Imaginales 2010 : Conf. "Écrire pour le grand public...

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Le_navire
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Message par Le_navire » lun. juin 07, 2010 8:47 pm

Gérard Klein a écrit : À Dumas, on n'a jamais reproché son écriture,
On a pas lu les mêmes études sur Dumas...(et j'ai bossé sur la censure à une époque qui accumulait des tonnes de paperasseries, conservées aux Archives Nationales avec des trucs pas piqué des hannetons sur les écrivains du siècle. Une mine pour les courageux - dont je n'étais pas, j'avoue. J'en ai eu marre...)
Dieu a écrit : ou alors on l'a aussi parfois reprochée à Hugo.
Aussi, mais lui, c'était qu'il écrivait lourd...(ce qui se dit toujours, d'ailleurs... Personnellement, je le trouve meilleur poète que romancier, mais ça n'engage que moi.)
Dieu a écrit :On lui a reproché ses sujets, ce qui n'est pas la même chose. Or notre point de vue sur ses sujets a évidemment radicalement changé.


Oui, c'est vrai aussi. Deux fois vrai.
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Sybille
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Message par Sybille » lun. juin 07, 2010 8:51 pm

Le_navire a écrit :Gérard, je suis convaincue, mais ça n'engage que moi, que la différence entre ces lecteurs et toi, c'est l'habitude. Juste l'habitude.

Ils ont l'habitude d'entendre des phrases mal tournées, des expressions vides de sens, des analyses sans profondeur, de voir des gens qui ressemblent à des poupées sans âmes, de plaquer sur leur enveloppe fabriquée des rêves de midinette et des espoirs de footballeur. Ils ont l'habitude de regarder les grandes chaînes généralistes, d'écouter les radio privées, de lire le quotidien régional, d'aller se balader à la porte de Versailles ou de visiter le musée des bonbons ou celui des pompiers.
Ils ont l'habitude qu'on leur dise de ne pas parler politique à table, ça ne se fait pas. De lire et de regarder ce qui se partage dans le consensus, pour ne pas embarrasser son voisin. Et surtout, on leur dit de ne pas compliquer la vie (j'avais tapé "vide", le lapsus était révélateur) des autres en ne compliquant pas la leur, en n'allant pas au devant des ennuis.
Ce sont des gens polis, ils font ce qu'on leur dit, ce qu'on attend d'eux.

Nous, on regarde parfois TF1, on lit la presse régionale pendant nos vacances et on emmène nos gosses au musée des bonbons par gourmandise et pour se rappeler des mistrals gagnants de quand on était mômes.

Mais ce ne sont pas nos habitudes. Parce que quand on était mômes, à nous, on a expliqué que s'intéresser à la politique, ça voulait dire participer à la vie de la cité, que plus c'est alambiqué, plus c'est intéressant, que compliquer l'existence des autres, c'est une conséquence inévitable de la vie en société, et que les ennuis se gagnent en étant curieux, comme l'expérience et le plaisir de la découverte.

La différence, c'est l'éducation qu'on a reçue. C'est tout. Je ne parle pas de culture, je parle d'éducation.

(et I'm a poor lonesome cowgirl, I'm a long long way from home, tout ça...)
Mouais... C'est une vision extrêmement... simpliste.

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MF
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Message par MF » lun. juin 07, 2010 8:57 pm

J'aime bien la relativité expliquée par Gérard & Bull...
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Sybille
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Message par Sybille » lun. juin 07, 2010 9:01 pm

MF a écrit :J'aime bien la relativité expliquée par Gérard & Bull...
Ben, moi, j'ai envie de dire que je comprends Bull et que, en fait, l'a mis le doigt sur ce que je n'avais pas encore exprimé...
Y'a plein de choses qui me tombent des mains/ne me tentent pas dans toutes les couches de la littérature. Que plein de gens (des éduqués et des pas éduqués) aiment des trucs dont je ne vois pas l'intérêt. Et que mon vrai souci est de me demander ce que je vais bien pouvoir lire...

