Herbefol a écrit :
Faut pas perdre de vue que si un certain nombre de clients achète un peu n'importe quoi on ne vend pas non plus des boites de haricots et le client qui veut le nouveau Harry Potter/Stephen King/Musso/Goodkind ne va pas prendre un Werber/Levy/Grisham à la place si son libraire a refusé d'avoir le livre en rayon pour d'obscures raisons dont le client se contrecogne. D'autant plus que maintenant avec le net n'importe quel client sait quand un libraire le mène en bateau avec des arguments du genre "mais c'est pas encore sorti ça" alors que le bouquin est visible en pub et autre depuis un mois.
Y'a même pire. Je lisais sur un site d'info qu'au Canada, on voit débarquer dans les librairies des lecteurs qui viennent avec une liste, feuillettent les livres et repartent sans rien acheter. En fait, ils vont acheter par correspondance les livres qu'ils ont pu voir en librairie. (En plus, maintenant, y'a une appli pour smartphone qui permet de photographier un objet et de le comparer avec son équivalent sur Amazon. Même pas la peine de repartir chez soi, on peut le commander sur le lieu même).
Ah bon c'est un secret bien gardé que les grands groupes veulent à tous prix avoir un marché le plus fermé possibles et se faire les marges les plus larges possibles ? (n'oublions pas que les grands groupes d'éditions sont aussi des distributeurs)

Le truc aussi, c'est qu'on est encore en train de discuter du contenant (Kindle ou iPad, Ibookstore ou Eden Reader), mais le vrai conflit il est sur le contenu.
Ca fait des mois que les éditeurs commencent à balancer aux auteurs des contrats avec des droits numériques, sans avancer aucune vraie négociation.
Là aussi, les auteurs qui signent ces droits, on peut dire qu'ils sont morts.
C'est pas tant l'affaire du pourcentage (ca se réglera facilement, à mon avis) mais la question de l'exploitation.
Il est probable qu'à terme, la notion de "poche" disparaîtra (sauf à faire des livres enrichis avec des vidéos), du coup, le fichier numérique restera commandable pour une durée inconnue. On imagine que les auteurs vont moyennement apprécier la plaisanterie (s'ils sont un peu intelligents) en voyant un titre abandonné dans un coin de l'ibookstore, avec un éditeur qui ne s'en occupe plus, tout ça pour une durée au-delà de la mort.
En l'état actuel, les éditeurs raisonnent comme si le livre numérique était la copie parfaite du livre imprimé. Comme si on était passé du papyrus au vélin. Or, et le taux de la TVA en témoigne, le livre numérique est considéré comme un service. Ca implique des modifications profondes des relations entre auteurs et éditeurs, en termes de contrat (et encore une fois, je ne parle même pas de l'aspect rémunération qui peut se négocier au cas par cas).
Aux USA, on voit bien que la lutte qui s'est engagée, est bien entre auteurs et éditeurs. Les premiers (enfin quand ils s'appellent Roth, Rushdie et autres) disant aux seconds "on peut se passer de vous". Ils ont bien saisi ce qui est en jeu : le "branding".
Philip Roth, le lecteur se fout de savoir chez quel éditeur il est, il achète "le dernier Roth" (comme le dernier Werber, Nothomb, qui vous voulez chez les bestsellers). Il y a donc une marque, appelée Philip Roth. Et cette marque, elle a un poids énorme sur une librairie en ligne.
Les éditeurs qui pensent que dans la jungle du numérique, ils se reposeront sur les bestsellers pour vendre, se trompent. Ils ne font que préparer l'autonomie de ces auteurs (et les agents seront ravis d'assurer la partie com/marketing) qui n'étaient retenus jusqu'alors que par les aspects industriels du livre.
Alors, il restera aux éditeurs que les auteurs qui ne sont pas parvenus à devenir une marque (95 à 99% des auteurs), et devront eux-mêmes se constituer comme marque, apporter quelque chose de spécial aux auteurs pour qu'ils n'aient pas la tentation de rejoindre les stars.
En résumé, un grand chaos en perspective. Je ne sais pas ce qu'il en résultera, mais une chose est certaine, ça va bouger.