Houellebecq et van Vogt

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Lensman
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Message par Lensman » lun. sept. 13, 2010 7:21 pm

Lem a écrit :Sur l'acuité de l'observation, l'époque, et la raison d'être de ce style "plat" et "niveau quatrième", une dernière citation. Il s'agit d'un extrait d'un article de 1992 intitulé Approches du désarroi (dernière partie : "la poésie du mouvement arrêté"), essentiellement consacré à la publicité, à l'urbanisme et aux nouvelles normes de la vie sociale, telles que MH les discernait il y a donc près de vingt ans maintenant. Il y a beaucoup de bonnes choses dans ce papier (dont l'impeccable : "En mai 68, j'avais dix ans. Je jouais aux billes et je lisais Pif le chien ; la belle vie.") ; je pense qu'il restera et qu'on peut le lire avec profit, encore aujourd'hui : son catalogue de visions est loin d'être épuisé. On le trouve dans le recueil Interventions 2 :
(…) On peut observer le phénomène chaque fois qu'un système de réservation informatique tombe en panne (c'est assez courant) : une fois donc l'inconvénient admis, et surtout dès que les employés se décident à utiliser leur téléphone, c'est plutôt une joie secrète qui se manifeste chez les usagers ; comme si le destin leur donnait l'occasion de prendre une revanche sournoise sur la technologie. De la même manière, pour réaliser ce que le public pense au fond de l'architecture dans laquelle on le fait vivre, il suffit d'observer ses réactions lorsqu'on se décide à faire sauter une de ces barres d'habitation construites en banlieue dans les années 1960 : c'est un moment de joie très pure et très violente, analogue à l'ivresse d'une libération inespérée. L'esprit qui habite ces lieux est mauvais, inhumain, hostile ; c'est celui d'un engrenage épuisant, cruel, constamment accéléré ; chacun au fond le sent, et souhaite sa destruction.
La littérature s'arrange de tout, s'accomode de tout, fouille parmi les ordures, lèche les plaies du malheur. Une poésie paradoxale, de l'angoisse et de l'oppression, a donc pu naître au milieu des hypermarchés et des immeubles de bureaux. Cette poésie n'est pas gaie ; elle ne peut pas l'être. La poésie moderne n'a pas plus vocation à bâtir une hypothétique "maison de l'Etre" que l'architecture moderne n'a vocation à bâtir des lieux habitables ; ce serait une tâche bien différente de celle qui consiste à multiplier les infrastructures de circulation et de traitement de l'information. Produit résiduel de l'impermanence, l'information s'oppose à la signification comme le plasma au cristal ; une société ayant atteint un palier de surchauffe n'implose pas nécessairement mais elle s'avère incapable de produire une signification, toute son énergie étant monopolisée par la description informative de ses variations aléatoires. Chaque individu est cependant en mesure de produire en lui-même une sorte de révolution froide, en se plaçant pour un instant en dehors du flux informatif-publicitaire. C'est très facile à faire ; il n'a même jamais été aussi simple qu'aujourd'hui de se placer, par rapport au monde, dans une position esthétique : il suffit de faire un pas de côté. Et ce pas lui-même, en dernière instance, est inutile. Il suffit de marquer un temps d'arrêt ; d'éteindre la radio, de débrancher la télévision ; de ne plus rien acheter, de ne plus rien désirer acheter. Il suffit de ne plus participer, de ne plus savoir ; de suspendre temporairement toute activité mentale. Il suffit, littéralement, de s'immobiliser pendant quelques secondes.
Seigneur Dieu ! Adamski avait raison !!!
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Florent
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Message par Florent » lun. sept. 13, 2010 7:54 pm

Lensman a écrit :
Florent a écrit :
Puis j'ai lu l'essai sur Lovecraft, et j'ai eu l'impression que rarement homme n'avait aussi bien compris cet auteur, sans tomber dans le cliché du mysanthrope associal et raciste, et qu'il parvenait à toucher du doigt l'humanité de Lovecraft, peut-être parce qu'il voit la vie et le monde pareillement.