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Le_navire
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Message par Le_navire » lun. juin 07, 2010 9:03 pm

fabrice a écrit : Peut-être, en poussant le raisonnement un cran plus loin, peut-on même verser les écrivains en deux camps : ceux qui veulent avant tout vendre des livres, et ceux qui veulent avant tout écrire de beaux (bons) livres. La qualité et le succès ne s'excluent pas mutuellement mais au niveau des intentions initiales, un choix s'opère de façon quasi systématique, consciemment ou non, d'ailleurs.
Oui, ça me parait évident aussi.
fabrice a écrit :ça ne sert à rien. Nos positions sont irréconciliables. Je ne vais pas essayer de les convaincre - à supposer qu'ils en soient capables - de faire des phrases plus belles notamment parce, sur un plan strictement commercial, ils ont raison : ça ne sert à rien,
D'accord aussi. Et à la limite, on s'en tape. Tant qu'ils ne viennent pas nous hacher les lucioles menu menu.

Pour le Claro, tu es un sacré veinard de l'avoir déjà lu, sale bourgeois élitiste et privilégié. Grmblebleble.
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XavierMauméjean
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Message par XavierMauméjean » lun. juin 07, 2010 9:04 pm

Passé le week-end chez Aline et Jacques Baudou. Moments délicieux, véritable affection. La plupart du temps nous avons mangé dans le jardin. Aline cuisine divinement bien et elle fait mieux que "bricoler" dans la maison : c'est du travail de pro. Dimanche soir, Hervé Jubert arrive. Tant mieux, car il manquait aux Imaginales.

Rencontré -enfin ! - monsieur Paul Gayot. Belle prestance, grand monsieur. Avons parlé de Raymond Queneau. Je demande :
"Il était comment ?
- très sympathique", me répond Paul.
Je n'en saurai pas plus. Si, tout de même, à ma question "A une époque, il picolait pas mal, non ? "
Petite lueur amusée dans l'oeil de Paul Gayot qui répond : " A une époque, il travaillait chez Gallimard".

Histoire poignante de la "boîte verte" offerte par Marcel Duchamp à François le Lionnais, volée par les nazis et retrouvée, sans pouvoir la récupérer, dans un musée à Stockholm.

Ce post est dans la droite ligne du fil.

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Eric
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Message par Eric » lun. juin 07, 2010 9:22 pm

En lisant la réponse de Fabrice j'ai mis les mots sur ce qui me titillait depuis le début.

En fait Werber ne veut pas la reconnaissance pour son œuvre mais sa reconnaissance en temps qu'écrivain.C'est ce qu'on entend nettement derrière la diatribe assez haineuse de Werber sur le milieu littéraire.

En gros, ce que le rend malade, c'est de se dire "je vends autant que Dantec, je suis chez le même éditeur et pourquoi lui, en dépit de toutes les conneries qu'il peut raconter par ailleurs, on le considère comme un écrivain et que moi, en dépit de tous les papiers que je peux avoir, on me considère comme un rentable noircisseur de pages."

Ce qui est bizarre parce que, quoiqu'on puisse penser de la qualité de ses livres, s'il y a bien une chose qu'on ne peut lui dénier c'est qu'au bout de 17 bouquins, œuvre il y a.

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Le_navire
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Message par Le_navire » lun. juin 07, 2010 9:24 pm

Sybille a écrit :
Mouais... C'est une vision extrêmement... simpliste.
Je suis une grande fille toute simple.

Bull a écrit :Et ce que je comprends probablement encore moins, c'est ce qui pousse ceux qui n'ont pas aimé tel ou tel livre à se sentir supérieur à ceux qui ont apprécié.

Vous n'avez pas aimé : ok, soit vous n'étiez pas le coeur de cible, soit vous êtes passé à autre chose.
Gné ? Tu as vu ça où ?
Il y a des tas de livres bien écrits, bien fichus, que l'on aime pas. Et pour lesquels on dit, pas ma came. Peut être que, tiens, machin, ou bidule, c'est le genre de chose qui va leur plaire. On les leur refile et on espère qu'ils vont les garder, (d'abord, ça nous débarrassera, ensuite,) on espère que c'est parce que eux les ont aimés. Je n'ai vu personne, ici, dire le contraire.

Après, tu te répètes sur le même thème, je te répèterai que tu nous prêtes des propos que nul n'a tenu ici.
Bull a écrit :Il y a deux point différents dans ce que vous reprochez (me semble t'il) à BW.
La qualité de l'écriture
La demande de reconnaissance littéraire.

