Jean-Claude Dunyach a écrit :Erion a écrit :
Tu sais, comme éditeurs, j'ai eu Chambon, Jean-Claude et Mireille, à aucun moment nous n'avons parlé d'écriture. La question du "bien écrit" ne s'est jamais posée.
Exact en ce qui me concerne. Disons que, dès la première nouvelle d'Olivier que j'ai lue, ("La première oeuvre", publiée dans Galaxies) je me suis dit : "OK, le bonhomme maîtrise bien une palette d'outils stylistiques, il a une écriture, un style". J'ai pu signaler quelques bricoles locales, mais je n'ai effectivement jamais eu besoin de travailler avec lui sur les fondamentaux de l'écriture. Il a développé ses propres solutions et elles sont convaincantes à mes yeux.
La discussion entre nous, qui dure depuis pas mal d'années, porte sur des notions de "gestion de l'information" au sens large, de l'explicite versus l'elliptique, de rythme de narration, de "bonne longueur" d'un texte, etc. Et c'est passionnant parce qu'il n'y a pas une bonne ou une mauvaise façon de faire, mais diverses approches, donnant des résultats acceptables, et pouvant être diversement appréciées suivant la sensibilité de chacun.
C'est pour ça que je suis assez d'accord avec ce que martèle Erion/Olivier depuis pas mal de temps. Le style, en tant que critère d'appréciation, me pose des problèmes et mes critères de jugement dans ce domaine sont éminemment personnels, non généralisables. Et variables. Des notions comme "la musicalité", "la richesse", "l'inventivité", ou au contraire "la sécheresse", "la pauvreté", "la boursouflure", peuvent se définir, mais ils s'apprécient aussi au sens fonctionnel. Un style boursouflé, ça peut être très bien, ou ça peut donner Van Vogt, qui passe effectivement très bien dans un certain contexte, ou à l'âge idoine. Un style sec aussi. Un style sans musique, volontairement non sensoriel, aussi.
Par contre, dire que "les dialogues sont utilitaires", "les décors sont de carton pâte", "les personnages sont creux", ça renvoie pour moi à de la gestion d'information. Pas au style proprement dit. Mais pour d'autres (et je pense à Thomas Day avec qui j'ai eu cette discussion il y a quelques années et que j'en profite pour invoquer) cette gestion d'information fait partie du style. Si c'est le cas, peut-être faut-il lire sa critique du Chattam sous cet angle-là.
Parce que Chattam, comme Werber, gère l'information d'une façon assez opposée à celle que nous aimons, en SF en particulier. Il dit et redit la même chose sans approfondir - c'est pratique quand on lit deux pages chaque soir - et il ne procède jamais par induction, ou presque. Tout est explicite, rien n'est déduit, tout ce qu'on a besoin de savoir à un moment donné de la lecture a été dit ou répété dans les dix pages précédentes.
Et ça, c'est sans doute une façon de faire détestable pour les gros lecteurs expérimentés que nous sommes, mais qu'est-ce que c'est bien quand on lit un bouquin par an, péniblement, sur la plage, en oubliant d'un jour sur l'autre ce qui s'est passé avant... Et tant qu'il y aura plus de lecteurs de ce type-là que des autres, les chiffres de vente de certains auteurs dont le nom déclenche des polémiques resteront confortables.
Après, on peut tenter de m'expliquer que le rôle de l'éditeur, du libraire, du critique, est de mener le troupeau des masses ignorantes vers l'horizon radieux du bon goût et de l'élitisme discriminatoire en ne publiant/vendant/chroniquant que des choses d'un intérêt certain et d'une qualité littéraire suffisante. Ou on peut aller boire un coup, ce que personnellement je vais faire !