.
Personnellement, je n'ai pas vu le rapport avec Lovecraft. C'était à l'époque où je dirigeais le fanzine "Etudes Lovecraftiennes", et je me suis dit que, décidément, j'avais peu à voir avec la littérature française de mon temps...
Oncle Joe
Pour moi, tout tient dans cette phrase de Jacques Bergier que Houellebecq cite en préface : "Peut-être faut-il avoir bcp souffert pour comprendre Lovecraft..."
Modifié en dernier par Florent le lun. sept. 13, 2010 8:20 pm, modifié 1 fois.

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Lensman
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Message par Lensman » lun. sept. 13, 2010 8:02 pm

Florent a écrit :
Pour moi, tout tient dans cette phrase de Jacques Bergier que Houellebecq cite en préface : "Peut-être faut-il avoir bcp souffert pour comprendre Lovecraft..."
Ou peut-être que non...
Oncle Joe

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Hoêl
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Message par Hoêl » lun. sept. 13, 2010 8:03 pm

Florent a écrit :
Lensman a écrit :
Florent a écrit :
Puis j'ai lu l'essai sur Lovecraft, et j'ai eu l'impression que rarement homme n'avait aussi bien compris cet auteur, sans tomber dans le cliché du mysanthrope associal et raciste, et qu'il parvenait à toucher du doigt l'humanité de Lovecraft, peut-être parce qu'il voit la vie et le monde pareillement.

.
Personnellement, je n'ai pas vu le rapport avec Lovecraft. C'était à l'époque où je dirigeais le fanzine "Etudes Lovecraftiennes", et je me suis dit que, décidément, j'avais peu à voir avec la littérature française de mon temps...
Oncle Joe
Pour moi, tout tient dans cette phrase de Jacques Bergier que Houellebecq cite en préface : "Peut-être faut-il avoir bcp souffert pour comprendre Lovecraft..."
Personnellement, je n'ai pas vu le rapport avec Lovecraft. C'était à l'époque où je dirigeais le fanzine "Etudes Lovecraftiennes", et je me suis dit que, décidément, j'avais peu à voir avec la littérature française de mon temps...
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Oncle joe , sors du corps de Florent !
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Lensman
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Message par Lensman » lun. sept. 13, 2010 8:09 pm

Hoêl a écrit :
Oncle joe , sors du corps de Florent !
Je jure que je ne crois pas en la métempsychose ! (Mais je suis vénal...)
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Florent
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Message par Florent » lun. sept. 13, 2010 8:21 pm

Zut, j'ai fusionné :mrgreen: Pendant un moment, on a formé un Yin et un Yang.

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Lensman
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Message par Lensman » lun. sept. 13, 2010 8:24 pm

Florent a écrit :Zut, j'ai fusionné :mrgreen: Pendant un moment, on a formé un Yin et un Yang.
Même pas en rêve ! hé ! hé!
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Le_navire
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Message par Le_navire » lun. sept. 13, 2010 10:15 pm

Erion a écrit :
Le_navire a écrit :
Erion a écrit :
Le_navire a écrit :Ben moi, il m'ennuie à mourir. Je le trouve faussement profond, et réellement superficiel. Du coup, j'ai à peu près autant d'empathie avec ses textes qu'avec le manuel d'installation de ma machine à laver.
C'est pas ce que tu as dit. Tu as dit "Houellebecq, c'est chiant et mal écrit". Que ça t'interpelle pas ok, mais il est indéniable que ce n'est PAS mal écrit.
Hey ! T'as vu comment j'ai trollé, oui ? tss tss tss...

