Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Matthieu
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Message par Matthieu » ven. févr. 19, 2010 12:37 pm

Erion a écrit : Ted Chiang ne modifie pas le concept, et, à mon sens, ceci explique pourquoi son texte est du fantastique ou de la fantasy. La SF implique cette modification : les dieux ne sont pas des dieux, les anges ne sont pas des anges, l'au-delà n'est pas l'au-delà. Il y a une métamorphose, une transformation.
Si tu as eu un doute sur Chiang, c'est parce qu'il est fondamentalement un auteur de SF, et qu'il pratique naturellement ce genre de modification. Il a un "esprit SF" en tant qu'auteur, et cet esprit marque chacun de ses textes, qu'ils soient SF ou pas.
C'est de la Speculative Fiction. Pas mal d'auteurs anglo-saxons se reconnaissent dans ce terme. Cf le site dédié à la Speculative Fiction qui a publié une interview de Mélanie Fazie récemment.

Le terme est plus large que "science-fiction", mais il implique autre chose que le terme "imaginaire" qu'on utilise en France. La speculative fiction garde un état d'esprit de la science-fiction. Alors qu'imaginaire implique plus l'état d'esprit de la fantasy, une volonté d'évasion.
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Lensman
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Message par Lensman » ven. févr. 19, 2010 12:42 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Attention aux pièges de l'illusion du continu. Une analogie, c'est une analogie, pas un transformation continue. Enfin, pour moi. Mais on peut avoir une autre manière de voir les choses, bien sûr.
Ce sont des pièges épistémologiques auxquels j'essaie de faire attention mais dans le cas des esprits ci-dessus, le terrain me paraît assez fiable.
Par contre, ton super-scepticisme disqualifie Freud.
Et aussi les travaux de Jean-Pierre Vernant sur les origines de la pensée rationnelle (Mythes et pensée chez les Grecs).
Bah.
Que dire??? Je ne connais pas assez leurs théories pour me permettre de les discuter en profondeur! Ce n'est pas moi qui vais dire qu'elles sont sans intérêt, sans influence ou sans valeur! Mais je ne suis pas sommé d'y adhérer, ni sommé de les rejeter, et je ne vais pas m'arracher les cheveux ou m'effondrer en pleurs si je ne les comprends pas bien, ou si je ne suis pas convaincu…
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MF
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Message par MF » ven. févr. 19, 2010 12:43 pm

Lem a écrit :Prenons un exemple : le concept "d'esprit" (au sens de "d'ancêtre" ou de "fantôme").

Il naît dans les sociétés traditionnelles où il désigne une classe d'êtres surnaturels, invisibles, actifs dans le monde, capables de communiquer avec les vivants, de prendre possession d'eux, etc. Dans ces sociétés, nul ne doute de leur réalité et il y a toutes sortes de procédures compliquées pour se concilier leurs bonnes grâces, les calmer, les invoquer, s'en débarrasser, etc.
Il me semble que tu parles ici d'une "classe" spécifique de ce concept "d'esprit" : les "esprits des morts", en gros, et métaphysiquement, les "âmes". Ce que confirme les paragraphes finaux
Je peux avoir recours à une explication parapsychique et ce sera sans doute un truc steampunk. Je peux aller chercher dans la mécanique quantique un discours de justification quelconque et créer une civlisation futuriste où les morts agissent dans le monde. Je peux ne rien justifier et obtenir un texte à la Chiang (les esprits des morts sont là – point). Je peux aussi décider d'écrire un roman de littérature générale naturaliste où les esprits sont de pures métaphores des souvenirs dont on n'a pas fait le deuil et qui, par conséquent, nous hantent et où les gens accomplissent de façon transposées les procédures (regarder une photo, la cacher, la brûler…)

