Lem a écrit :MF a écrit :En quoi est-ce impeccable ?
Comme c'est moi qui avait posté ça au départ, il vaut quand même mieux que je réponde.
L'humour est impeccable.
MH n'est pas tendre avec mai 68 en général ; c'est une façon de le (re)dire avec légèreté, presque gentillesse. Cela dit, la référence à l'enfance comme paradis perdu est chez lui constante et, il me semble, presque sans distance. Jouer dans le jardin, lire
Pif le chien – il parle longuement de tout cela dans la première partie des
Particules, qui est intitulée "Le royaume perdu". Il y au même endroit ce passage que je trouve très touchant :
Le soir même, il retrouva une photo, prise à son école primaire de Charny ; et il se mit à pleurer. Assis à son pupitre, l'enfant tenait un livre de classe ouvert à la main. Il fixait le spectateur en souriant, plein de joie et de courage ; et cet enfant, chose incompréhensible, c'était lui. L'enfant faisait ses devoirs, apprenait ses leçons avec un sérieux confiant. Il entrait dans le monde, et le monde ne lui faisait pas peur ; il se tenait prêt à prendre sa place dans la société des hommes. Tout cela, on pouvait le lire dans le regard de l'enfant. Il portait une blouse avec un petit col.
Bref, c'est impeccable parce que c'est drôle, inattendu et subtilement mélancolique quand on connaît le reste de l'œuvre.
Charny, c'est dans l'Yonne et pas dans le Loiret (cette école, hasard de l'existence, je l'ai fréquentée). Et si mes souvenirs sont exacts, il retrouve cette photo un soir de déprime ; ce contexte est, me semble-t-il, important pour la lecture de cet extrait.
Je suis entièrement d'accord avec ton interprétation : MH n'est pas tendre avec mai 68.
Mais y a t-il des raisons de l'être ? Comment accepter cet échec, ce raté de l'histoire pour nos générations ?
Tu mets le doigt sur ce qui me semble le fond de la (possible) différence d'appréciation : l'humour. L'humour désenchanté de MH qui lui permet de continuer à godiller dans la vie. Cet humour qui se raccroche à la nostalgie des instants perdus que tu trouves touchante.
Que tu trouves touchante alors que je n'arrive pas à relier humour et désenchantement ou humour et nostalgie.
Lorsque je pense au désenchantement de 68, ce qui me vient c'est ça
(chacun ses perversions):
Un beau matin,
On vient au monde.
Le monde
N'en sait rien.
Puis on grandit,
On recommence
La danse
De la vie,
Et puis on use nos mains
À continuer le chemin
Qu'avaient commencé nos ancêtres.
Je sais qu'un jour va venir
Où ce chemin va finir.
Ce jour viendra bientôt, peut-être.
[Refrain] :
Ça sert à quoi, tout ça ?
Ça sert à quoi, tout ça ?
Ne me demandez pas de vous suivre.
Ça sert à quoi, tout ça ?
Ça sert à quoi, tout ça ?
Il nous reste si peu à vivre.
On se connait.
On dit quand même
Je t'aime
Pour toujours.
L'éternité
N'est plus en siècles,
Des siècles,
Mais en jours.
Si tu me donnes un enfant,
Aura-t-il assez de temps
Pour arriver à l'âge d'homme ?
S'il reste seul ici-bas
Avec une fille à son bras,
Trouveront-ils encore des pommes ?
[Refrain]
Cette chanson,
Quand je la chante,
Je chante
Pour du vent.
C'est la chanson
Du glas qui sonne.
Personne
Ne l'entend.
Tu as beau me répéter
Qu'on n'a jamais rien changé
Avec des notes et des phrases,
Je continue de chanter,
Les doigts en forme de V,
En attendant que tout s'embrase.
[Refrain]
Pour le peu qu'il nous reste à vivre
Oui, sur le plan du style, ça laisse à désirer. Mais j'ai le sentiment que MH n'écrit rien d'autre.Et ça ne me fait pas sourire...