Rêve de fer, de Spinrad

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jlavadou
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Rêve de fer, de Spinrad

Message par jlavadou » jeu. mars 23, 2006 9:42 am

Je suis en train de lire Rêve de fer, de Norman Spinrad, suite à ce qui en a été dit sur ce forum. J'en suis au chapitre 4 et, comment dire... l'intention est belle et fort louable, mais le procédé est extrêmement lourd. Même si Hitler avait pris un pseudo on l'aurait reconnu :) Ce qui est sans doute le but, mais entendre parler de race pure et de héros magnifique à chaque phrase c'est un peu trop et c'est inutile : on avait compris au bout d'un chapitre.

C'est comme si Spinrad avait fait exprès de faire de Hitler un mauvais auteur de SF, alors qu'il aurait pu le rendre bon en essayant de divertir le lecteur (à défaut de le rallier aux idées nazies - mais c'était sans doute le risque !), ce qui aurait été plus subversif et beaucoup plus subtil.

Alors ma question est : est-ce que ça vaut le coup de continuer ? Est-ce que la suite ou la fin réserve une surprise, un peu plus de subtilité, ou bien est-ce que c'est toujours la même grosse artillerie, auquel cas je m'arrêterai là ?

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Eric
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Message par Eric » jeu. mars 23, 2006 11:05 am

En fait le but de Spinrad était de faire un mauvais roman. Ce faisant il voulait brocarder une certaine forme de SF. C'est d'ailleurs tout le propos du livre, qui n'est absolument pas une dénonciation du nazisme.

En gros, il a voulu écrire un roman de Van Vogt. Qu'on ne s'y trompe pas, Rêve de Fer est une guerre de tranchée littéraire entre deux écoles de SF.

Alors pour répondre concrètement à ta question, ça empire encore dans les pages qu suivent au point qu'on en vienne à finir par trouver la plaisanterie un peu lourdingue, et quand tu en as bien marre, tu tombes sur la fausse post-face qui est un chef d'oeuvre de second degré, et qui remet tout en place.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

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jlavadou
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Message par jlavadou » jeu. mars 23, 2006 11:39 am

Eric a écrit :En fait le but de Spinrad était de faire un mauvais roman. Ce faisant il voulait brocarder une certaine forme de SF. C'est d'ailleurs tout le propos du livre, qui n'est absolument pas une dénonciation du nazisme.
Le roman n'est peut-être pas une dénonciation du nazisme, mais il a quand même l'intérêt de montrer, même grossièrement, comment Hitler est parvenu à enfumer tout le monde.
En gros, il a voulu écrire un roman de Van Vogt. Qu'on ne s'y trompe pas, Rêve de Fer est une guerre de tranchée littéraire entre deux écoles de SF.
Ah ouais... ça a encore moins d'intérêt alors :) Cela dit le début du livre qui indique que Hitler a reçu le prix Hugo, c'est clair que c'était pas pour féliciter les protagonistes de ce prix :)
Alors pour répondre concrètement à ta question, ça empire encore dans les pages qu suivent au point qu'on en vienne à finir par trouver la plaisanterie un peu lourdingue, et quand tu en as bien marre, tu tombes sur la fausse post-face qui est un chef d'oeuvre de second degré, et qui remet tout en place.
Bon ben je vais passer directement à la postface alors... Cool, un bouquin lu en 3 jours, c'est la première fois que ça m'arrive :)

Bouse Bleuâtre

Message par Bouse Bleuâtre » jeu. mars 23, 2006 11:45 am

En gros, il a voulu écrire un roman de Van Vogt.
Non : de Tolkien.

Ne dénature pas les intentions de l'auteur, STP.

