LDavoust a écrit :Ce qui m'amène à la question de la science et le rapport de celle-ci au public. Oui, dans les années 50, il y avait la guerre froide et la menace d'une troisième guerre mondiale, mais je crois que la science suscitait encore quelque chose de "numineux", un vertige conceptuel empreint d'une forme de confiance et d'émerveillement. Cette qualité a été perdue dans les années 80: aujourd'hui, la contre-culture consiste à combattre les avancées scientifiques parfois avant même qu'une étude véritable ne puisse se faire. (A tort ou à raison, je ne dis pas, ce n'est pas la question.) Bref, la science a connu une période où elle était une doctrine de salut terrestre, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, d'où, je pense, une désaffection. J'irais même jusqu'à dire que bien des gens pensent que la science leur a menti sur ses potentialités (cf le brouillage malencontreux du scientisme) et lui en tiennent, consciemment ou pas, rigueur.
Je suis tenté de penser que la technologie est au cœur du truc, notamment via l'industrie.
Je prends un exemple simple : les OGM.
Le
principe de l'OGM est neutre sur un plan moral laïc.
L'
application de cette technologie ne l'est pas vraiment. Elle est faite dans une logique industrielle et financière, avec toutes les conséquences que l'on sait. Et la brevetabilité du vivant n'arrange rien, bien au contraire.
C'est un truisme de dire que nous vivons dans une société qui suscite partout de la dépendance — les drogues, la (mauvaise) bouffe, la télé, le tabac, le jeu (en ligne ou pas), les semences brevetées, pardon pour les clichés — et je repense souvent à ce passage de
Planète à gogos qui décrit d'une manière hallucinante une dépendance croisée à deux produits conçus pour aller ensemble (je crois qu'il s'agit d'un soda et d'une marque de cigarettes) et susciter cette dépendance.
Le rejet de la science, on le trouve chez tous ceux qui veulent sortir de la société industrielle, et le moins qu'on puisse dire est qu'ils sont divers et variés. J'imagine qu'on le trouve aussi chez ceux que cette société industrielle rend dubitatifs. Mais la science-fiction n'a-t-elle pas effectué, entre autres choses, un travail de critique sociale à partir des années 50 ? (Et la méfiance envers la science n'a-t-elle pas pour point de départ symbolique Hiroshima ?)
De toute manière, les gens sont schizophrènes, si j'étais cynique je dirais que c'est la société industrielle qui veut ça. Les gens se méfient de la science et de la technologie tout en surfant sur le net et en téléphonant avec leur portable, en se soignant à l'aide de médicaments élaborés et en se déplaçant à bord d'avions, de TGV et de voitures sans cesse plus sûres et bardées de technologie.
On ne peut plus nier que les technosciences sont aujourd'hui le principal facteur d'évolution sociale à l'échelle planétaire. L'enjeu des décennies, et peut-être des siècles à venir, c'est la manière dont elles vont être employées.
Il me semble que c'est l'une des leçons qu'on peut tirer de la science-fiction : le contrôle des applications technologiques des découvertes scientifiques, et accessoirement l'orientation des recherches en fonction des applications recherchées, procure un grand pouvoir sur la société. Regarde l'histoire industrielle des supports de stockage de musique, du rouleau de gramophone au mp3. Regarde Monsanto.
Ce n'est pas la science qui a menti sur ses potentialités, ce sont ceux qui exploitent les potentialités en question qui effectuent des choix dont l'orientation suscite la méfiance, méfiance qui rejaillit sur les sciences par contrecoup.
Mais cette méfiance laisse encore de la place à la science-fiction sociologique, à la fiction spéculative, aux formes du genre mâtinées de satire et d'utopie.
Ceux qui en doutent n'ont qu'à lire Oussama.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)
الكاتب يكتب