Enfin pour le chiant, pour le mal écrit, c'est un vieux débat récurent, sur lequel, je le sais (et toi aussi) on ne sera pas d'accord. On va pas le refaire, hein ? ça sert à rien. On diverge épicétou.
Si tu veux pas refaire le débat à chaque fois, alors soigne tes posts. C'est bien beau de troller, mais faut bien le faire. Surtout que, quand même, quand un critique dit d'un livre que "c'est bien écrit", en général, c'est pour dire du bouquin que c'est une merde sans nom.

Je ne suis pas partisan du relativisme absolu, mais pour déclarer "Houellebecq" c'est mal écrit, faut vraiment avoir des problèmes d'analyse de style. Je comprends qu'on aime pas ce type d'écriture, mais c'est écrit.

Il apparaît manifestement qu'il y a un certain type de styles que tu détestes, parce que manifestement tu ne cherches pas à comprendre comment ils sont élaborés. Libre à toi, chacun ses goûts, mais essaie de ne pas donner des leçons sur ce qu'est la "bonne écriture". C'est très désagréables pour les auteurs qui "travaillent" leurs styles d'une certaine manière, qu'on vienne leur dire qu'ils ne savent pas écrire.
Pourquoi, mais pourquoi me suis-je imaginé quelques instants que toi et moi pouvions disserter sereinement sans nous sauter à la gueule. Enfin sans que tu me sautes à la gueule, en tout cas.

Je résume ma pensée mais je ne vais pas plus loin : construire, ce n'est pas écrire, à mon avis. De même que mettre en scène ce n'est pas de l'art sculptural, toujours selon mon point de vue.

Le travail n'est pas l'art, le propos n'est pas la phrase. Je réfléchi à la question depuis 35 ans, que je n'ai cessée d'étudier.

Et je le répète, c'est mon avis sur la question, que tu n'aies pas le même est ton droit le plus strict, il ne me viendrait pas à l'idée de t'interdire de l'exprimer et de le défendre, et ce serait donc bien que de temps en temps, tu arrêtes de me donner des leçons que tu n'es pas capable de suivre toi-même.

Si je suis parfois péremptoire dans mes premiers posts, ça fait partie du jeu et de ma personnalité, je doute que tu m'aies jamais vu refuser de nuancer quand on s'avance sérieusement dans un débat. Et je refuse de mépriser celui qui n'est pas de mon avis, du moins tant qu'il reste de bonne foi.

Mais ça, tu n'as jamais su faire...
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Le_navire
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Message par Le_navire » lun. sept. 13, 2010 10:17 pm

@Lem : désolée mon grand, mais ton extrait d'article ne fait que renforcer ma vision des choses. C'est tout ce que je déteste. La posture. La posture avant le ressenti.

On pourrait même lier ça avec les grandes écoles de la sociologie et le débat entre macro et micro. Ou avec l'éthologie et le choix de l'en-dehors, que j'ai toujours vu comme néfaste et prétentieux, lié plus selon moi à la volonté de faire reconnaître les sciences sociales comme des sciences dures, par une sorte de réflexe d'infériorité mal digérée.
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Erion
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Message par Erion » lun. sept. 13, 2010 10:28 pm

Le_navire a écrit : Je résume ma pensée mais je ne vais pas plus loin : construire, ce n'est pas écrire, à mon avis. De même que mettre en scène ce n'est pas de l'art sculptural, toujours selon mon point de vue.

Le travail n'est pas l'art, le propos n'est pas la phrase. Je réfléchi à la question depuis 35 ans, que je n'ai cessée d'étudier.
Je répète, pour la quarantième fois, tu as écrit "c'est mal écrit". Je te réponds : non. Les styles que tu détestes, SONT des styles, c'est écrit. Tu les aimes pas, ok, mais arrête de dire que c'est mal écrit.

Et oui, travailler, c'est de l'art, travailler ses phrases, c'est de l'art. On parle d'écriture, pas de macramé. Que tu ne saches pas lire le style de Houellebecq, pourquoi pas, chacun ses goûts, mais tes propos péremptoires sur le "style des auteurs", me gonflent sérieusement.

