Houellebecq et van Vogt

Modérateurs : Estelle Hamelin, Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m

Lem

Message par Lem » mar. sept. 14, 2010 1:51 pm

Erion a écrit :une adaptation filmée d'Extension du Domaine de la Lutte (par Philippe Harel, je crois), et la fin a été modifiée, en accord avec MH.
Oui, le film est d'ailleurs plutôt bon.
Je ne sais pas si qualifier Houellebecq de romantique a un sens ; le mot est tellement surchargé de références depuis deux siècles qu'il ne signifie plus rien. Mais dans La possibilité d'une île, il y a cette page qui se retrouve, sous plusieurs variations, dans tous ses autres textes, quand le personnage principal connaît brièvement le bonheur :
Pour la première fois de ma vie, je me sentais sans restrictions heureux d'être un homme, je veux dire un être humain masculin, parce que pour la première fois, j'avais trouvé une femme qui s'ouvrait complètement à moi, qui me donnait totalement, sans restrictions, ce qu'une femme peut donner à un homme. Pour la première fois aussi, je me sentais animé à l'égard d'autrui d'intententions charitables et amicales, j'aurais aimé que tout le monde soit heureux, comme je l'étais moi-même. Je n'étais plus du tout un bouffon alors, j'avais laissé loin de moi l'attitude humoristique ; je revivais en somme, même si je savais que c'était pour la dernière fois. Toute énergie est d'ordre sexuel, non pas principalement mais exclusivement, et lorsque l'animal n'est plus bon à se reproduire, il n'est absolument plus bon à rien. Il en va de même pour les hommes ; lorsque l'instinct sexuel est mort, écrit Schopenhaueur, le véritable noyau de la vie est consumé ; ainsi, note-t-il dans une métaphore d'une terrifiante violence, "l'existence humaine ressemble à une représentation théâtrale qui, commencée par des acteurs vivants, serait terminée par des automatesrevêtus des mêmes costumes." Je ne voulais pas devenir un automate, et c'était cela, cette présence réelle, cette saveur de la vie vivante, comme aurait dit Dostoievski, qu'Esther m'avait rendue. A quoi bon maintenir en état de marche un corps qui n'est touché par personne ? Et pourquoi choisir une jolie chambre d'hôtel si on doit y dormir seul ? Je ne pouvais, après tant d'autres finalement vaincus malgré leurs ricanements et leurs grimaces, que m'incliner : immense et admirable, décidément, était la puissance de l'amour.
Un peu plus tôt dans le livre, quand le narrateur tombe amoureux, il dit de façon encore plus concise : "l'humanité, non, je n'y avais pas renoncé." Tu vois Navire ? Il suffit de lire.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » mar. sept. 14, 2010 1:54 pm

Lem a écrit : Je ne sais pas si qualifier Houellebecq de romantique a un sens ; le mot est tellement surchargé de références depuis deux siècles qu'il ne signifie plus rien. quote]
Comme "dieu", en quelque sorte, si j'ai bien compris ?
Oncle Joe

Avatar du membre
Le_navire
Messages : 2341
Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 4:15 pm
Localisation : Au milieu.

Message par Le_navire » mar. sept. 14, 2010 1:55 pm

De lire que la femme doit s'ouvrir totalement à l'homme pour qu'il puisse l'aimer.
Oui.
Je lis.
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"

Avatar du membre
Erion
Messages : 5025
Enregistré le : sam. oct. 21, 2006 10:46 am

Message par Erion » mar. sept. 14, 2010 1:55 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit : Je ne sais pas si qualifier Houellebecq de romantique a un sens ; le mot est tellement surchargé de références depuis deux siècles qu'il ne signifie plus rien.
Comme "dieu", en quelque sorte, si j'ai bien compris ?
Oncle Joe
Notre mauvais esprit nous perdra, toi et moi.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

Avatar du membre
Soslan
Messages : 3051
Enregistré le : sam. juin 13, 2009 1:22 pm
Localisation : Lille (ou presque)
Contact :

