Gérard Klein a écrit :Il ne s'agit pas de faire de l'uchronie, mais de chercher à comprendre et donc des explications.
Passer sous silence les deux millions et plus de tués, blessés graves et handicapés à vie que la Grande Guerre a laissés en France principalement parmi les jeunes hommes entre 18 et 45 ans, sur une population d'environ 35 millions au mieux, me semble d'une légèreté incompréhensible.
Sans négliger la ruine des classes moyennes et classes moyennes supérieures liées à l'inflation. Ruine qui a détruit les capacités d'expression d'un groupe important de créateurs et consommateurs culturels. Rosny et Renard sont contraints à mendier de la pige.
Se fonder sur les populations actuelles de la France 66 millions, et des USA, plus de 300 millions, pour rendre compte de phénomènes qui se sont passés entre 1910 et 1980 par hypothèse est complètement stupide.
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C'est bien ce que je pense; C'est Caliban qui est parti sur des "si". C'est lui le coupable ! Je ne crois pas un instant à la valeur des expériences de pensée dans ces domaines, sauf pour écrire des romans.
Il n'y a pas à partir sur des "si". La France n'a pas été capable de produire de la SF du type de celle qui arrive chez elle en 1950, parce qu'elle ne pouvait pas le faire. Et ce, pour les raisons que tu avances, mais AUSSI pour des tas d'autres raisons, dont des raisons de structures éditoriales qui ne sont pas nécessairement liées aux massacres de la guerre de 14.
Je n'ai pas du tout l'impression que la France manquait d'auteurs (j'en ai une liste impressionnante, entre les deux guerres). En revanche, elle manquait peut-être de lecteurs (nombre insuffisant, c'est possible), et elle n'avait pas de revues spécialisées dans la période 1925-1950.
Je trouve un peu étonnant, de mon côté, que la présence de ces revues de 1925-50, qui crève les yeux (aïe!), ne soit pas comprise comme une des raisons principales de la réussite de la SF aux USA. Il est impossible de prouver que ces revues étaient indispensables, mais une chose est claire et nette: il n'y en avait pas en France. Pour moi, c'est la raison la plus évidente, à tout prendre. On ne peut pas le prouver rigoureusement, ( à part en visitant les mondes divergents de Caliban !!!), mais ça me semble autrement plus flagrant que les autres raisons avancées. Des auteurs, en France, il y en avait, malgré la saignée de la guerre.
La seule autre raison un peu sérieuse que je vois, en dehors de l'absence des revues du type US, c'est le public potentiellement moins nombreux. Mais attention, même cette raison est discutable: il y avait des tombereaux de publications populaires bon marché en France, dans cette période, très lues, qui peuvent être vues comme des sortes d'équivalent des pulps... sauf que ce ne sont PAS DU TOUT des équivalents des revues US de SF. Cela n'existe pas en France, malgré la masse colossale de littérature bon marché qui était publiée dans notre pays. Et je sais ce que je dis, j'en charrie des caisses régulièrement ! (Ah mais !)
Par ailleurs, j'aimerais bien que mes interlocuteurs jettent un oeil (s'il leur en reste un après le parcours des revues de SF US) sur les AUTRES pulps US, ceux qui ne sont pas SF (les pulps mariage, western, pompiers, etc). Ils verront vite à quel point les pulps, puis les revues de SF, se distinguent des autres, avec leur vie éditoriale, le développement de groupes de fans actifs (qui publient leurs fanzines), de clubs, de courriers des lecteur, de lignes éditoriales explicitées, que l'on ne trouve PAS dans les autres pulps. La où, dans les autres pulps, il n'y a qu'une marchandise donnée au lecteur pour consommation immédiate (j'écris ça sans mépris!), il y a dans les pulps, puis revues SF un véritable dialogue entre éditeurs (au sens US du terme) et lecteurs.
Tout cela a donné à la SF US, très rapidement, une cohérence, une efficacité, une vitalité sans comparaison ailleurs, et a permis de développer un langage où auteurs, lecteurs, éditeurs se retrouvent. Et forment une sorte de communauté, qui n'a rien d'un ghetto, car il y a, en même temps, une entreprise commerciale: les gens gagnent leur vie, il faut vendre...
Ceci est un complète évidence pour moi, et je suis étonné de devoir rappeler ici des truismes pareils.
Oncle Joe