Lem a écrit :En ce sens, par exemple, l'introduction finale de "sevagram" à la fin du A est un authentique geste littéraire, qui ne fait référence à rien d'autre que lui-même.
Je ne développe pas, je n'ai pas le temps et ce n'est sans doute pas le lieu ici.
Ce que je veux dire, c'est qu'il suffit à mon sens d'admettre cette possibilité, de reconnaître que cette lecture est licite pour que SF et littérature soient "intersectables" pour reprendre ton vocabulaire. Pas toute la SF. Je reconnais que la hard science pose problème (encore que). Mais après tout, le domaine du roman ne répond pas non plus intégralement à la norme de Frye, loin s'en faut.
Sortir d'une attitude naïvement réaliste. Ouvrir nous-mêmes le domaine analytique de la SF-comme-esthétique, reconnaître la spécificité du texte et de ses moyens poétiques (cf le problème de la métaphore), signaler la disponibilité de cette lecture quand on fait la théorie du genre est la condition nécessaire et suffisante pour affirmer sa compatibilité avec la littérature. Et du même coup élargir ce qu'on appelle "littérature" ce qui me paraît souhaitable aussi.
Qu'entends-tu par "naïvement réaliste"?
Je reprends l'exemple du "sevagram" (plutôt la fin du cycle des Armureries que du non-A, mais on se comprend, évidemment!).
Le lecteur de SF ne sait pas de quoi parle l'auteur, puisque ce dernier ne donne pas d'indication. Que fait-il? Il va essayer de trouver une explication qui lui semble cohérente, il y arrivera ou pas. Il peut aussi se dire qu'il ne faut pas essayer, que c'est par principe quelque chose de trop fort pour lui. Sacré van Vogt!
Le lecteur qui dit: "C'est quoi? j'y comprends rien, c'est nul!", de fait, il est passé à côté de la SF, dans ce roman du moins, et pour ce type de SF…
Cette attitude du lecteur de SF est-elle "naïvement réaliste", d'après toi? En tout cas, c'est la mienne, et je ne la sens ni comme spécialement "réaliste", ni comme particulièrement "naïve". Cela ne me dérange pas que ce soit le cas, d'ailleurs, mais je ne vois pas ce que tu regrettes là-dedans.
La spécificité poétique du texte, par ailleurs, il doit y en avoir une, comme dans n'importe-quel texte. Elle intéresse les techniciens passionnés des textes (qui ne seront pas d'accord entre eux, généralement), c'est très bien comme ça. Encore uen fois, quel rapport avec la caractérisation de la SF?
Quand tu parles de "métaphore réifiée", je me demande ce que devient un texte de SF en français, quand il est traduit en chinois. Il restera un texte de SF parce que les Chinois vont le reconnaître comme tel par sa thématique (anticipation, mutant, extraterrestre, etc). Que deviennent les éventuelles métaphores réifiées une fois traduites? C'est un sujet très intéressant en soi, qui va passionner les linguistes furieux, mais pour la caractérisation de la SF, je ne vois pas trop en quoi c'est nécessaire. Mais on peut s'y atteler, je n'ai rien contre…
Tu as ironisé quand je t'ai demandé ce qui se passait lorsque l'on remplaçait "Transparent" par "Schmutz" ou autre chose dans le roman de Roland. C'est ridicule d'un point de vue littéraire, avais-tu dit à peu près. J'ai plutôt l'impression que ce sont certains critères dits "littéraires" qui sont, sinon ridicules, du moins tout à fait inopérants pour saisir l'intérêt de la SF, qui tourne autour d'idées. Le Chinois va comprendre de quoi il s'agit, même après une transcription lointaine et acrobatique entre deux langues. Les spéculations demeurent, elles, avec la SF. La Littérature avec un grand L, je ne sais pas. Si le traducteur est un grand "littéraire" chinois, peut-être. Mais qu'importe, pour la caractérisation de la SF?
Oncle Joe