Message par Soslan » mar. sept. 14, 2010 1:57 pm

Lem a écrit :
Pour la première fois de ma vie, je me sentais sans restrictions heureux d'être un homme, je veux dire un être humain masculin, parce que pour la première fois, j'avais trouvé une femme qui s'ouvrait complètement à moi, qui me donnait totalement, sans restrictions, ce qu'une femme peut donner à un homme. Pour la première fois aussi, je me sentais animé à l'égard d'autrui d'intententions charitables et amicales, j'aurais aimé que tout le monde soit heureux, comme je l'étais moi-même. Je n'étais plus du tout un bouffon alors, j'avais laissé loin de moi l'attitude humoristique ; je revivais en somme, même si je savais que c'était pour la dernière fois. Toute énergie est d'ordre sexuel, non pas principalement mais exclusivement, et lorsque l'animal n'est plus bon à se reproduire, il n'est absolument plus bon à rien. Il en va de même pour les hommes ; lorsque l'instinct sexuel est mort, écrit Schopenhaueur, le véritable noyau de la vie est consumé ; ainsi, note-t-il dans une métaphore d'une terrifiante violence, "l'existence humaine ressemble à une représentation théâtrale qui, commencée par des acteurs vivants, serait terminée par des automatesrevêtus des mêmes costumes." Je ne voulais pas devenir un automate, et c'était cela, cette présence réelle, cette saveur de la vie vivante, comme aurait dit Dostoievski, qu'Esther m'avait rendue. A quoi bon maintenir en état de marche un corps qui n'est touché par personne ? Et pourquoi choisir une jolie chambre d'hôtel si on doit y dormir seul ? Je ne pouvais, après tant d'autres finalement vaincus malgré leurs ricanements et leurs grimaces, que m'incliner : immense et admirable, décidément, était la puissance de l'amour.
Un peu plus tôt dans le livre, quand le narrateur tombe amoureux, il dit de façon encore plus concise : "l'humanité, non, je n'y avais pas renoncé." Tu vois Navire ? Il suffit de lire.
Vous faites référence aux propos d'LN sur le machisme de MH ? Parceque cet extrait n'a rien de féministe selon moi (à moins, de confondre, comme c'est largement répandu aujourdh'ui, aimer les femmes et être féministe).

Edit : doublé par LN.
Modifié en dernier par Soslan le mar. sept. 14, 2010 1:58 pm, modifié 1 fois.
"La Lune commence où avec le citron finit la cerise" (André Breton)

http://karelia.over-blog.com/
Et pour ne pas faire que ma propre promo :
http://musardises.moonfruit.fr/

Lem

Message par Lem » mar. sept. 14, 2010 1:57 pm

Navire >
Dans ce cas, le mot que tu cherches n'est pas "contre-humaniste" mais "anti-féministe". Et là, vraisemblablement, tu as raison.

Avatar du membre
Le_navire
Messages : 2341
Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 4:15 pm
Localisation : Au milieu.

Message par Le_navire » mar. sept. 14, 2010 2:01 pm

Lem a écrit :Navire >
Dans ce cas, le mot que tu cherches n'est pas "contre-humaniste" mais "anti-féministe". Et là, vraisemblablement, tu as raison.
Ah ?
Le féminisme ne fait pas partie des valeurs humanistes ?
On ne me dit rien, à moi.
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"

Avatar du membre
Erion
Messages : 5025
Enregistré le : sam. oct. 21, 2006 10:46 am

Message par Erion » mar. sept. 14, 2010 2:01 pm

Petite question, en marge de la discussion sur Houellebecq, posée aux féministes.

Ce serait quoi, à vos yeux, un propos féministe sur les relations homme-femme, écrit par un homme ?
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » mar. sept. 14, 2010 2:08 pm

Erion a écrit :Petite question, en marge de la discussion sur Houellebecq, posée aux féministes.

Ce serait quoi, à vos yeux, un propos féministe sur les relations homme-femme, écrit par un homme ?
Hum... j'essaie une transposition politique, pour mieux saisir.
Voyons, "un propos sioniste sur les relations israélo-palestinienne, écrit par un palestinien"... non, ça n'aide pas, ça embrouille...
Mauvaise idée !
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mar. sept. 14, 2010 2:12 pm

Le_navire a écrit :Le féminisme ne fait pas partie des valeurs humanistes ?
On ne me dit rien, à moi.
Spécialement pour toi, cet extrait d'un papier MH intitulé L'humanité, second stade. C'est une sorte de réponse à ta question :
Trente ans après les débuts du féminisme "grand public", les résultats sont consternants. Non seulement les femmes sont massivement entrées dans le monde de l'entreprise, mais elles y accomplissent l'essentiel des tâches (tout individu ayant effectivement travaillé sait à quoi s'en tenir sur la question : les employés masculins sont bêtes, paresseux, querelleurs, indisciplinés, incapables en général de se mettre au service d'une tâche collective quelconque). Le marché du désir ayant considérablement étendu son empire, elles doivent parallèlement, et parfois pendant plusieurs dizaines d'années, se consacrer à l'entretien de leur "capital-séduction", dépensant une énergie et des sommes folles pour un résultat dans l'ensemble peu probant (les effets du vieillissement restant grosso modo inéluctables). N'ayant nullement renoncé à la maternité, elles doivent en dernier lieu élever seules le ou les enfants qu'elles ont réussi à arracher aux hommes ayant traversé leur existence – lesdits hommes les ayant entre-temps quittées pour une plus jeune ; encore bien heureuses lorsqu'elles réussissent à obtenir le versement de la pension alimentaire. En résumé, l'immense travail de domestication accompli par les femmes au cours des millénaires précédents afin de réprimer les penchants primitifs de l'homme (violence, baise, ivrognerie, jeu) et d'en faire une créature à peu près susceptible d'une vie sociale s'est trouvé réduit à néant en l'espace d'une génération.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » mar. sept. 14, 2010 2:12 pm

Je relis un peu les échanges, et j'ai nettement l'impression que Lem est le seul à avoir vraiment lu le bouquin de Houellebecq... Quel courage, de dialoguer avec tous ces charlot(e)s!