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Fred Combo
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Message par Fred Combo » jeu. mars 23, 2006 2:58 pm

Au risque de paraître un peu bourrin, j'ai bien aimé Rêve de fer...
Je l'ai lu hier soir d'une seule traite, il y a une vingtaine d'années (déjà ? Non non non, je suis pourtant sûr que c'était bien hier soir...). Il faut préciser que j'étais alors fan des Cramps, des Stiff Little Fingers et des Ramones. Alors peut-être bien que j'avais aimé le bouquin pour son côté provoc... Je ne l'ai pas relu depuis l'époque (tout début des 80's).
J'en profite pour redire que ça serait une bonne idée de ré-éditer le livre d'or de Spinrad, et l'autre receuil de nouvelles qui va avec. Il me semble que c'est là que se trouve une histoire de guerre totale contre de mignons petits lapins extra-terrestres. En tous cas, un tas d'excellentes nouvelles, d'après mes souvenirs (un peu vagues, j'en convient, mais j'écris au boulot et je n'ai malheureusement pas présentement accès à ma bibliothèque perso).

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Eric
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Message par Eric » jeu. mars 23, 2006 3:25 pm

Fred Combo a écrit :Stiff Little Fingers...
'tain la vache ! Stiff Little Fingers, j'le crois pas !

Pour un peu on reparlait de Radio Birdman...
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

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Fred Combo
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Message par Fred Combo » jeu. mars 23, 2006 3:43 pm

Pour un peu on reparlait de Radio Birdman..
Toi, tu faisais tes courses chez New Rose après (ou avant ?) être passé à Temps Futur, hein ? Nostalgie... :cry:

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Message par Eric » jeu. mars 23, 2006 3:47 pm

Hé ho mollo ! Et pis quoi encore ? L'Open Market aussi tant que tu y es ; ]

J'ai que 36 ans...
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

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Message par Fred Combo » jeu. mars 23, 2006 3:54 pm

Gamin !

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Message par Eric » jeu. mars 23, 2006 4:04 pm

Attends ! Je suis quand même né dans les sixties (bon OK, il ne s'en est pas fallu de beaucoup).

J'en suis vachement fier.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

Bouse Bleuâtre

Message par Bouse Bleuâtre » jeu. mars 23, 2006 4:09 pm

Fred Combo a écrit :
Pour un peu on reparlait de Radio Birdman..
Toi, tu faisais tes courses chez New Rose après (ou avant ?) être passé à Temps Futur, hein ? Nostalgie... :cry:
Mon premier Seeds, je l'ai acheté à Music Action, carrefour de l'Odéon, juste après le premier Wayne County & the Electric Chairs. Ils avaient aussi en soldes le pressage original U.S. de Teenage Head des Flamin' Groovies.

Mais c'était surtout chez Juke-Box que je me ruinais…

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Message par Fred Combo » jeu. mars 23, 2006 4:16 pm

J'me souviens surtout d'un magasin rue de l'arbre sec (?)
Tiens, du coup, j'vais me mettre Music Machine et les Shadows of night dès que je serai rentré chez moi.
Au fait, on n'étais pas en train de parler de Spinrad, au début ? :lol:

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Message par Eric » jeu. mars 23, 2006 4:24 pm

Flamin'Groovies, voilà un groupe qu'il est honteusement oublié.

Mauvais timing j'imagine. Comme les Dictators.

Sinon il est loin le temps des petits disquaires. Moi, étant bien plus jeunes que vous, c'était Monster Melodies, rue des déchargeurs (honteusement chers) et Crocodisc rue des Ecoles.

Sur la place St Michel il y avait un bon spot pour choper des pirates (j'y avais trouvé un pirate des Yardbirds, la tournée scandinave de l'été 68 après le départ de Keith Relf).

Evidemment, le truc est devenu depuis un librairie spécialisée dans la gestion.
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Message par Transhumain » mar. mai 23, 2006 11:36 am