Dans tous les cas (historiques ou fictionnels, métaphoriques ou réifiés), le concept conserve ses caractéristiques (action des morts sur le monde, procédures de concliation ou d'évacuation. Il n'est pas "radicalement modifié" comme tu l'écris ; c'est le monde qui l'est en fonction du statut que l'on attribue au concept.
Mais après, ça ne marche plus
Quand le principe pan-explicatif de la société change – si le christianisme s'impose, par exemple –, le concept ne disparaît pas mais il est requalifé en fonction de la nouvelle distribution des valeurs. Les esprits deviennent des démons, voire les différents aspects d'un super-être très mauvais (le Diable). Il y a toujours des procédures compliquées pour se concilier leurs bonnes grâces, les invoquer (mais les esprits étant jugés mauvais, ces actes le sont aussi : sorcellerie), s'en débarrasser (exorcisme), etc.
Ce n'est pas ce qu'a fait le "christianisme" (pour être plus précis son interprétation religieuse). Il a pris "l'esprit" des morts, les "âmes", et les a proprement rangé dans 3 espaces bien distincts : paradis, enfer, purgatoire (je passe sous silence limbes qui est une notion postérieure). Les "esprits" des morts ne sont pas devenus "fantômes" ou "démons", au contraire. La gestion de la relation avec les "esprits" ne relevait plus de l'Homme mais de Dieu. Le concept avait bel et bien évolué puisqu'il y avait eu décision métaphysique. (j'adore ce terme ; merci systar)
Modifié en dernier par MF le ven. févr. 19, 2010 12:46 pm, modifié 1 fois.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Lensman
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Message par Lensman » ven. févr. 19, 2010 12:45 pm

Matthieu a écrit :
Le terme est plus large que "science-fiction", mais il implique autre chose que le terme "imaginaire" qu'on utilise en France. La speculative fiction garde un état d'esprit de la science-fiction. Alors qu'imaginaire implique plus l'état d'esprit de la fantasy, une volonté d'évasion.
La distinction "speculative fiction"/"Fantasy" me semble un peu piégée, si on part sur un critère comme la "volonté d'évasion"…
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » ven. févr. 19, 2010 12:47 pm

Erion a écrit :
Lem a écrit : Dans tous les cas (historiques ou fictionnels, métaphoriques ou réifiés), le concept conserve ses caractéristiques (action des morts sur le monde, procédures de concliation ou d'évacuation. Il n'est pas "radicalement modifié" comme tu l'écris ; c'est le monde qui l'est en fonction du statut que l'on attribue au concept.
Mais, justement, les modifications du statut ne sont pas neutres, vis-à-vis du concept. Dire qu'un esprit, c'est magique ou rationnel, les tenants et les aboutissants ne sont plus du tout les mêmes.
Bien sûr. Aucun problème avec ça.
Le lecteur a des attentes, liées à ses conceptions archaïques, et l'auteur lui offre une nouvelle interprétation, il en fait quelque chose d'autre. C'est ce "autre" qui est intéressant, bien plus que le "même"
Bien sûr aussi. Mais pour que les différences soient sensibles et présentent un intérêt, créent éventuellement une surprise, il faut un fond d'identique sur lequel elles puissent se détacher. En tant que forme concrète, les vampires de Watts n'ont presque rien à voir avec ceux de Stoker. Mais le concept est le même.
Ted Chiang ne modifie pas le concept, et, à mon sens, ceci explique pourquoi son texte est du fantastique ou de la fantasy. La SF implique cette modification : les dieux ne sont pas des dieux, les anges ne sont pas des anges, l'au-delà n'est pas l'au-delà. Il y a une métamorphose, une transformation.
Si tu as eu un doute sur Chiang, c'est parce qu'il est fondamentalement un auteur de SF, et qu'il pratique naturellement ce genre de modification. Il a un "esprit SF" en tant qu'auteur, et cet esprit marque chacun de ses textes, qu'ils soient SF ou pas.
En fait, j'avais expliqué ce que je pensais précisément de cette question à MF il y a quelques temps. Il est clair que la réification du concept sur tel ou tel mode impacte la nature du monde dans lequel il s'insère – donc définit le "genre" du texte (réification via la science = SF ; via la magie = fantasy ; via le surnaturel = fantastique – pour faire très simple et être compris). Je ne nie pas du tout ces impacts.