Oncle Joe

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » mar. sept. 14, 2010 2:15 pm

Lem a écrit :
Le_navire a écrit :Le féminisme ne fait pas partie des valeurs humanistes ?
On ne me dit rien, à moi.
Spécialement pour toi, cet extrait d'un papier MH intitulé L'humanité, second stade. C'est une sorte de réponse à ta question :
Trente ans après les débuts du féminisme "grand public", les résultats sont consternants. Non seulement les femmes sont massivement entrées dans le monde de l'entreprise, mais elles y accomplissent l'essentiel des tâches (tout individu ayant effectivement travaillé sait à quoi s'en tenir sur la question : les employés masculins sont bêtes, paresseux, querelleurs, indisciplinés, incapables en général de se mettre au service d'une tâche collective quelconque). Le marché du désir ayant considérablement étendu son empire, elles doivent parallèlement, et parfois pendant plusieurs dizaines d'années, se consacrer à l'entretien de leur "capital-séduction", dépensant une énergie et des sommes folles pour un résultat dans l'ensemble peu probant (les effets du vieillissement restant grosso modo inéluctables). N'ayant nullement renoncé à la maternité, elles doivent en dernier lieu élever seules le ou les enfants qu'elles ont réussi à arracher aux hommes ayant traversé leur existence – lesdits hommes les ayant entre-temps quittées pour une plus jeune ; encore bien heureuses lorsqu'elles réussissent à obtenir le versement de la pension alimentaire. En résumé, l'immense travail de domestication accompli par les femmes au cours des millénaires précédents afin de réprimer les penchants primitifs de l'homme (violence, baise, ivrognerie, jeu) et d'en faire une créature à peu près susceptible d'une vie sociale s'est trouvé réduit à néant en l'espace d'une génération.
En fait, Houellebecq est d'abord un humoriste, dans la lignée d'Art Buchwald, par exemple.
Oncle Joe

Avatar du membre
marypop
Messages : 1180
Enregistré le : jeu. nov. 06, 2008 9:07 pm
Localisation : Burdigala

Message par marypop » mar. sept. 14, 2010 2:18 pm

Erion a écrit :Petite question, en marge de la discussion sur Houellebecq, posée aux féministes.

Ce serait quoi, à vos yeux, un propos féministe sur les relations homme-femme, écrit par un homme ?
Ce serait l'âge de diamant de Stefenson pour moi.

Je sais ça ne parle pas réellement de relation sentimentale, mais les relations homme-femme ne sont pas qu'au sein du couple.
si on commence à mélanger sf archaïque et proto-sf, personne ne s'y retrouvera plus.
Dieu.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » mar. sept. 14, 2010 2:21 pm

marypop a écrit :les relations homme-femme ne sont pas qu'au sein du couple.
Je suis sûr qu'il y a une belle contrepèterie à faire, mais j'ai le coup de barre de l'après-midi...
Oncle Joe

Avatar du membre
Le_navire
Messages : 2341
Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 4:15 pm
Localisation : Au milieu.

Message par Le_navire » mar. sept. 14, 2010 2:25 pm

Lem a écrit :
Le_navire a écrit :Le féminisme ne fait pas partie des valeurs humanistes ?
On ne me dit rien, à moi.
Spécialement pour toi, cet extrait d'un papier MH intitulé L'humanité, second stade. C'est une sorte de réponse à ta question :
Trente ans après les débuts du féminisme "grand public", les résultats sont consternants. Non seulement les femmes sont massivement entrées dans le monde de l'entreprise, mais elles y accomplissent l'essentiel des tâches (tout individu ayant effectivement travaillé sait à quoi s'en tenir sur la question : les employés masculins sont bêtes, paresseux, querelleurs, indisciplinés, incapables en général de se mettre au service d'une tâche collective quelconque). Le marché du désir ayant considérablement étendu son empire, elles doivent parallèlement, et parfois pendant plusieurs dizaines d'années, se consacrer à l'entretien de leur "capital-séduction", dépensant une énergie et des sommes folles pour un résultat dans l'ensemble peu probant (les effets du vieillissement restant grosso modo inéluctables). N'ayant nullement renoncé à la maternité, elles doivent en dernier lieu élever seules le ou les enfants qu'elles ont réussi à arracher aux hommes ayant traversé leur existence – lesdits hommes les ayant entre-temps quittées pour une plus jeune ; encore bien heureuses lorsqu'elles réussissent à obtenir le versement de la pension alimentaire. En résumé, l'immense travail de domestication accompli par les femmes au cours des millénaires précédents afin de réprimer les penchants primitifs de l'homme (violence, baise, ivrognerie, jeu) et d'en faire une créature à peu près susceptible d'une vie sociale s'est trouvé réduit à néant en l'espace d'une génération.
Et c'est vraiment, mais alors vraiment très con, en plus. Non, pardon, Lem, mais là, je suis censé dire quoi exactement ? C'est ça le féminisme ? C'est d'une bêtise crasse, et caricatural jusqu'au ridicule.
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"

Répondre

Retourner vers « Les infos sur la Science Fiction, la Fantasy et le fantastique en général »