Euh, les amis, c'est très bien ces histoires de vieux disquaires disparus, mais revenons à Rêve de fer et à ses cibles, voulez-vous ?
Eric parle d'une parodie de Van Vogt, Sylvie bleuâtre d'une parodie de Tolkien... Qu'en est-il vraiment ? Dans le dernier Galaxies, lorsque Tom Clegg, dans son entretien, évoque l'évolution moderne du Space Opera, Spinrad ne dément pas. En outre, l'attribution fictive d'un Hugo à Hitler pour Le Seigneur du Svastika (dont Rêve de fer est essentiellement constitué), tend, comme l'écrit Eric dans son excellente critique (voir sur le site) à désigner comme cible la science-fiction de l'âge d'or, celle de Jack Williamson par exemple, plutôt mal écrite, impérialiste et fascisante (je le dis sans problème, alors même que j'éprouve beaucoup d'affection pour cette SF des origines).
Certes, l'heroïc fantasy est à loger à la même enseigne, mais réduire Tolkien à une épopée fasciste, est en revanche bien hasardeux ! En effet, si les guerres du troisième âge opposent des races entre elles, les hommes échappent à cette partition manichéenne. Bien et Mal ne sont pas représentés par des humains, mais par des créatures fantastiques, des êtres de légende. Les hommes, qui sont, n'oublions pas, clairement identifiés comme le peuple de l'avenir, celui du nouveau monde, celui d'après les enchantements, ne font le bien, ou le mal, que selon leurs forces et faiblesses morales (cf. Boromir), tandis que les elfes SONT le bien, et que les Orques SONT le Mal. Les hommes sont les créatures d'un monde désenchanté. C'est capital : les dieux désertent les rivages des terres du milieu pour se retrancher dans leurs lointain pays. c'est même le sens principal de la fin du roman, où les Elfes quittent les terres humaines. Tolkien, in fine, nous parle de responsabilité.
Le point de vue exprimé par le roman est donc plutôt traditionnaliste, réactionnaire, mais je vous rappelle que les préjugés racistes des personnages (sur les nains, sur les Elfes sylvestres, sur les Hobbits, etc.) sont systématiquement pris à contre-pied, non au nom de grands principes égalitaires, mais selon des valeurs traditionnelles de mérite. Je précise, à toutes fins utiles, qu'un grand nombre d'immigrés eux-mêmes tiennent aujourd'hui ce même discours : si je viens chez vous, c'est que d'une part mon pays d'origine, souvent peu démocratique, ne faisait pas mieux que mon pays d'adoption, et que d'autre part, je me plie ou coutumes et usages locaux. Et Tolkien, pour finir, n'en prône pas moins le respect mutuel - seulement le respect se gagne plutôt qu'il n'est dû.
On le voit, nous sommes à vingt milles lieues, et plus encore, du génocide hystérique du Seigneur du Svastika...
Qu'en pensez-vous ?

Note pour Eric : Rêve de fer, à mon sens sens, n'est pas "mal écrit" comme tu le dis dans ta critique. Spinrad lui consacre au contraire toute son efficacité, seul moyen du reste de donner un sens à son livre, tout en la minant avec les obsessions raciales d'Adolf Hitler. Le ressassement insensé, noté par RCW dans sa préface, de termes comme "pureté raciale", "volonté raciale", etc., n'est sans doute pas pour rien dans cette impression de lire une "bouse". Stylistiquement parlant, c'est un vrai tour de force : la langue du roman est totalement contaminée par les rêves eugénistes et phalliques de l'auteur fictif. Le résultat est forcément un peu lourd, mais admirable. Ce qui est vrai, en revanche, c'est que Spinrad s'est plié dans le Seigneur du Svastika à une certaine "primitivité" du récit, c'est-à-dire à une construction linéaire, très classique, sans fioritures postmodernes, sans monologues intérieurs, reprenant point par point les codes du roman de fantasy de base (un jeune homme, un élu, quitte la boue de ses origines pour connaître un grand destin, sans oublier l'ellipse finale). Tour le contraire, par exemple, de la nouvelle publiée ce mois-ci dans Galaxies, "La main tendue", composée d'articles de journaux et divers fragments.

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Eric
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Message par Eric » mar. mai 23, 2006 12:07 pm

Tout à fait d'accord avec toi sur le "mal écrit". C'est ce que je voulais dire en disant que c'est un exercice bien plus plus difficile qu'il n'y paraît quand on a du talent.

Le soin apporté au style est même quasi entomologiste. La précision avec laquelle sont décortiqués les travers d'une certaine SF est impressionnante.

Autre tour de force de Spinrad, celui d'éviter avec soin, mais sans ostentation les leimotivs du discours nazi, tout en les évoquant de manière très claire. Le Seigneur est chiant, parce qu'il se veut comme tel, et c'est assurément le travail d'un grand styliste.

Sinon ça fait deux compliments sur mes chroniques, j'en rougirais presque...
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

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