Mais ce que je ressens très profondément, c'est qu'en amont de ces systèmes de réification, il y en a une, élémentaire, qui réifie sans expliquer. Qui se contente de prendre le concept et d'en faire une chose concrète. Bibliothèque infinie. L'Enfer quand Dieu n'est pas présent, etc.

Une sorte de réification "nue", "blanche", ou "zéro".

Ce sont précisément les textes qui s'appuient sur cette opération qui peuvent être annexés indifféremment par tous les genres. Il n'y a pas de réfutation simple au fait de dire : Borgès, c'est de la fantasy. Ou : Chiang, c'est de la SF. (On avait aussi parlé du Géant noyé de Ballard) Tout est licite. Mais la réification zéro, parce qu'elle se concentre uniquement sur la matérialité du concept et ses conséquences logiques, me semble être l'opération primordiale de la science-fiction (ou de la fiction spéculative, si on y tient). C'est une intuition très profonde en ce qui me concerne. Je la vois presque.

Sans doute faut-il entrer un peu dans mon jeu pour la partager ; mais je ne peux évidemment l'exiger de quiconque.

Lem

Message par Lem » ven. févr. 19, 2010 12:55 pm

MF a écrit :Mais après, ça ne marche plus
Quand le principe pan-explicatif de la société change – si le christianisme s'impose, par exemple –, le concept ne disparaît pas mais il est requalifé en fonction de la nouvelle distribution des valeurs. Les esprits deviennent des démons, voire les différents aspects d'un super-être très mauvais (le Diable). Il y a toujours des procédures compliquées pour se concilier leurs bonnes grâces, les invoquer (mais les esprits étant jugés mauvais, ces actes le sont aussi : sorcellerie), s'en débarrasser (exorcisme), etc.
Ce n'est pas ce qu'a fait le "christianisme" (pour être plus précis son interprétation religieuse). Il a pris "l'esprit" des morts, les "âmes", et les a proprement rangé dans 3 espaces bien distincts : paradis, enfer, purgatoire (je passe sous silence limbes qui est une notion postérieure).
En fait, le purgatoire est lui-même une invention assez tardive. Il faut absolument lire ce qu'a écrit Jacques Legoff sur le sujet, c'est vraiment passionnant. Et ça a beaucoup à voir avec ce dont on parle en ce moment. Legoff retrouve les premières traces du purgatoire dès le Vème ou VIème siècle mais ce n'est au début qu'une expression ou une image qui n'a qu'un rôle minuscule. Son amplification et sa systématisation progressive jusqu'à Dante, qui en donne l'image définitive, s'étend sur presque mille ans.

Mais je précise ça juste pour le plaisir d'évoquer Legoff. Sinon, je n'examine pas ton objection (qui est peut-être valable, peut-être pas, je ne sais pas). Mon exemple n'avait valeur que d'idéalisation, pas d'étude historique.

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Lensman
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Message par Lensman » ven. févr. 19, 2010 12:57 pm

Lem a écrit :
Sans doute faut-il entrer un peu dans mon jeu pour la partager ; mais je ne peux évidemment l'exiger de quiconque.
C'est évidemment valable pour nous tous…
Ces discussions souvent vives (parfois un peu pénibles quand on s'énerve, mais ça passe!) montrent au moins que non seulement, nous n'avons pas forcément les mêmes règles, mais qu'il ne nous est pas si facile d'expliquer les différences.
En fait, tu nous as lancé dans des problèmatiques extrêmement difficiles, qui ne touchent pas que la SF, c'est le moins que l'on puisse dire.
Pour renforcer mon côté "sceptique", je dirais que cela montre à quel point il n'y a pas de vision dominante "culturelle" précise, clairement exprimable et partagée par les gens, disons, moyennement cultivés aujourd'hui… au moins, chez ceux de ce forum SF, qui discutent ici. Ailleurs, je ne sais pas (le monde mystérieux, merveilleux ou épouvantable des prescripteurs, par exemple…)
Oncle Joe

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Message par Lensman » ven. févr. 19, 2010 1:09 pm

Lem a écrit : En fait, le purgatoire est lui-même une invention assez tardive. Il faut absolument lire ce qu'a écrit Jacques Legoff sur le sujet, c'est vraiment passionnant. Et ça a beaucoup à voir avec ce dont on parle en ce moment. Legoff retrouve les premières traces du purgatoire dès le Vème ou VIème siècle mais ce n'est au début qu'une expression ou une image qui n'a qu'un rôle minuscule. Son amplification et sa systématisation progressive jusqu'à Dante, qui en donne l'image définitive, s'étend sur presque mille ans.