Le deuxième point est assez facilement reglé :
Il vend n millions de livres.
Un autre autre vendant le même nombre de n millions de livres, mais en dehors de la sphère de l'Imaginaire, a très certainement droit à plus d'article dans les grands journaux généralistes. Non, ce n'est effectivement pas normal.

Nul demande injustifié d'un prix noble de littérature ici. Juste une juste demande je crois à être considéré de la même manière que les autres poids lourds. Qui pour la plupart n'écrivent pas "mieux" que BW.
Sauf que, pour autant que je sache, c'est faux. En tout cas, pour Werber, c'est faux. C'est bien là le problème. Ses derniers livres sont moins chroniqués que les premiers, certes. Sauf que ça fait vingt ans qu'il publie, quand les autres ont une carrière moitié moins longue. Ils n'ont pas plus d'articles qu'il n'en avait à l'époque.

Je ne commente pas la suite, je me répèterai encore.


Bull a écrit :Comprendre pourquoi tel ou tel livre va trouver un grand publique et pas un autre (de manière général), voire pourquoi un livre va vous plaire à coup sûr.

Ça ce serait vachement intéressant à suivre comme sujet.
Ah oui, ça je suis d'accord. Si tu trouves une réponse, tu me dis. Parce que j'aimerai bien trouver le bouquin qui va se vendre à 150 000 à coup sûr, 'tain je serai riche et infiniment puissante. Je suis sûre que tous les éditeurs de la place publique, y compris ceux qui ces derniers temps claquent des fortunes en pariant sur des titres qui se plantent lamentablement, seraient ravis de t'entendre...
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"

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Le_navire
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Message par Le_navire » lun. juin 07, 2010 9:26 pm

XavierMauméjean a écrit :Passé le week-end chez Aline et Jacques Baudou. Moments délicieux, véritable affection. La plupart du temps nous avons mangé dans le jardin. Aline cuisine divinement bien et elle fait mieux que "bricoler" dans la maison : c'est du travail de pro. Dimanche soir, Hervé Jubert arrive. Tant mieux, car il manquait aux Imaginales.

Rencontré -enfin ! - monsieur Paul Gayot. Belle prestance, grand monsieur. Avons parlé de Raymond Queneau. Je demande :
"Il était comment ?
- très sympathique", me répond Paul.
Je n'en saurai pas plus. Si, tout de même, à ma question "A une époque, il picolait pas mal, non ? "
Petite lueur amusée dans l'oeil de Paul Gayot qui répond : " A une époque, il travaillait chez Gallimard".

Histoire poignante de la "boîte verte" offerte par Marcel Duchamp à François le Lionnais, volée par les nazis et retrouvée, sans pouvoir la récupérer, dans un musée à Stockholm.

Ce post est dans la droite ligne du fil.
C'est pas bien, Xavier, non c'est pas bien.
Vie de nerd.
(et pas de WE depuis un mois, zut, quoi.)
Je te boude.
Veinard.
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Message par bormandg » lun. juin 07, 2010 9:30 pm

Juste une remarque au passage. La seule chose que je reprocherai à BW (je ne sais pas si elle s'applique à d'autres auteurs de littérature de tirage (meilleures ventes)) est d'avoir du succès en reprenant des idées inventées, sans succès populaires, par d'autres. Dans les quelques livres que j'ai lus, en exceptant les Fourmis, je n'ai pas trouvé une seule idée qui ne soit pas reprise d'auteurs inventifs dont aucun n'a eu le succès de BW. Alors il y a deux façons de voir; la manière optimiste (au moins, grace à BW, l'idée trouve un public, même si c'est après avoir été massacrée et récrite en hexagonal pseudo-amerloque). Et la manière moraliste (pourquoi le plagiat se vend-il quand l'original n'intéresse personne?). 8)
Modifié en dernier par bormandg le lun. juin 07, 2010 9:33 pm, modifié 1 fois.
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Le_navire
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Message par Le_navire » lun. juin 07, 2010 9:30 pm

Eric a écrit :
Ce qui est bizarre parce que, quoiqu'on puisse penser de la qualité de ses livres, s'il y a bien une chose qu'on ne peut lui dénier c'est qu'au bout de 17 bouquins, œuvre il y a.
Ah ?
Bon, hein ?
Si tu le dis.
Moi, j'aurais dit ça, mais je suis vraiment déchaînée sur ce fil, plus rien ne m'arrête... (Et tu constateras que le terme de création, lui est ici bel et bien approprié) :lol:

Faut que j'arrête de poster ici... Je vais finir derviche tourneur.
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Bull
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Message par Bull » lun. juin 07, 2010 9:49 pm

Le Navire :
-L'avis du "Fandom" sur BW et ses lecteurs.