Il y a des styles que je ne supporte pas, mais vraiment. Mais je ne vais jamais dire des auteurs en question qu'ils ne savent pas écrire ou même qu'ils écrivent mal. Je vois leur travail, je sais ce qu'ils veulent faire, mais moi, ce qu'ils veulent faire, ça m'emmerde.

Et je n'ai JAMAIS, mais alors JAMAIS résumé d'une seule phrase l'oeuvre d'un auteur en disant "c'est chiant et mal écrit". Ce que tu fais abondamment et constamment, de manière systématique. C'est une posture de ta part, pas une pensée ou même une opinion. C'est toi qui veut donner des leçons sur la "bonne écriture", qui serait un invariant intemporel.
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Message par Le_navire » lun. sept. 13, 2010 10:45 pm

Ma pomme a écrit :Je suis déjà dehors, mais j'ai fait pipi sur le tapis.
Ma pomme a écrit :Bon je vais quand même nuancer (c'est moins drôle, mais un poil nécessaire, pour le coup).
Qu'est-ce que tu n'as pas compris ?

Quand je suis sérieuse, je nuance.
Sauf avec Werber. (mettre deux sous dans le bastringue, ça s'appelle...)
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Message par Erion » lun. sept. 13, 2010 10:52 pm

Le_navire a écrit :
Ma pomme a écrit :Je suis déjà dehors, mais j'ai fait pipi sur le tapis.
Ma pomme a écrit :Bon je vais quand même nuancer (c'est moins drôle, mais un poil nécessaire, pour le coup).
Qu'est-ce que tu n'as pas compris ?

Quand je suis sérieuse, je nuance.
Sauf avec Werber. (mettre deux sous dans le bastringue, ça s'appelle...)
Oui, c'est bien ce que je dis, c'est une posture, pas une pensée, pas une opinion. Donc à chaque fois que tu fais ça, et bien je répondrais de la même manière.
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Message par Le_navire » lun. sept. 13, 2010 10:54 pm

Le problème étant donc que tu me réponds quand je suis sérieuse et donc que je nuance comme si je n'avais jamais été sérieuse et que je n'avais pas nuancé.

On est pas rendus, dis donc.
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Lem

Message par Lem » lun. sept. 13, 2010 11:14 pm

Le_navire a écrit :@Lem : désolée mon grand, mais ton extrait d'article ne fait que renforcer ma vision des choses. C'est tout ce que je déteste. La posture. La posture avant le ressenti.
Il n'y a pas de raison de te désoler.J'aime beaucoup Houellebecq mais je n'en fais pas un enjeu.

Cela dit, je ne comprends pas ce "la posture avant le ressenti" ; je ne vois pas ce que ça veut dire. Dans ses textes – même ses poèmes – MH développe un point de vue bien à lui, qui s'illustre aussi dans son style (la "plate forme", donc) et vise un certain état d'esprit, un certain type d'émotions. Dans l'extrait des Particules, par exemple, l'histoire de la grand-mère serait à la fois sèche et sans grand intérêt si elle se limitait au résumé biographique du début et aux notations anthropologiques de la fin. Mais il y a la petite phrase qui articule les deux parties et qui fait entrer l'émotion, justement parce elle n'est d'aucun discours mais une pure bouffée de chaleur humaine, presque une étreinte : "tout cela, dans sa vie, elle l'avait fait".
Dans la plupart des textes de Houellebecq, l'émotion se fraie un chemin comme ça et je trouve ça beau, généralement.Il y a sans doute une posture mais elle n'empêche pas le ressenti, ni ne le précède, ni rien.
On pourrait même lier ça avec les grandes écoles de la sociologie et le débat entre macro et micro. Ou avec l'éthologie et le choix de l'en-dehors, que j'ai toujours vu comme néfaste et prétentieux, lié plus selon moi à la volonté de faire reconnaître les sciences sociales comme des sciences dures, par une sorte de réflexe d'infériorité mal digérée.
Je ne comprends pas de quoi tu parles.