Mais je précise ça juste pour le plaisir d'évoquer Legoff. Sinon, je n'examine pas ton objection (qui est peut-être valable, peut-être pas, je ne sais pas). Mon exemple n'avait valeur que d'idéalisation, pas d'étude historique.
Quand j'étais gosse, j'ai été au catéchisme, et j'ai bombardé le brave curé de questions sur le sujet. Je devais déjà être un mauvais esprit, car j'ai rapidement classé ces affaires dans le n'importe quoi. Plus tard, de manière marrante, je me souviens de l'intervention du "Hollandais volant" dans un épisode du "Sufer d'agent". On nous expliquait qu'il était prisonnier des "limbes". Même dans le cadre des aventures du Surfer d'argent, j'avais trouvé que ça n'avait aucun sens (c'est dire!). Je lisais aussi, quand j'étais tout gosse, las aventures d'un petit diable, Geppo, je crois, un nom comme ça, qui était gentil et aidait les gens, au lieu de les pousser à aller en enfer.
Je vois bien qu'il y a plein de gens qui sont torturés, inquiets, angoissés, intrigués, etc, par tout cela. Mais qu'on ne vienne pas me raconter, en prenant un air pensif, que c'est bien fondamental dans la SF. Enfin, on peut toujours me le dire, mais ce n'est pas ça que je trouve dans la SF.
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » ven. févr. 19, 2010 1:19 pm

Lensman a écrit :En fait, tu nous as lancé dans des problèmatiques extrêmement difficiles, qui ne touchent pas que la SF, c'est le moins que l'on puisse dire.
C'est vrai.
Mais c'est ce que j'aime, maintenant.
La SF en interne, j'en ai fait le tour. La vieille question du rapport à la science me paraît dans l'impasse, et depuis longtemps. J'essaie de créer des ponts, des liens avec des domaines inattendus, de reprendre des vieux problèmes avec une approche nouvelle. Tout ça est en chantier et assez bordélique, je le reconnais volontiers. Mais ici et là, de temps en temps, il y a un petit frisson, une légère ivresse cognitive qui me plaît. Comme je me méfie de moi-même, j'essaie de blinder théoriquement mais c'est difficile.
Par ailleurs, le désir de se relier – disons – au reste du monde culturel tient au fait que cette ivresse, je l'éprouve aussi quand je lis certains travaux n'ayant apparemment rien à voir avec notre domaine. Pour renouer précisément avec cette affaire de concept, il y a un livre de Michel Pastoureau (plus connu pour ses essais sur l'histoire des couleurs, remarquables) consacré à l'ours. Depuis la préhistoire et les cultes qu'on lui rendait alors – tels qu'on peut les reconstituer à partir de l'archéologie – jusqu'au statut de l'ours en peluche aujourd'hui en passant par son déclassement du statut d'animal sacré par l'Eglise médiévale au profit du lion (le fait d'exhiber les ours dans les foires et les villages était une stratégie délibérée). L'essai de Legoff sur le Purgatoire ou le mythe de l'Inde en occident sont du même ordre : des histoires culturelles qui créent des liens, jettent des ponts transdisciplinaires absolument passionnants. C'est ce qui m'attire aujourd'hui et je pense que l'histoire de la SF est typiquement l'un de ces centres à partir desquels on peut rayonner dans de multiples directions.

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Erion
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Message par Erion » ven. févr. 19, 2010 1:50 pm

Lem a écrit : Mais ce que je ressens très profondément, c'est qu'en amont de ces systèmes de réification, il y en a une, élémentaire, qui réifie sans expliquer. Qui se contente de prendre le concept et d'en faire une chose concrète. Bibliothèque infinie. L'Enfer quand Dieu n'est pas présent, etc.
Tu sais que là, tu es en train de réinventer le concept d'archétype ? (Enfin, disons plutôt, que tu utilises sans le dire, le concept des archétypes définis par ailleurs).
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

Lem

Message par Lem » ven. févr. 19, 2010 1:53 pm

Il faut que tu développes ; je ne comprends pas très bien la relation.

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » ven. févr. 19, 2010 1:55 pm

Comment différencies tu reification et matérialisation ?
Bienvenu chez Pulp Factory :
http://pulp-factory.ovh


Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com

Lem

Message par Lem » ven. févr. 19, 2010 2:05 pm

Pour être honnête, je ne fais pas de différence ; j'emploie les deux indifféremment.
J'ai juste tendance à préférer "réifier" à "matérialiser" parce que le premier est plus court de deux syllabes.

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Message par Lensman » ven. févr. 19, 2010 2:24 pm

Lem a écrit :Pour être honnête, je ne fais pas de différence ; j'emploie les deux indifféremment.
J'ai juste tendance à préférer "réifier" à "matérialiser" parce que le premier est plus court de deux syllabes.
Fabriquer, construire, inventer… inventer, j'aime bien…
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Message par Erion » ven. févr. 19, 2010 2:32 pm

J'ai déjà eu l'occasion de citer l'article de LeGuin sur Mythes et Archétypes en SF, je vais donc pas tout retaper. Je vais juste en citer un passage (et la note, qui est importante)

"The artist who works from the center of being will find archetypal images and release them into consciousness. The first science fiction writer to do so was Mary Shelley. She let Frankenstein's monster loose. Nobody has been able to shut him out again, either. There he is, sitting in the corner of our modern glass and plastic living room, right on the tubular steel contour chair, big as life and twice as ugly. E.R. Burroughs dit it, though with infinitely less power and originality - Tarzan is a true myth figure, though not a particularly relevant one to modern ethical emotional dilemmas, as Frankenstein's monster is. Capek did it largely by naming something (a very important aspect of archetypizing): "Robots" he called them. They have walked among us ever since. Tolkien did it; he found a ring, a ring which we keep trying to lose...
"Scholars can have great fun, and can strengthen the effect of such figures, by showing their relationship to other manifestations of the archetype in myth, legend, dogma and art (Note1). These linkages can be highly illuminating. Frankenstein's monster is related to Golem; to Jesus; to Prometheus. (...) The robot may be seen as the modern ego's fear of the body after the crippling division of "mind" and "body", "ghost" and "machine, enforced by the post-Renaissance mechanistic thought. In "Time Machine" there is one of the great visions of the End, an archetype of eschatology comparable to any religious vision of the day of the judgment.(...)
Such myths, symbols, images do not disappear under the scrutiny of the intellect, nor does an ethical, or aesthetic, or even religious examination of them make them shrink and vanish. On the contrary : the more you look, the more there they are. And the more you think, the more they mean.
On this level, science fiction deserves the title of a modern mythology.
Most science fiction doesn't, of course, and never will. There are never many artists around. No doubt we'll continue most of the time to get rewarmed leftovers from Babylon and Northrop Frye served up by earnest snobs, and hordes of brawny Gerbilmen ground out by hacks. But there will be mythmakers, too."

Note 1 : Note tha a manifestation is all we ever get; the archetype itself is beyond the reach of reason, art, or even madness. It is not a thing, an object, but is rather, Jung guessed, a psychic modality, a function comparable to a function/limitation such as the visual range of the human eye which, by limiting our perception of electromagnetic vibrations to a certain range, enables us to see. The archetypes "do not in any sense represent things as they are in themselves, but rather the forms in which things can be perceived and conceived". They are "a priori structural forms of the stuff of consciousness" (Jung : Memories, Freams, Reflections)"

Y'a aussi tout un passage où Le Guin explique que ces archétypes permettent aux artistes de créer un lien entre le conscient et l'inconscient, afin de permettre aux lecteurs de faire eux aussi le voyage.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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