Ce n'est pas l'impression que j'ai depuis les quelques années maintenant que je lis et écris ici et sur le CC.
Mais tant mieux si je me trompe.
Je doute fort, hein. Mais quand même ce serait chouette.

-La place de BW et de ses livres dans les grands médias généralistes par rapport aux autres écrivains du même calibre (de vente).
Je me fie à ce que je connais. Et comme ce n'est pas du tout mon domaine de compétence, je te crois sur parole. (Sauf que du coup, si c'est bien le cas, quelque chose m'échappe sur le pourquoi de la création de leur "ligue". Probable qu'au niveau du ressenti au moins, il y ait quelque chose).

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Le_navire
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Message par Le_navire » lun. juin 07, 2010 10:02 pm

Bull a écrit :Le Navire :
-L'avis du "Fandom" sur BW et ses lecteurs.

Ce n'est pas l'impression que j'ai depuis les quelques années maintenant que je lis et écris ici et sur le CC.
Mais tant mieux si je me trompe.
Je doute fort, hein. Mais quand même ce serait chouette.
Caro mio, ah, mais BW, oui, il écrit mal. Rien à voir avec les bouquins dont on peut reconnaître objectivement la qualité sans les apprécier pour autant. Est-ce que ça induit un sentiment de supériorité ? Je ne sais pas. En ce qui me concerne, je ne le sens pas comme ça. Est-ce que ça nous fait mépriser ses lecteurs ? A mon avis, non plus. Moi, je me désole, en tout cas, mais je ne méprise pas. Et je ne me souviens pas avoir jamais lu quelqu'un écrire "ah, mais les lecteurs de BW, quelle bande de décérébrés ! " D'autant que pour l'un comme pour l'autre (HL), les lecteurs sont jeunes, très jeunes.
Par contre, je méprise cordialement les prises de position publiques de BW, et le bonhomme qui ose proférer ces horreurs, oui.


Bon, faut vraiment que je me désintoxique de ce fil, moi. Déjà, au lit. Zou.
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henri
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Message par henri » mar. juin 08, 2010 4:04 am

N’ayez pas peur, je ne fais que passer…

L’un de vos modérateurs m’a demandé si je voulais participer à ce débat… Ayant déjà eu l’occasion de voir avec quelle objectivité et quelle intelligence mes romans ou interventions sont traitées par une grande partie des fidèles de ce forum, j’ai décliné l’offre. Déjà qu’au pieux, je suis pas trop tendance maso, alors sur le net… Donc, désolé, je ne débattrai pas.

Toutefois, j’ai parcouru… Et Draco a raison sur un point : je me suis bien marré.

Je voudrais juste adresser ici un petit message public à Fabrice Colin, co-fondateur de la Ligue2, puisque dans son dernier post il dit qu’il est : « nécessaire de différencier ceux qui pensent que l'écriture n'est qu'un moyen de raconter une histoire (et qui, donc, n'en ont rien à foutre du style) et ceux qui estiment qu'elle peut véhiculer, par sa beauté, sa complexité, une grâce ou des émotions indépendantes du récit », puis qu’il range Bernard Werber et moi-même dans la première catégorie et se range, lui, dans la seconde. Dans un débat sur « écrire pour le grand public », le glissement logique vers « raconter une histoire c’est juste pour vendre plus de livres et gagner plein de brouzoufs » est presque sous-entendu… Mais je ne lui prêterai pas ce raccourci honteux.

Alors… D’abord, je voudrais te répondre, Fabrice, que non, je n’en ai pas « rien à foutre du style », loin de là. En tant que lecteur comme en tant qu’auteur, je lui attache beaucoup d’importance. Il se trouve que, dans mes romans, je fais bien plus attention à mon style que tu ne sembles le croire. Peut-être, en revanche, n’avons-nous pas les mêmes critères de jugement quant à ce que doit être le « style ». C’est un autre débat. Toujours est-il que je fais toujours attention à ce que chacune de mes phrases, mais aussi la construction de mon récit, soient non seulement utiles au propos que j’ai envie de défendre, mais soient également, aussi souvent que possible, une source de satisfaction pour moi et pour les lecteurs à qui je propose mes romans… Que tu n’y sois pas sensible et que tu places tes critères stylistiques à d’autres endroits que les miens te regarde, mais je ne crois pas que tu puisses, en mon nom, dire que « j’en ai rien à foutre du style ». D’autant, cher Fabrice, que je suis prêt à mettre ma main à couper que tu n’as pas lu un seul de mes romans ou, si c’est le cas, aucun de ceux que j’ai pu écrire depuis au moins sept ou huit ans…

Ensuite, je voudrais te dire, aussi, que mon gros problème, c’est que j’ai une mémoire assez redoutable. Ça me procure bien des déceptions. Visiblement, ce n’est pas ton cas. Alors, si tu le veux bien, je vais te rappeler deux anecdotes qui nous concernent tous les deux.

La première, c’était il y a quelques années. Tu es venu me voir, et tu m’as dit mot pour mot : « Putain, Henri, j’en ai marre des faire bouquins qui se vendent pas, tu veux pas qu’on fasse un best-seller tous les deux, un truc bien trash qu’on vendrait à Marion Mazauric au Diable Vauvert ? ». Tu te souviens ? Intérieurement, ça m’a bien fait rigoler. On a même parlé d’un éventuel sujet. Et puis je me suis dit que ça ne me ressemblait pas. Que je n’ai jamais écrit de roman en me disant que je me foutais de ce que j’allais écrire du moment que c’était un best-seller. Mes livres, Fabrice, j’y crois, j’y tiens, et mon intention première n’est pas de faire des best-sellers – quand on essaie, ça marche rarement – mais bien de partager des choses qui me touchent. Alors je n’ai pas donné suite… Et tu es allé au Diable tout seul…

La seconde, c’était il y a moins longtemps. Tu m’as envoyé un mail pour me demander de te mettre en contact avec Olivier Besancennot, dont tu savais qu’il était un de mes amis. Tu m’as dit, en gros : « Putain, ce mec, il a des idées vachement intéressantes, et ya plein de gens qui le savent pas. J’aimerais bien écrire un livre sur lui, un genre d’entretien, histoire de le faire connaître à un plus large public, parce qu’il mérite bien mieux que l’image que les gens ont de lui, alors un entretien avec un écrivain, ça pourrait servir son propos, surtout que je commence à avoir des bons contacts dans les milieux intellos… ». Je t’avoue, Fabrice, qu’en lisant ton mail – je crois même te l’avoir dit dans ma réponse – j’ai un peu halluciné… Je me suis demandé pour qui tu te prenais. Olivier Besancennot a reçu un million quatre cent mille voix lors de la dernière présidentielle. Il passe à longueur de temps dans les médias… Alors je te pose une question : es-tu certain que c’était pour l’amour du style que tu voulais écrire ce livre ? Comme je n’arrivais pas à m’en convaincre, je n’ai pas fait suivre à Olivier, j’espère que tu ne m’en veux pas.

Sur ce, je retourne à mon bouquin, et je vous salue tous bien bas.

L’infâme Henri Loevenbruck

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Anne
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Message par Anne » mar. juin 08, 2010 5:42 am

C'est moi ou il y a comme un froid, là? :lol:

Sérieux, Henri, tu t'es enquillé les 31 pages? Comme ça d'affilée? La vache, tu es courageux...

Bon, désolée si je froisse mais moi j'adore quand Henri déballe tout comme ça. Ca me donne envie d'écouter Cartola et de me faire une caï.
Et ça change de l'hypocrisie tiédasse de ce milieu où tout le monde balance sur tout le monde mais jamais en face.

Dites ce que vous voulez mais ça fait du bien.
Et puis, fallait pas l'invoquer, il a fini par venir et il avait pas envie d'être cordial.

Sur ce, après cette jolie leçon d'impunité, je suis séchée, j'ai plus rien à dire, même pas à ricaner...

Fakhouri, out...

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