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par Le_navire » ven. juin 04, 2010 8:57 am
Bon comme vous êtes deux types intelligents à comprendre la même chose, c'est moi qui m'explique mal...
On a déjà de facto, une spéciation entre les collections, mais cette spéciation est plus brouillée qu'autrefois me semble-t-il, sauf pour les collections de prestige. Bragelonne mélange volontiers Goodkind et Parker, deux auteurs qui d'évidence, n'ont pas le même public, et vendent indifféremment l'un et l'autre de la même façon et sur le même réseau.
On a déjà de facto, deux réseaux différents de vente de livres : d'un côté les librairies, de l'autre les Relay et les supermarchés. Or ces réseaux fonctionnent en concurrence, sauf peut être pour les Harlequins : de toute évidence, cette situation est problématique puisque les petites librairies sont du coup désavantagées et crèvent de l'ouverture des grandes surfaces de ventes.
Maintenant, imaginons un retour partiel à la situation antérieure : d'un côté une édition de prestige, qui offre une sélection de belles plumes et des ouvrages élégants et beaux, de l'autre, des collections populaires avec des formats et des tirages à bas prix. On vend les beaux livres en librairie, les populaires en Relay et en supermarché. (Ceci étant, c'est pas forcément mieux pour les petits libraires... Mais y a-t-il vraiment une solution pour sauver les petits libraires, aux exceptions connues près ?)
Effectivement, si on se contente de ça, on a une barrière qui rend difficile le passage de l'un à l'autre. En même temps, même alors, c'est oublier le succès, y compris auprès d'une partie des intellectuels, d'auteurs qui ont fait le choix du populaire pour le magnifier (je pense aux San-A, par exemple, ou plus avant, à Zevaco)
D'autant qu'il me paraît évident qu'on ne revient jamais complètement sur ses pas : aujourd'hui, et contrairement à ce que vous avez laissé entendre tous les deux, je suis persuadée que nombre d'auteurs de qualité n'oseraient jamais faire du roman populaire pour le plaisir d'en faire : lorsqu'ils sont publiés à la NRF ou en jaune, ils courent le risque de voir leur roman finir en Grand Format dans la même maison d'édition, passer par les mêmes circuits de critique ou de vente, et le brouillage du dit circuit qui voit un Werber publié sans complexe dans une maison riche en plumes élégantes, risque du coup de brouiller aussi leur image. Du coup, ils sont plus que prudents, et évitent. N'oublions pas qu'autrefois, le coup des pseudos, ça rendait les choses plus faciles pour les frileux, mais qu'aujourd'hui, l'anonymat d'un pseudo ne tient pas deux minutes...
Par contre, avec un système double, les choses peuvent être parfaitement claires : Je peux écrire des romans pour les prix de la rive gauche, et m'amuser à pondre une littérature populaire où je ne toucherai pas le même public. Dans l'autre sens, je reconnais, et connaissant les Hommes, ça risque d'être plus difficile : ce n'est en effet pas pour rien que la littérature jeunesse se fait tremplin pour de nombreux auteurs. Ne souffrant pas des mêmes stigmates, elle est plus facile à utiliser lorsqu'on veut passer de l'un à l'autre... Mais je fantasme sur le fait que : si les auteurs de littérature à prix RG peuvent s'amuser à passer à la populaire sans risque et dans un système clair, c'est aussi un moyen de la réhabiliter... et d'apprendre à y repérer les chouettes plumes comme on le fait en jeunesse.
Et du coup, on trouverait les Werber et consort en littérature populaire, où ils vendraient beaucoup, de toute façon, mais où au moins, ils arrêteraient de nous casser la couille (vu qu'j'ai perdu l'autre au combat, Carmen Maria Vega inside) à vouloir être traités sur le même pied que Quignard ou Michon.
Ceci étant, on est d'accord, comme tout fantasme de système, c'est un fantasme, et qui se collètera à une réalité des faits qu'on aura de toute façon pas prévue, et qui est toujours du genre à tirer vers le moins bien, obligé. C'était surtout pour expliquer mieux la chose, puisque non, une barrière, ça ne me va pas plus qu'à vous...
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"