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par Sylvaner » lun. févr. 15, 2010 10:22 pm
re- l'Existentialisme :
d'après Vian, l'existentialisme avait une chance en Allemagne parce que "Der Krug geht so lange zum Wasser, bis er bricht" : l'existence de la cruche précède son essence, qui est d'aller à l'eau. Alors qu'en français "Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse", la cruche est conditionnée à sa fonction ("va") qui la précède. Elle va (à l'eau) avant que d'être.
Mais bon, c'était de la pataphysique...
Sur le genre SF, je m'accroche un peu parce que je pense qu'on trouve là un point d'achoppement majeur, non pas au niveau du déni mais au niveau des perceptions différentes de la SF chez les fans.
Je lis de la littérature de genre. Que le genre soit très codifié comme le polar (unité d'intrigue, à la limite) ou qu'il soit défini par l'univers et la sensation du lecteur, comme la SF, l'historique ou la fantasy, ça reste du genre : il y a des codes qui parlent à l'amateur et désarment le profane (l'oeil bleu du bouton de porte si souvent évoqué ici), il y a des attentes qu'il faut savamment satisfaire ... ou non, et je crois qu'il y a souvent une distanciation plus importante entre l'auteur et son œuvre : écrire de la SF, ou du polar, est forcément un exercice plus étranger à soi que de raconter son idylle avec Doc Gynéco, un deuil ou le goût de la première gorgée de bière. J'irai jusqu'à penser d'ailleurs que ce côté artisan, cet aspect de savoir-faire qui distingue l'écrivain de genre de "l'Auteur de Littérature" (inspiré par sa muse) peut faire partie de ce qui agaçe tant Roland C. Wagner dans ce fleuve introspectif de la SF initié et voulu par Serge Lehman. Je m'avance sans doute beaucoup.
L'erreur communément répandue est de penser que la littérature de genre est "inférieure", d'une manière ou d'une autre, à la fameuse littérature "générale" dont le principal trait est qu'on ignore de quoi elle veut parler. Comparons au cinéma : Tarantino, John Woo font des films "de genre", et seuls les derniers des nigauds pensent encore qu'un film de genre ne peut pas être un film d'auteur ! le cinéma a de l'avance sur ce point : Metropolis, M le maudit, les Visiteurs du Soir, La Belle et la Bête, le Faucon Maltais, Les Oiseaux, Grease, Impitoyable, Titanic, Gladiator, Kill Bill, bienvenue chez les Ch'tis et Avatar sont des films de genre, ce qui ne gène pas grand-monde !
En littérature, c'est différent. Si le polar a su gagner une existence propre à côté de la Littérature Générale (ne dit-on pas "la blanche" et "la noire" ?); les autres genres continuent de sentir le soufre...
Ma remarque sur Lem qui voudrait liquider les genres était malvenue, et ne reposait que sur une phrase (la réécriture de la conclusion de la critique, où il regrettait qu'un roman de SF soit comparé à un polar ou une romance, plutôt qu'à n'importe quel autre roman). A contrario, la volonté de revoir l'histoire et les racines de la SF participe bien à la reconnaissance du genre en tant que tel... mais pas forcément tel que tous le voient ! En revanche, tout rapprochement de la littérature "générale" serait à mon sens une erreur, parce que ladite littérature est une aberration pour moi : tout est genre hormis un microcosme français du XXe siècle ... Balzac, Zola et Flaubert étaient feuilletonnistes et écrivaient bien plus comme des auteurs de SF contemporains que comme les mondains récidivistes des rentrées littéraires d'aujourd'hui !
Je ne pense pas non plus grand bien de l'aspect "transcendant" de la SF évoqué par giangi, même si l'idée est séduisante : c'est un genre, qu'on le veuille ou non. Qu'il puisse se mêler au polar, au western (Santiago) ou à n'importe quel autre genre n'empêche pas l'existence d'une unité, d'une appartenance commune, qu'elle soit divergente ou convergente.
Bouh, j'ai été bavard et confus... désolé !
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"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers