Cachou a écrit :Bon, je suis un peu obligée de mettre mon grain de sel dans cette conversation, la littérature jeunesse est un sujet qui me passionne. Pour rebondir sur certaines choses dites dans les pages précédentes et pour tomber comme un cheveu dans la soupe, comme à mon habitude (en coupant la discussion actuelle sur les séries ^_^ (soit dit en passant, des élèves de 12 ans regardent "Tru Blood"... j'ai eu un peu de mal à assimiler cette information):
- Pourquoi une littérature jeunesse? Pour avoir lu beaucoup de jeunesse sans avoir jamais essayé de théoriser la chose, je ne peux donner qu'un avis instinctif: la jeunesse aborde certaines problématiques différemment. Il est vrai que pour la littérature SFFF, la démarcation entre jeunesse et adulte est beaucoup moins facile à voir. Mais pour la littérature dite "générale", on voit une gros travail de réflexion sur le sens de la vie dans les livres jeunesse un peu plus poussés (enfin, peut-être moins de nos jours je dois dire). Dans un documentaire sur J. K. Rowling, Philip Pullman ou Stephen Fry (mais je pense que ça devait être le premier) disait que la différence entre littérature jeunesse et littérature pour adulte, c'est que la littérature jeunesse va se poser de "grandes" questions qui vont aider le jeune à se former en tant que personne, alors que la littérature adulte allait plutôt se demander "est-ce qu'il m'aime?", "est-ce que je dois accepter ce boulot?" et donc se recentrer sur des problématiques plus personnelles. Je trouve cette position exagérée mais il y a de l'idée quand même. Je prends pour exemple un des meilleurs livres jeunesse que j'ai lu récemment, "Tout doit disparaître" de Mikaël Ollivier. Il pose de manière tout à fait pertinente la question de la surconsommation. Je dois dire que rarement un livre adulte m'a touché autant sur la question (je me demande s'il existe d'ailleurs un roman à m'avoir autant interpelée sur le sujet que celui-ci). Le fait est que la littérature jeunesse, surtout quand elle est bien faite, arrive à toucher à des problématiques qui turlupinent peut-être un peu plus les jeunes, que les adultes ont laissé derrière eux ou qu'ils ont oubliées. Mais je ne suis déjà pas moi-même persuadée par cette interprétation...
- Sur l'influence de la littérature jeunesse sur le futur lectorat adulte: permettez-moi de citer un film que vous devez certainement détester, "You've got mail", où la libraire jeunesse dit quelque chose que je trouve très juste: "When you read a book as a child, it becomes a part of your identity in a way that no other reading in your whole life does. " Je suis d'accord avec cette affirmation, mes souvenirs les plus intenses de lecture appartiennent surtout à mon adolescence. Même si j'ai encore d'énorme coup de foudres livresques maintenant, ils sont moins nombreux et surtout moins "obsessifs". Du coup, je suis d'accord pour dire que la littérature jeunesse forme en quelque sorte le lectorat de demain, pas dans le sens qu'elle l'éduque, mais dans celui qu'elle construit peu à peu ses goûts.
- Ce qui nous amène au troisième point: pourquoi beaucoup de lecture de SFFF jeunesse mais moins chez les adultes. Tout d'abord, une petite remarque sur une observation que j'ai faite en classe: mes élèves lisent énormément de fantastique (on va dire que le genre occupe de 60 à 70% de leur lectures) mais ils dénigrent presque tous la science-fiction! Véridique. Ils ont en fait les mêmes préjugés que les adultes pour le genre, et il faut aussi leur démontrer à eux que la SF, c'est plus que ce qu'ils imaginent.
Maintenant, pourquoi ces jeunes ne se tournent pas vers la SFFF adultes? Bon, là, je vais certainement fâcher, mais n'oubliez pas que tout le monde ne vit pas à Paris. Comme je le disais samedi dans la discussion que la "bit-lit", des jeunes qui ont pris goût au genre peuvent ne pas trouver de livres pour satisfaire leurs envies en devenant adultes. Leurs goûts s'affinent, leurs attentes s'élèvent, et pourtant ils n'auront accès qu'aux plus grands noms, qui ne font d'une certaine manière que continuer le type de lecture qu'ils avaient pu avoir ado sans offrir forcément un nouveau niveau de complexité. A force, on se lasse. Donc si la proposition de lecture n'est pas plus variée, on perd forcément des lecteurs qui ont envie d'aller plus loin.
Pour ma part, je dois dire que si je n'avais pas eu sous la main une bouquinerie très bien fournie en SFFF, je n'aurais pas forcément trouvé de quoi continuer à lire ce genre en tant qu'adulte. Ma bibliothèque, comme beaucoup de bibliothèques je suppose, est très frileuse du genre et en librairie, l'offre SFFF se résume souvent à la même chose...
En plus, il ne faut pas oublier que les lecteurs qui vont à l'université se retrouvent confrontés au jugement des pairs, et ce n'est pas rien. J'ai eu la chance, pendant mes études, de tomber dans un petit groupe d'amateurs, mais je dois dire que je peux comprendre qu'un lecteur de SFFF qui ne se trouve plus dans un milieu où il peut parler de ses lectures et découvrir de nouveau titres grâce à des discussions va peut-être vite tourner en rond et s'orienter vers des lectures dont il peut discuter avec d'autres.
Je crois le partage primordial et constate par moi-même que depuis que je parle plus de SFFF (avec des internautes uniquement, qui plus est, parce que dans mon entourage, bon, voilà), j'en lis plus. Avant, j'étais à un livre du genre par mois, voir tous les deux mois, même si j'adorais, parce que je ne savais pas forcément avec quoi enchaîner, qu'il me manquait peut-être l'enthousiasme du partage et de la découverte dont on discute après. Maintenant que j'ai de quoi assouvir ma soif du genre, je ne m'arrête plus, devenant même peut-être trop monomaniaque mais trouvant de quoi lire grâce à de nombreuses discussions sur le sujet.
Mon point est donc celui-là: comment un lecteur adulte motivé mais sans plus qui ne sais pas vers quoi aller et qui se retrouve avec le même type de livre en magasin serait-il encouragé dans sa lecture de la SFFF?
(pardon pour le long commentaire, j'espère qu'il ne tombera pas dans le vide...)
La SF est un truc de geek, de matheux et en plus, c'est chiant.
Ca leur demande de sortir du ressenti et ils se mettent à flipper.
Après, si on les guide, tu dois le savoir aussi bien que moi, on arrive à leur faire apprécier et comprendre un certain style de science-fiction (le best: Le Passeur...).
Mais on peut difficilement les laisser seuls face à une oeuvre de SF alors que face à du fantastique, oui.
Le côté technologie + réflexion sur le monde, peut-être?