MF a écrit :Je suis persuadé que plus tu utilises le terme de "métaphore" pour convaincre un littéraire, plus tu vas à l'encontre de ton objectif car tu le replaces dans SON univers : celui des figures de style ; tu le renvoies à SON référentiel normatif.
Non.
Je pars de son référentiel – la métaphore – pour lui expliquer qu'il doit s'en séparer. Je lui montre que ce qui est premier, ce n'est pas la métaphore mais sa réification sous forme d'objets, de scénarios ou de mondes concrets dont la beauté repose sur la consistance logique. J'ouvre un chemin entre sa façon de lire et la nôtre.
Quant à l'esthétique (entendue ici comme "science de l'œuvre d'art"), tu fais peu de cas de l'opposition entre le Beau et le Sublime tels que définis au XVIIIème siècle. En France, pour faire très simple, le Beau est posé comme l'émotion esthétique de ce qui simple, clair, bien délimité dans l'espace, de belles proportions, etc. (Les jardins à la française.) Et le Sublime est considéré comme l'extrême du Beau : ce qui est parfait.
En Angleterre, c'est différent; Le Sublime y est considéré comme le
contraire du Beau : tout ce qui met en scène l'énorme, l'inachevé, le grotesque, l'indicible, l'obscur, le terrifiant. Ce n'est pas pour rien que les Anglais se sont choisis Shakespeare (et plus tard Milton) comme père fondateur ; ce n'est pas pour rien non plus que le Sublime a servi de charte esthétique au roman gothique, chaîne littéraire dont le dernier maillon est Frankenstein.
Dans cette optique anglo-saxonne, le spectre du sentiment esthétique n'est complet que s'il va d'une extrémité à l'autre: la sensibilité humaine est réputée avoir besoin de l'une et de l'autre.. Dans l'optique française, qui comme chacun sait a préféré Molière et Racine à Rabelais pour se codifier elle-même, la sensibilité est comme amputée du l'obscur, de l'énorme, de l'inachevé ; le seul parcours légitime est celui qui mène à la simplicité extrême, la clarté parfaite, la juste proportion, etc.
Source du différentiel entre anglos et franchouilles sur la question du fantastique et de la SF ? C'est un sujet intéressant et l'esthétique est l'endroit où il se montre. Je ne vais donc pas expliquer que quiconque s'est trompé mais analyser l'origine d'une conception de l'œuvre d'art qui fait l'impasse (ou plutôt réoriente – mais c'est un autre sujet) sur toute une partie du sentiment esthétique.
Je ne te convaincrai pas naturellement mais ce n'est pas grave. C'est mon truc, après tout. Et puis, aux environs de la page 500, "ça ne sert à rien", "tu n'y arriveras pas" et autres "c'est perdu d'avance", j'ai fini par m'y faire.