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Message par Le_navire » mar. sept. 14, 2010 7:18 am

Caro Lem :
Alors, en effet ce que tu ressens, je n'arrive pas à le ressentir, parce qu'il y a cet avant et cet après. D'une manière générale, ce choix, qu'il a lui-même plus d'une fois en interview lié à son détachement envers un monde avec il se reconnait peu d'affinités, c'est cela que j'appelle posture : ce besoin de se poser "en dehors" d'avoir un regard détaché, de regarder le monde sans vouloir tout à fait lui appartenir. Et ça aussi que je n'aime pas : la misanthropie, lorsqu'elle est assumée, devrait, selon moi éviter de solliciter le monde qu'elle réfute, sous peine de n'être plus qu'un choix politique que je désapprouve.

Comment comprendre que celui qui vous condamne puisse chercher, en soumettant sa condamnation à l'œil public, au jugement public, votre approbation et votre commentaire ? Sinon, finalement, pour espérer vous faire admettre sa vision du monde, une vision que chez Houllebecq, je trouve réactionnaire et à l'opposée de ma sensibilité. Ce n'est plus alors un état d'esprit, c'est un manifeste, sous couvert d'un détachement qui devient afféterie.

Je faisais le rapprochement avec les sciences humaines parce que je considère que là aussi, sous couvert d'une démarche "scientifique" c'est une vision du monde politique (et pire, de politique interne, mais pas seulement) qui détermine le choix de l'orientation du travail de l'observateur.

Je m'explique : lorsqu'on enseigne l'anthropologie ou les sciences sociales dans les universités, on se réclame encore (du moins était-ce le cas quand j'étais moi-même étudiante, il semble que certaines universités autorisent aujourd'hui un enseignement autre) de cette école qui interdit à l'observateur de tisser des liens trop étroits avec son sujet d'étude. Deux anecdotes, que j'aime beaucoup et qui pourraient t'amuser si tu ne les connais pas, ont été rapportées par Hamadou Hempaté Ba dans une de ses trop rares interviews) :

La première date de l'époque coloniale, où un jeune anthropologue, frais émoulu de l'université, arrive sur le terrain pour étudier les rites de passage à l'âge adulte, et la circoncision en particulier. Il se présente à l'administrateur colonial, qui convoque les chefs de village et leur demande de faire participer le jeune homme à une cérémonie. Les vieux lui racontent deux trop bricoles,éludent, font traîner l'affaire jusqu'à ce que l'administrateur se fâche.
- Hé, lui répondent-ils, cet homme veut tout savoir de la circoncision, c'est fort bien, mais est-il prêt à se faire circoncire ?

L'autre plus récente, est celle d'un anthropologue qui venait de passer six (ou huit, j'avoue que j'ai oublié) ans en immersion dans une population du centre de l'Afrique. Un projet de barrage, vers la fin de son séjour, menaçait cette population de déplacement forcé hors de la terre de leurs ancêtres. L'anthropologue choisit de se battre pour empêcher ce projet. J'ai oublié s'il parvint finalement à ses fins, mais son engagement lui valut une révélation qui le laissa pantois. On lui expliqua que, depuis son arrivée, on lui avait raconté n'importe quoi, et qu'on l'avait baladé de fausse information en fausse information. Mais son engagement aux côtés de ce peuple lui avait valu l'amitié, et surtout le sentiment d'un lien de commune appartenance de la part de cette population qui se mit dès lors à redresser tous les mensonges jusque là distillés non sans malice.

Bon, je digresse énormément (mais j'ose espérer que ça vous aura amusé comme moi),
mais pour revenir à Houellebecq, c'est là le nœud de mon problème :

On ne peut pas être à la fois en dehors et en dedans, prétendre l'être et ne pas agir en conséquence, ne pas en accepter les conséquences. C'est en tout cas ma vision des choses...
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