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par henri » mar. juin 08, 2010 4:04 am
N’ayez pas peur, je ne fais que passer…
L’un de vos modérateurs m’a demandé si je voulais participer à ce débat… Ayant déjà eu l’occasion de voir avec quelle objectivité et quelle intelligence mes romans ou interventions sont traitées par une grande partie des fidèles de ce forum, j’ai décliné l’offre. Déjà qu’au pieux, je suis pas trop tendance maso, alors sur le net… Donc, désolé, je ne débattrai pas.
Toutefois, j’ai parcouru… Et Draco a raison sur un point : je me suis bien marré.
Je voudrais juste adresser ici un petit message public à Fabrice Colin, co-fondateur de la Ligue2, puisque dans son dernier post il dit qu’il est : « nécessaire de différencier ceux qui pensent que l'écriture n'est qu'un moyen de raconter une histoire (et qui, donc, n'en ont rien à foutre du style) et ceux qui estiment qu'elle peut véhiculer, par sa beauté, sa complexité, une grâce ou des émotions indépendantes du récit », puis qu’il range Bernard Werber et moi-même dans la première catégorie et se range, lui, dans la seconde. Dans un débat sur « écrire pour le grand public », le glissement logique vers « raconter une histoire c’est juste pour vendre plus de livres et gagner plein de brouzoufs » est presque sous-entendu… Mais je ne lui prêterai pas ce raccourci honteux.
Alors… D’abord, je voudrais te répondre, Fabrice, que non, je n’en ai pas « rien à foutre du style », loin de là. En tant que lecteur comme en tant qu’auteur, je lui attache beaucoup d’importance. Il se trouve que, dans mes romans, je fais bien plus attention à mon style que tu ne sembles le croire. Peut-être, en revanche, n’avons-nous pas les mêmes critères de jugement quant à ce que doit être le « style ». C’est un autre débat. Toujours est-il que je fais toujours attention à ce que chacune de mes phrases, mais aussi la construction de mon récit, soient non seulement utiles au propos que j’ai envie de défendre, mais soient également, aussi souvent que possible, une source de satisfaction pour moi et pour les lecteurs à qui je propose mes romans… Que tu n’y sois pas sensible et que tu places tes critères stylistiques à d’autres endroits que les miens te regarde, mais je ne crois pas que tu puisses, en mon nom, dire que « j’en ai rien à foutre du style ». D’autant, cher Fabrice, que je suis prêt à mettre ma main à couper que tu n’as pas lu un seul de mes romans ou, si c’est le cas, aucun de ceux que j’ai pu écrire depuis au moins sept ou huit ans…
Ensuite, je voudrais te dire, aussi, que mon gros problème, c’est que j’ai une mémoire assez redoutable. Ça me procure bien des déceptions. Visiblement, ce n’est pas ton cas. Alors, si tu le veux bien, je vais te rappeler deux anecdotes qui nous concernent tous les deux.
La première, c’était il y a quelques années. Tu es venu me voir, et tu m’as dit mot pour mot : « Putain, Henri, j’en ai marre des faire bouquins qui se vendent pas, tu veux pas qu’on fasse un best-seller tous les deux, un truc bien trash qu’on vendrait à Marion Mazauric au Diable Vauvert ? ». Tu te souviens ? Intérieurement, ça m’a bien fait rigoler. On a même parlé d’un éventuel sujet. Et puis je me suis dit que ça ne me ressemblait pas. Que je n’ai jamais écrit de roman en me disant que je me foutais de ce que j’allais écrire du moment que c’était un best-seller. Mes livres, Fabrice, j’y crois, j’y tiens, et mon intention première n’est pas de faire des best-sellers – quand on essaie, ça marche rarement – mais bien de partager des choses qui me touchent. Alors je n’ai pas donné suite… Et tu es allé au Diable tout seul…
La seconde, c’était il y a moins longtemps. Tu m’as envoyé un mail pour me demander de te mettre en contact avec Olivier Besancennot, dont tu savais qu’il était un de mes amis. Tu m’as dit, en gros : « Putain, ce mec, il a des idées vachement intéressantes, et ya plein de gens qui le savent pas. J’aimerais bien écrire un livre sur lui, un genre d’entretien, histoire de le faire connaître à un plus large public, parce qu’il mérite bien mieux que l’image que les gens ont de lui, alors un entretien avec un écrivain, ça pourrait servir son propos, surtout que je commence à avoir des bons contacts dans les milieux intellos… ». Je t’avoue, Fabrice, qu’en lisant ton mail – je crois même te l’avoir dit dans ma réponse – j’ai un peu halluciné… Je me suis demandé pour qui tu te prenais. Olivier Besancennot a reçu un million quatre cent mille voix lors de la dernière présidentielle. Il passe à longueur de temps dans les médias… Alors je te pose une question : es-tu certain que c’était pour l’amour du style que tu voulais écrire ce livre ? Comme je n’arrivais pas à m’en convaincre, je n’ai pas fait suivre à Olivier, j’espère que tu ne m’en veux pas.
Sur ce, je retourne à mon bouquin, et je vous salue tous bien bas.
L’infâme Henri Loevenbruck