu'à considérer que ce qu'on pense du texte peut remplacer complètement ce qui est dit dans le texte.
Et ces interprétations n'ont de sens que dans un texte matérialiste, c'est-à-dire lourdement lié à une exigence de non-contradiction (son monde est censé exister indépendamment du récit). Spéculer sur la taille de Gargantua n'a guère d'intérêt, par exemple, vu qu'il en change selon ce que Rabelais lui fait faire.

Objectif s'oppose simplement ici à subjectif : si notre source d'information est un seul personnage susceptible d'être mal informé, ses infos sont plutôt subjectives, donc susceptibles d'être invalidées, soit par le texte, soit par une interprétation subtile ; si nos infos viennent d'un faisceau convergent de déclarations du narrateur, d'événements se produisant dans le texte et de croyances fondées sur l'observation de ce monde, alors nous sommes en présence d'infos objectives.
Et bien relis La Saison. Tous les personnages, tous les événements, tous les témoignages convergent : c'est de la magie et rien d'autre. Ce sont donc d'après ta définition des informations objectives. Et pourtant, ça ne colle pas.
[/quote]

Oui, ce sont des informations objectives selon ma lecture. Tu te rappelles sans doute que la première fois que ce roman a été mentionné dans le fil, j'ai tranché en faveur de la fantasy urbaine. J'ai admis depuis qu'il y avait une marge d'interprétation suffisante pour qu'il soit difficile de trancher. Cette marge d'interprétation est liée pour moi au caractère "émergent" de la magie dans ce bouquin : elle ne fait pas encore partie du quotidien comme la magie de Terremer - il reste donc possible qu'une analyse plus rationnelle intervienne par la suite, une fois que les personnages seront sortis de l'événement. Sauf que cette analyse, étant hors-champ, me paraît un peu gratuite.
Donc, tout en reconnaissant qu'une lecture en terme de science-fiction n'est pas exclue, je penche toujours personnellement vers la fantasy urbaine.

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